Commentaire de Jean-Pierre Petit
sur 2 milliards de degrés : l'humanité découvre le feu absolu et tout le monde s'en fout !


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Jean-Pierre Petit (---.---.231.140) 31 juillet 2006 18:30

J’ai lu ce que les uns et les autres ont mis ces derniers jours. Personnellement j’ai du gérer un arrivage de traductions de bandes dessinées. Sept en sept jours. De l’espagnol, du polonais, du japonais. Heureusement j’ai trouvé l’aide d’un bénévole : Sam Buisseret. Merci à lui. Je dois aussi préparer l’expo sur les pyramides au Grand Palais qui débutera en Octobre et ma conférence là-bas en décembre. J’ai trouvé de l’aide chez un infographiste pour des animations. Bref, retour vers la fusion par confinement inertiel après une semaine de chaleur infernale. Calculer avec 32° degrés, bonjour. Merci à Le Bourdais. Loin de chez moi j’avais utilisé une valeur du barn, prise de mémoire, mais exprimée en angström carrés. Une erreur de 8 ordres de grandeur. Une paille. Errare humanum est. Nous sommes là pour tenter d’y voir clair, le plus honnêtement possible. Je me démène comme je peux. Un premier papier est sorti dans La Grande Epoque. Un autre devrait déjà être en ligne, avec « des effets de manche », comme dit un inconnu.. Remarquons une chose : depuis la publication du papier de Haines, le 24 février 2006 cinq mois se sont écoulés, sans .. rien, sinon ces débats dans des forums. Pas d’articles de fond dans les grands médias comme Pour la Science ou La Recherche, pas plus que dans Scientific Americain ou Science d’ailleurs. J’ai l’impression que nous nous débattons comme des mouches dans un verre de lait en espérant que celui-ci va se transformer en beurre. Pourtant, personnellement je trouve la nouvelle si importante qu’elle mériterait un colloque. Il y en aura bien un, à Troitsk à la rentrée. Mais c’est le colloque annuel classique qui tourne autour de ce genre de manips. On peut supposer que les gens parleront pas mal de ces perspectives. Enfin, j’espère. Un intervenant sur un autre forum insistait en disant que dès 2004 on avait déjà eu ces températures de plusieurs milliards de degrés. Ceci étant, sauf erreur c’est dans l’article de Haines qu’apparaît pour la première fois ce phénomène pas encore expliqué : le fait que la température ionique continue de grimper alors que le point de densité max a été dépassé, que le plasma se refroidit à la fois parce qu’il se dilate et parce qu’il émet du rayonnement. Pourtant la température continue de grimper ! En soi c’est tout à fait extraordinaire, quelle que soit la cause exacte du phénomène Haines parle « d’instabilités MHD » sans plus donner de détails. Certains ont aussi dit que ces température très élevées avaient déjà été obtenues des années auparavant dans des manips comme FOCUS. Ce qu’on appelle les « points chauds ». D’après ce que j’entends et lis le volume de ces points chauds serait très petit. Quelque chose comme quelques microns cubes, paraît-il. Il me semble que le phénomène rapporté par Haines et ses collaborateurs est différents, ou en tout cas de plus grande ampleur, sinon l’équation de Benett ne pourrait pas être équilibrée à la stagnation. Deeney a écrit à un de mes collaborateurs qu’il pensait « que l’échauffement intéresserait 10 % du volume du plasma ». Même si ça n’était que 10 % ça serait déjà « un grand volume ». Revenons aux « calculs de coin de table ». Il faut en faire, mais en gardant deux choses en tête. Ce qu’ils indiquent comme faisable ne se produira peut être pas. Ce qu’ils indiquent comme impossible se produira peut être. La seule interlocutrice qui puisse parler sans risquer de se tromper c’est ... dame Nature. Et je pense qu’il serait urgent qu’on lui donne la parole, en Europe et si possible en France. Mais cinq mois se sont écoulés et ... rien. Je repense à la phrase que j’ai lue « qu’on me montre des calculs qui .... ». Ca me rappelle une phrase de mon ami Rémy Chauvin : « quand on fait quelque chose on a immédiatement contre soi ceux qui font le contraire, ceux qui font la même chose et ceux qui ne font rien ». Ca s’est toujours vérifié. S’il y a des gens capables de faire de savants calculs sur le confinement inertiel, qu’ils les fassent, bon sang et qu’ils nous les montrent. L’enjeu me semble d’importance. Nous sommes face à »de l’indécidable pas cher ». On peut pas jurer que ces manips outsiders Z-pinches soient la clé de la production d’énergie de demain. Mais cela pourrait l’être. En face nous avons des projets pharaoniques, pleins de pans d’ombre et surtout très lents, trop lents. ITER ne représente même pas un projet de générateur électrique au stade pré-industriel. Or dans 20, 30, 50 ans que restera-t-il de cette planète au train où vont les choses ? Je pense qu’il faut garder un œil sur une manip outsider. Une expérience qui nous montre que la Nature peut recéler des choses totalement imprévues. Qui, franchement, aurait imaginé un mécanisme de chauffage des ions, avec transfert d’énergie depuis « le champ magnétique ambiant ». Qui aurait risqué un euros sur une manip basée sur une telle conjecture ? Et pourtant c’est la seule « explication », encore bien informe, que nos théoriciens avancent. Ceci étant, que va-t-il se passer après, quand on mettra en batterie ZT, avec ses 28 millions d’ampères ? Est-ce que la température ionique va plafonner ou continuer de grimper ? Quelles valeurs pour la pression, le champ magnétique, la densité ? C’est vraiment « la physique à l’ouest du Pecos ». La température ionique va-t-elle grimper comme le carré de l’intensité électrique ? Si oui, quo non ascendam ? On a essayé de réfléchir sur ce qui pouvait être calculé et calculable dans ces manips. C’est tout sauf simple. Ne serait-ce que parce que ça baigne dans un champ de 4500 teslas. Haines dit que le paramètre de Hall est élevé. Il faudra que je retrouve ça et que je me replonge dans son papier. Un plasma à fort paramètre de Hall est un plasma où entre deux « collisions » les particules chargées ont un mouvement de giration ( rayon de Larmor ). Dire que le paramètre de Hall est élevé revient à dire que le rayon de Larmor n’est plus négligeable devant le libre parcours moyens ou, dit autrement que le gyrofréquence n’est plus négligeable devant le temps de libre parcours moyen. Ajoutons qu’il y a un paramètre de Hall, une gyrofréquence, un temps de libre parcours pour chaque espèce présente. Parlons « sections efficaces ». Si on prend ce qu’on appelle section efficace de fusion cela revient à considérer deux objets a et b, qui vont « se rencontrer ». Les anglo-saxons emploient l’expression « encounter » qui est plus précise que collision. Quand on veut réfléchir à cette rencontre on se place dans un système d’axs liés à l’une des particules, la plus lourde si les masses sont différentes. Mais si les masses sont égales c’est n’importe laquelle de ces deux particules, noyaux ou objets. Ici on a affaire à des particules électriquement chargées. La force d’interaction est donc en 1/r2, interaction coulombienne. On appelle la particule considérée comme immobile la « particule de champ », l’autre étant appelée « particule de phase ». Simple terminologie. La trajectoire de la particule de phase, dans un système d’axe liés à la particule de champ est alors, comme en astronomie une conique, en l’occurrence une hyperbole. Appelons V la vitesse d’approche de la particule de phase, par rapport à la particule de champ ( en fait c’est une vitesse relative ). Après avoir croisé l’autre particule cette vitesse, en l’absence de champ magnétique se trouve déviée d’un angle Khi. Cet angle dépend de deux grandeurs. La vitesse V ( donc l’énergie ) et le « paramètre d’impact » d qui est la distance à laquelle les deux particules auraient pu se rapprocher s’il n’y avait pas d’interaction. On calcule alors une moyenne de ( 1 - cos Khi ), qu’on peut écrire <1-CosKhi>. Avec ce qu’on met devant ceci a la dimension d’une surface qu’on appelle section efficace de transfert d’impulsion. Considérons une rencontre entre un électron et un ion. Les masses sont très dissemblables. Au minimum le rapport et de 1850 ( masse proton sur masse électron). Or le transfert d’énergie moyen dans une rencontre est en me/mi ( plus petit que 1/1850). Ainsi quand un électron croise un ion l’échange d’énergie est faible, ce qui permet des situations hors d’équilibre où les températures absolues des deux espèces peuvent être très différentes. Comme l’électron échange peu d’énergie dans la rencontre, c’est son impulsion qui est altérée. Donc <1 - cos Khi> représente ce que l’électron perd en impulsion en moyenne à chaque rencontre. Bon, se dira-t-on, il n’y a qu’à faire le calcul. On intégrera donc pour toutes les valeurs du « paramètre d’impact » d possibles, de zéro à l’infini, en se disant : ça va me donner une section efficace Q(V), qui dépendra de la vitesse. Mais ( surprise connue par les théoriciens du début du siècle ) : avec une loi en 1/r2 l’intégrale ... diverge. La section efficace de collision relative à la rencontre entre deux particules chargées est ... infinie. Pour contourner ce problème on se dit : jusqu’à quelle distance le champ créé par une particule chargée se fait-il sentir ? Dit autrement : « je prends une partiocule chargée. Je m’en éloigne. A quelle distance le champ qu’elle crée se trouve-t-il masqué par le champ de toutes les autres particules charges qui sont ses voisines. Voir bouquins : cela s’appelle la distance de Debye. Donc quand on calcule la section efficace on intègre de zéro à cette distance de Debye. C’est cela qui donne le Log dans les expressions des fréquences de collision dans le papier de Haines. Ceci étant, Haines a-t-il tenu compte de cet étrange effet d’hors équilibre dans la situation étudiée. Je pense que oui. Tous calculs faits on trouve que ce <1-Cos Khi> varie comme l’inverse de la puissance quatrième de V ( si mes souvenirs sont exacts. Je n’ai pas de bouquins sous la main. Mais je pourrais évidemment utiliser Google) Tout cela pour dire que la section efficace décroît quand l’énergie augmente. Dans certains cas des particules chargées peuvent « s’échapper », acquérir de la vitesse, le plasma qui les entoure devenant « quasi transparent ». On appelle ces particules des « runaway ». Dans le cas de collisions entre un électron et un atome d’argon, cette section efficace peut présenter un maximum assez prononcé. Ceci par résonance. On appelle cela l’effet Ramsaüer. Dans cette affaire on n’a pas parlé de champ magnétique. Si le paramètre de Hall est élevé, de quoi parle-t-on quand on emploie le mot « section efficace de collision ». Ces remarques illustrent ce que rappelait l’un de vous à propos des sections efficaces de collision pour les neutrons. Entre lents et rapides, cette section efficace escalade les ordres de grandeur. Quand on veut calculer une fréquence de collision on envisage une particules qui chemine à une vitesse V, donc qui balaye V mètres par seconde en remorquant une espèce de chalut qui est sa « section efficace » Q. On obtient un volume QV, balayé à chaque seconde, dans lequel se trouvent n particules cibles. D’où le fait d’écrire une fréquence de collision nQV, qui dépend de la vitesse V. On peut faire une moyenne stochastique et calculer un < n Q V > = n < Q V > en se donnant une fonction de distribution de la vitesse V. Fonction qui sera à sont tour « centrée » autour d’une certaine vitesse moyenne d’agitation thermique , donc correspondant à une température. On note que si on part de données de section efficace exprimées de cette façon cela signifie implicitement qu’on suppose que le milieu peut être décrit par une distribution des vitesses maxwellienne. Vu que si ça n’est pas le cas on ne sait guère quel calcul envisager. Avec une telle méthode on peut calculer une fréquence de collision entre deux mêmes particules, par exemple « electron-électron » ou « ion-ion ». L’inverse correspondra à un temps de relaxation, un temps de thermalisation.Un milieu gazeux acquiert une distribution de Maxwell Boltzmann en quelques collisions. Donc le temps que met le gaz à se configurer de cette façon est de l’ordre du temps que l’on vient de calculer. Pour les ions Haines trouve 27 picosecondes. C’est bref et il se sert de ce résultat pour justifier a posteriori l’hypothèse faite au départ, à savoir ... que cette fonction était Maxwellienne, vu que dans les formules on se sert de cette hypothèse. Je ne pinaille pas, j’essaye de donner des coups de lanterne sur cette route semées d’embûches, mais riche de phénomènes insoupçonnés. Le papier de Haines est une succession de « calculs de coin de table », d’évaluation d’ordres de grandeurs et en physique c’est souvent comme cela que tout commence. Revenons au phénomène de l’implosion du liner à fils. Le courant est électronique. C’est donc « le gaz d’électrons qui circule dans les fils métalliques » qui subit la force de Laplace et communique cette impulsion au maillage métallique, puis au gaz d’ions en fin d’implosion. Comme le transfert d’énergie dépend du rapport des masses ce gaz d’électron entraîne les atomes de métal dans une course radiale. Grosse question : quelle est la vitesse en fin d’implosion, juste avant la stagnation, l’arrêt ? On a une équadit qui montre que les atomes du liner gagnent l’essentiel de leur énergie en fin de course. Si on a un liner de 4 cm de rayon et un temps d’implosion de 100 ns, cela donne une vitesse moyenne de chute de 400 km/s. Mais quelle vitesse à l’impact ? Quelqu’un a-t-il les idées claires sur ce point ? On a dans ces expériences de pinches des tas de paramètres en main. Le diamètre, le nombre des fils, le métal dont ils sont faits. Y a-t-il une ou plusieurs couronnes concentriques ? Pourquoi deux couronnes concentriques ? Les courants sont-ils ils appliqués de la même manière dans ces deux « cages » ? Même si les conditions du breakeven ne sont pas réunies il s’en faut de peu. N’oublions pas que les Américains ont dès 2004 je crois envisagé un projet de réacteur exploitant une succession de pinches avec une fréquence de 0,1 hertz, avec du D-T. Les Russes, de leur côté envisagent des pinches .. sphériques. Comment ? Je voudrais bien en savoir plus. Quid par exemple d’un système de trois liners à fils imbriqués l’un dans l’autre et formant un trièdre. Chacun cherche à focaliser selon son axe. Alors, au centre, que se passet-il ? je vais demander à Olivier Le Roy de nous calculer le champ créé par ce bazar bizarre. Est-ce une idée idiote ou une bonne idée ? Rappelons l’idée présentée dans un dossier de mon site avec simplement un liner formé de deux cônes face à face. Aurait-on un double effet de charge creuse au centre ? L’impression générale est que le pinch est un système très souple. Après qu’on ait fait une dépense suffisante pour se doter du générateur de haute puissance pulsée, avec beaucoup de volts, beaucoup d’ampères et un temps bref, la latitude laissée à l’imagination reste grande. Le passage du liner continu au liner à fils représente ce genre de saut qualitatif très important. Impossible avec un tokamak. Si vous dites à un type qui a construit un énorme tokamak « je vous suggère de modifier la géométrie de votre engin » il va vous casser la gueule immédiatement. Les Z-machines, les FOCUS sont des engins relativement bon marché et pleins de possibles, d’inconnu. La physique qui va avec est aussi en soi un mystère. D’autant plus qu’on monte en température. Quand on avait du mal à atteindre la fusion la palette de réactions envisageables était étroite. Plus haut j’imagine que des tas de choses pourraient être envisagées. Il y a bien au cœur du soleil une fusion catalysée ( le cycle de Bethe ). Il y a aussi la présence d’un champ magnétique dont la valeur ne pourra que s’accroître. Quand on est en régime à fort paramètre de Hall le plasma devient, microscopiquement parlant, anisotrope. Ses coefficients de transport dépendent de la direction envisagée. Comme tout est chargé dans ce bazar et que, si j’en crois Haines, même le paramètre de Hall des ions est élevé, alors tout s’enroule autour des lignes de champ. Sur le plan théorique, c’est passionnant. Au moment où dans toutes les facs les étudiants se désintéressent de la physique on voit émerger des brassées de sujets de thèses. Ca est des phénomènes inconnus, qui pourraient émerger, comme cet étrange chauffage de ions. Donnera-t-on en France des moyens décents pour monter des recherches dans cette voie ou laissera-t-on une fois de plus les Américains filer sous notre nez ? Les Russes ont bien saisi la possible fécondité de l’approche. C’est la raison pour laquelle il seront prêts à appuyer. Mais auprès de qui ? De quoi ? Quel silence, dans l’hexagone !


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