Commentaire de kinette
sur Recensement ethnique = Racisme ?


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kinette 5 juillet 2011 19:56

Atterrée... vraiment atterrée de lire certaines « justifications » scientifiques de personnes qui n’ont manifestement pas idée de ce qu’est un marqueur génétique, de la façon dont on fait des « clusters » mais sont toutes joyeuses à l’idée de prétendre que les scientifiques justifient leur idée de « l’existence des races, qui va si bien avec l’idée que tout le monde a que ça existe »...

J’ai presque l’impression de lire un discours de créationniste qui cite des papiers scientifiques en prétendant que ça prouve bien l’existence de Dieu.

Oui, l’espèce humaine a une certaine structure de populations, liée à son histoire (séparations de groupes humains, mutations...). La génétique permet de retracer les passages de gènes d’un groupe à l’autre et certaines histoires de migrations. Elle fait appel à différents marqueurs, qui, de façon intéressante, n’ont pas toujours « glissé » de la même façon d’un endroit à l’autre. Imaginez un immense tableau où un artiste s’amuse à déverser des peintures de différentes couleurs. Il fait ça sur plusieurs couches, et les couleurs sont plus ou moins miscibles. A la fin, on obtient une œuvre d’art tridimensionnelle, avec des mélanges, des nuances, parfois des zones de séparation un peu plus franches. Avec certains outils statistiques, on pourra reconstituer le fait que dans la première couche, la peinture rouge a diffusé surtout vers la droite, tandis que la bleue était à l’origine au milieu, et la verte à droite. Si on aime faire des catégories, on découpera l’espace de cette couche en zones (en faisant fi des zones bien mélangées, parce que si on fait des catégories, il faut bien fixer des limites... d’ailleurs en statistiques, on a un joli terme pour certaines méthodes permettant de séparer des unités, l’analyse discriminante...). Ceci dit, si on décide de considérer une autre couche de peinture, on obtiendra peut-être un découpage différent...
Parfois on a un découpage, avec des sous-découpage, des sous-sous découpages, etc...

Bref, si on VEUT vraiment couper l’humanité en morceaux, on y arrive. Ce qui ne signifie pas que tous les individus soient facilement attribuables à un des morceaux... la grande question de ces jeux de génétique est : que souhaite-t-on faire ? Quand c’est pour reconstituer l’histoire, on a des questions scientifiquement valables, et pour s’y retrouver, on fait bien des groupes (tout comme on le fait avec les langues, même si certaines langues sont bien « mêlées »). Ce qui me pose question, c’est l’idée de « faire des groupes pour faire des groupes ». Une sorte de manie humaine qui n’a pas grand chose à voir avec les réalités biologiques. Quand on voit les problèmes qu’on a déjà avec la notion d’espèce (qui est loin d’être si simple qu’il n’y paraît, alors que « tout le monde pense savoir ce que c’est »)... faut-il vraiment s’emmerder avec des histoires de race pour le plaisir de catégoriser ?

Qu’on s’intéresse à l’origine géographique d’une personne dans un but essentiellement pratique (et sans se voiler la face sur l’imprécision inhérente à ce genre de chose), comme par exemple essayer de diagnostiquer une maladie dont la fréquence diffère selon les continents, ou adapter un traitement médical, pourquoi pas.

Mais force est de constater que l’idée de race (souvent euphémisée en « ethnie ») est le plus souvent utilisée pour affirmer des stéréotypes, et si possibles les renforcer. Ceci rassure les gens (on sait à quoi s’attendre) et leur permet de se comparer (le plus souvent à leur avantage). Evidemment, ça a des effets pervers, très bien mis en évidence par des expériences de psychologie sociale (mais difficile à faire réaliser aux gens, car c’est le propre du stéréotype d’être renforcé par toute expérience qui semble le confirmer, sans que les expériences inverses n’aient vraiment de prise. De plus, les victimes de stéréotypes en arrivent souvent à s’y conformer, sous la pression sociale...).

Triste monde, mais tellement humain...

K.


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