Commentaire de Walid Haïdar
sur Mélenchon vs Le Pen


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Walid Haïdar 24 février 2012 23:40

@Stabyloboss : il n’y a rien de plus agréable que de parler calmement avec une personne qui ne partage pas nos idées (comme je suis un sanguin, j’ai rarement ce plaisir, qui est d’autant plus appréciable !)


Sur la souveraineté, vous me donnez l’occasion de clarifier une confusion courante, sur laquelle la droite souverainiste joue systématiquement, et vis à vis de laquelle la gauche asouvent du mal à s’affirmer (cependant, il se trouve que Mélenchon s’en sort très bien si on prend la peine de l’écouter sur le sujet).

En fait, la souveraineté pour nous, à gauche, c’est la souveraineté du peuple, un point c’est tout. Tout le reste, pour nous, ce sont des lubies ou des prétextes qui servent autre chose. Nous pensons qu’à partir du moment où le peuple est souverain, il n’y a rien à redire. La France, pour nous, ce n’est que 65 millions d’habitants qui partagent un destin commun. Mais nous n’avons rien contre un destin commun européen, ou mondial. Et de fait, on est tous dans le même bâteau, et de même que le roi de France puis la révolution ont unifié des régions disparates (en quoi le nord de la France fut-il plus proche, culturellement, de la Wallonie ?), les nations seront unifiées d’une manière ou d’une autre.

Mais cela ne dit pas comment cela sera fait. Le « souverainisme » de gauche, ça consiste à dire :
1/ sachant que l’humanité partage le même destin, il paraît naturel que les nations actuelles soient amenées à converger un jour ou l’autre, d’une manière ou d’une autre.
2/ Nous n’avons pas d’a priori sur le calendrier, et nous pensons en fait que celui n’est pas décidable, mais décidé de fait par des processus historiques complexes et capricieux.
3/ Considérant que nous voulons la paix, nous devons oeuvrer à la coopération et au rapprochement entre les peuples, à la connaissance mutuelle, à dé-essentialiser les différences.
4/ A chaque instant, nous devons nous assurer de défendre la souveraineté du peuple.

Ca veut dire que le gauchiste qui veut un gouvernement mondial pyramidal (j’en connais pas), n’est pas de gauche, car la gauche a en son centre la souveraineté du peuple (cf. la naissance des concepts de gauche et droite), qui est impossible dans un gouvernement mondial pyramidal.

Ensuite y a tout l’aspect culture : mais la culture meurt lorsqu’elle est séparée des autres cultures, ou lorsqu’elle s’enferme dans un narcissisme stupide. Les échanges culturels et interpénétrations ne détruisent pas la culture majoritaire mais la renforcent, la fait fleurir de nouvelles couleurs et de nouvelles inspirations. Ce qui tue la culture, c’est le capitalisme, qui uniformise tout pour optimiser ses marges, et le colonialisme, qui nie la culture indigène ou la rabaisse en profitant de sa domination militaire, économique, et de son avance technologique : c’est cela la vraie barbarie. Une culture forte et confiante n’a rien à craindre de l’étranger, et tout à y butiner, elle peut se nourrir de tout, car elle sait distinguer le bon grain de l’ivraie : ça me tue à quel point la France a peur alors qu’elle a tous les outils intellectuels pour combattre l’obscurantisme et la chianlie mercantile, sauf qu’elle fait partie intégrante de l’empire capitaliste mondial, et qu’à ce titre, sa peur est systémique (le 11/09, Londres et Madrid, c’était aussi pour nous), de même que son incapacité à dénoncer le mercantilisme culturicide. La dénonciation du « colonialisme musulman » est une imposture : le colonialisme ça passe par une puissance, une supériorité militaire ou technologique, et une emprise politique. Force est de constater que les musulmans de France n’ont rien de tout cela. Tout ce qu’il y a, ce sont quelques agités du bulbe qu’on monte en épingle, et une stigmatisation rampante qui entretient et gonfle son sujet.

Donc pour finir et donner un exemple : vis à vis de l’Europe, je suis pour le renforcement de concepts comme « Erasmus ». Je trouve cela super efficace pour la paix et la compréhension entre les peuples. Il faudrait le faire pour tous les âges, c’est vraiment génial. Mais je suis contre le fait que le droit Européen soit supérieur au droit national, car l’Europe n’est pas du tout mûre pour cela (même si jamais c’était bien fait, avec un parlement qui prend les initiatives plutôt qu’une commission de tarés inconséquents). La communauté de destin n’est ressentie essentiellement qu’au niveau national, et l’Europe comme projet fédéral sera tuée si elle tente de court-circuiter le processus historique (c’est un peu ce qu’on vit d’ailleurs). Je n’ai rien contre une Europe fédérale, je la souhaite même, mais je pense que c’est un projet sur 50 ou 100 ans au moins, et que grosso-modo, depuis les années 70, on a fait n’importe quoi, par déni de réalité, fantasmes béni oui-oui, et malveillance aussi.

Concernant les fantasmes sur le FN, désolé, mais quand Le Pen cite Brasillac, ce n’est pas un fantasme, c’est la réalité. Le fantasme est plutôt de se laisser convaincre qu’un tel parti compte défendre le petit peuple.

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