jeudi 14 janvier 2016 - par Sylvain Rakotoarison

Balavoine, le révolté sauveur d’amour

« Et partout dans la rue,
J’veux qu’on parle de moi.

Que les filles soient nues.
Qu’elles se jettent sur moi.
Qu’elles m’admirent, qu’elles me tuent.
Qu’elles s’arrachent ma vertu. »
("Le chanteur", 1978)



Ces derniers temps, les médias parlent beaucoup de Daniel Balavoine. Effectivement, ce jeudi 14 janvier 2016, cela fait exactement trente ans que le chanteur a perdu la vie, à 33 ans, dans un accident d’hélicoptère, un soir au Mali avec quatre autres personnes (Thierry Sabine, l’organisateur du rallye Paris-Dakar ; Nathalie Odent, journaliste ; Jean-Paul Le Fur, technicien de radio ; François-Xavier Bagnoud, pilote de l’hélicoptère).

Un accident qui rappelle aussi l’accident de deux autres hélicoptères le 9 mars 2015 au cours du tournage d’une émission de téléréalité en Argentine qui coûta la vie à la navigatrice Florence Arthaud, à la nageuse Camille Muffat, au boxeur Alexis Vastine, aux deux pilotes Juan Carlos Castillo et César Roberto Abate, et aux cinq collaborateurs de la production Lucie Mei-Dalby, Volodia Ginard, Laurent Sbasnik, Édouard Gilles et Brice Guilbert.

L’année 1986 a été particulièrement cruelle pour les stars de scène puisque Coluche (41 ans) le 19 juin 1986 et Thierry Le Luron (34 ans) le 13 novembre 1986 avaient, eux aussi, quitté la scène en s’éloignant du rivage de cette terre.


Une voix, une musicalité et des textes très forts

Daniel Balavoine, beaucoup en ont parlé, a été un petit génie de la chanson française. Vingt millions de disques ont déjà été vendus, et comme Claude François, il est l’un des chanteurs les plus écoutés après leur mort, passant dans les radios et télévisions très fréquemment.

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Il ne voulait pas qu’on dise qu’il faisait de la "variété" ni qu’il était un poète à l’instar d’un Brassens ou d’un Brel, mais il se revendiquait rocker, rocker français en français, rocker à la française. À tel point qu’il avait projeté dès février 1986 d’aller vivre à Londres et de créer un groupe de rock, peut-être avec Peter Gabriel, pour avoir une ouverture internationale et changer de perspectives.

Il considérait que la musicalité de ses chansons était plus importante que ses paroles. Il travaillait beaucoup ses compositions, à l’oreille, avec des outils modernes, avec des sons nouveaux, et il ne consacrait pas beaucoup de temps à l’écriture de ses textes qui demeuraient néanmoins très percutants. Il faut bien dire que si l’un ne va pas sans l’autre, la musique et le texte, ses paroles ne manquaient pas de richesse ni de signification, d’engagement, d’émotion.


Homme d’engagement

S’il est mort dans cet hélicoptère, dans lequel il n’avait pourtant pas prévu de monter, un peu comme Albert Camus, son billet de train dans sa veste, n’avait jamais prévu d’embarquer dans la voiture fatale de Gallimard, c’était d’abord parce que Balavoine voulait aider, faire des actions humanitaires concrètes, et plus précisément, à cette occasion du Paris-Dakar, installer des pompes hydrauliques pour acheminer l’eau dans les villages qui en avaient besoin.

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Il avait participé au Paris-Dakar comme compétiteur en 1983 et 1985 et s’était aperçu de l’extrême détresse des populations qui habitaient dans les zones qu’il avait traversées : « Je suis un chanteur bêtement sentimental, les faits sociaux font sur moi de l’effet alors que je devrais être anesthésié par le fait que je gagne bien ma vie. ».


La colère du 19 mars 1980 face à Mitterrand

Ce cri du cœur, cette générosité, cette parole du jeune face à la société, face au "système", il a été symboliquement incarné par sa très courte mais très remarquée prestation dans le journal télévisé de 12 heures 45 sur Antenne 2, le mercredi 19 mars 1980. Il avait eu l’occasion de dialoguer avec François Mitterrand alors qu’il n’avait pas encore été élu.

Balavoine a failli claquer la porte à 13 heure 27 car il n’avait pas encore parlé, il s’est mis en colère et s’est même levé de son fauteuil pour quitter le studio : « Non, je n’aurai pas le temps, je le sais d’ailleurs que je n’aurai pas le temps. J’ai juste le temps de me mettre en colère. C’est le système de l’information française qui fait comme ça. J’aurai le temps une minute de m’énerver. ».

Puis, sollicité par François Mitterrand, il s’est rassis et a lâché ce qu’il avait sur le cœur : « Je voudrais vous dire une chose importante. Vous avez parlé pendant dix minutes au moins de l’affaire Georges Marchais dont tout le monde se fout strictement. Je vous signale que la jeunesse française se fout strictement de ce que monsieur Marchais a fait pendant la guerre, ça lui est complètement égal. Ca intéresserait plus la jeunesse de savoir ce qu’il se passe et comment le parti communiste encaisse de l’argent, pour le dépenser après, notamment à la mairie de Bagnolet. Ca l’intéresserait mieux de savoir comment Gaston Defferre dirige sa mairie socialiste qui n’est pas un modèle de société à Marseille. (…) Il n’y a jamais eu un jeune Ministre de la Jeunesse en France, il n’y en a jamais eu, c’est tous des vieux ! ».

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Puis, il a rappelé quelques morts récentes mystérieuses : « C’est ça que je voudrais qu’on m’explique, parce que moi, je ne le sais pas. Ce n’est pas l’information qui me le dit. Je voudrais savoir pourquoi monsieur Boulin a été suicidé ou s’est suicidé. On ne le saura jamais. Pourquoi monsieur Fontanet a été assassiné ? Pourquoi l’affaire De Broglie n’a jamais été éclairée ? Pourquoi le juge Renault, on ne sait ni pourquoi ni comment, il a été assassiné ? ».

Enfin, ce fut l’interpellation adressée à François Mitterrand : « La seule chose que je peux vous dire, monsieur Mitterrand, j’en profite de vous avoir, car je suis fier d’être là, je peux vous le dire. On ne s’en aperçoit peut-être pas mais vous ne pouvez pas imaginer ce que c’est pour un jeune d’avoir la possibilité de parler une minute. C’est pour cela que j’avais peur de ne pas pouvoir parler. Parce que ça n’arrive jamais. Il faut bien se mettre ça dans la tête, ça n’arrive jamais. ».

Dans ses derniers mots, même s’il a regretté plus tard de s’être fait indûment le représentant de la jeunesse française, il a mis en avant la désespérance des jeunes, avec une conclusion qui retentit d’une façon particulière dans la France des attentats de Paris : « Ce que je peux vous donner, c’est que généralement, c’est un avertissement. J’ai peut-être du culot de faire ça. Je suis obligé de faire comme ça parce que je dois faire vite. Ce que je peux vous dire, c’est que la jeunesse se désespère, elle est profondément désespérée car elle n’a plus d’appui, elle ne croit plus en la politique française et moi, je pense qu’elle a en règle générale, en résumant un peu, bien raison. Ce que je peux vous dire, c’est que le désespoir est mobilisateur, et que lorsqu’il devient mobilisateur, il est dangereux et que ça entraîne le terrorisme, la bande à Baader et des choses comme ça. Et ça, il faut que les grandes personnes qui dirigent le monde soient prévenues que les jeunes vont finir par virer du mauvais côté parce qu’ils n’auront plus d’autres solutions. ».

Très doctement et avec ses habilités de langage habituelles, François Mitterrand lui a alors juste répondu, après un laïus sur la jeunesse : « Je pense que quelqu’un qui sait dire et chanter, c’est-à-dire exprimer sous la forme de l’art, un drame vécu de cette force devait être entendu lors d’une émission de ce genre. ».

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Après la mort du chanteur, François Mitterrand, devenu Président de la République, lui a rendu ainsi hommage : « J’ai d’abord apprécié le chanteur de la colère et de la tendresse, qui avait su trouver des mots et des sons en accord avec les sentiments de la jeunesse de son temps. J’ai ensuite rencontré et apprécié le révolté et l’homme de cœur, celui qui avait mis sa notoriété au service de la plus grande des causes, celle de la justice et de la lutte contre la faim dans le monde. La jeunesse française n’oubliera pas de sitôt celui qui lui a donné une si grande leçon de vie en allant au bout de ses passions. » (1986).


Dix-neuf chansons marquantes de Balavoine…

J’ai commencé à écouter Balavoine au début des années 1980 avec son tube fameux "Je ne suis pas un héros" (1980) : « Même les soirs de drame, il faut trouver la flamme qu’il faut pour toucher les femmes qui me tendent les mains, qui me crient qu’elles m’aiment et dont je ne sais rien. ». Inspiré par Johnny Hallyday, c’était une sorte de culture de l’anti-héros qui était plutôt à l’opposé de sa chanson "Le chanteur" (1978). Ces deux chansons montrent que le chanteur ne se prenait pas trop au sérieux et savait goûter un peu de légèreté et de sincérité.


1. "Je ne suis pas un héros".




2. "Le chanteur".




C’est par la suite que j’ai écouté la plupart de ses autres chansons qui m’ont accompagné dans de nombreuses nuits sur la route et dont la voix extraordinaire sortait de la nuit, de ce ciel obscur, de ces paysages nocturnes, silencieux, presque morts. Il est difficile de tous les citer, car chacune a eu une incidence sur un thème particulier.

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Comme "Les aventures de Simon et Gunther …Stein" (1977), "Lady Marlène" (1977) et "La porte est close" (1977) qui parlent du mur de Berlin mais aussi de la répression nazie contre les Juifs.


3. "Les aventures de Simon et Gunther …Stein".




4. "Lady Marlène".




5. "La porte est close".




Beaucoup chansons sont très romantiques ou nostalgiques. J’en propose quelques-unes en simple et modeste hommage à Daniel Balavoine.


6. "Lucie" (1978).




7. "Quand on arrive en ville" (1978), qui fait partie du spectacle "Starmania" (opéra-rock composé par Michel Berger).




8. "Tous les cris les SOS" (1985), sur la solitude.




9. "La vie ne m’apprend rien" (1980), chanson qui est assez triste et désespérée.




10. "Mon fils ma bataille" (1980), chanson sur la lutte d’un père divorcé pour obtenir la garde de son enfant, inspirée par le film "Kramer contre Kramer" avec Dustin Hoffman et Meryl Streep, sorti la même année.




11. "Pour la femme veuve qui s’éveille" (1983) est une chanson militante sur la condition des femmes dans certains pays après sa première participation au Paris-Dakar : « femme de Shanghai, de Kostanaï, du peuple Maasaï ; veuve d’un monde qui défaille, rien ne peu égaler ta taille ». Balavoine fustige la politique de l’enfant unique en Chine, les conditions de vie en Sibérie et la pauvreté due aux guerres en Afrique.




12. "Sauver l’amour" (1985), sur la misère dans le monde, entre autres la famine en Éthiopie ou la guerre Iran-Irak.




13. "Petit homme mort au combat" (1985), qui évoque les soldats enfants de la guerre Iran-Irak et qui fait furieusement penser à cette photo du petit Aylan échoué hélas sur une rive de l’Europe.




14. "L’Aziza" (1985), encore un célèbre tube, qui fait l’apologie de la tolérance en réponse aux messages de haine qu’insufflait le Front national en 1984, et le succès de cette chanson fut amplifié par la mort tragique du chanteur, qui avait expliqué ainsi son inspiration : « Je vis avec une femme est juive marocaine. Aussi, lorsque j’entends certaines personnes dire qu’il faut f*utre dehors les immigrés, j’ai peur qu’on me l’enlève. ».




15. "Aimer est plus fort que d’être aimé" (1985).


Aimer est plus fort que d'être aimé.... par dedecafdu62


16. "Vendeurs de larmes" (1982), qui s’attaque aux marchands d’armes : « Trafiquants d’armes. Tous trafiquants d’armes. Chanteurs de charmes. Vendeurs de larmes… ».




17. "Dieu que l’amour est triste" (1982).




18. "Soulève-moi" (1982), une chanson qui exprime extraordinairement l’amour physique (la première fois et monnayé) et ses constellations : « Oh ! Serre-moi fort ! Prends-moi au creux de ton corps. Fais pleuvoir les perles d’or. Cris multicolores ».




19. Pour finir cette sélection toute personnelle, j’évoquerai ce qui me paraît sans doute la plus belle chanson de Balavoine, "Vivre ou survivre" (1982) qui peut s’interpréter de différentes manièrse et notamment en cas de séparation voire de deuil.

« Mais vivre en silence
En pensant aux souffrances
De la Terre et se dire
Qu’on n’est pas les plus malheureux.
Quand dans l’amour
Tout s’effondre,
Toute la misère du monde
N’est rien à côté d’un adieu. »




La fin la plus appropriée de cet hommage, en fait, ce pourrait être ces quelques mots tirés de sa chanson "Le Chanteur" :

« Alors je serai vieux,
Et je pourrai crever.
Je me cherch’rai un Dieu
Pour tout me pardonner.
J’veux mourir malheureux
Pour ne rien regretter.
J’veux mourir malheureux. »


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (14 janvier 2016)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Albert Camus.
François Mitterrand.
Thierry Le Luron.
Coluche.
Yves Montand.

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7 réactions


  • troletbuse troletbuse 14 janvier 2016 18:46

    Ce matin, j’ai entendu à la radio Le chanteur
    Les nouvelles de l’école
    Diront que j’suis pédé
    Le gvt va-t-il faire changer les paroles ou interdire cette chanson ?
    Ce qui donnerait dans la nouvelle version ;
    Les nouvelles de l’écolo
    Diront que j’suis Omo
     smiley
    Pas terrible, hein !


  • Auxi 14 janvier 2016 20:23

    Marre d’entendre chanter la gloire de ce mauvais chanteur de variété, dont l’unique titre de rebellitude fut un caca nerveux face à Mitterrand, qui en avait vu d’autres. Musique indigente, paroles niaises, voix de crécelle et charisme de déjection canine, tel était Balavoine. Oublions-le vite, et bon débarras !


  • César Castique César Castique 14 janvier 2016 20:39

    C’est bien le moins que de rééquilibrer cette hagiographie, en rappelant, grâce à Eric Zemmour, que Balavoine a participé de son petit bout de corde au « Suicide français » (pp. 186-190). :



    La voix est suraiguë. Un registre très rare en falsetto qui s’étend sur deux octaves et demie, notent les spécialistes. Une voix d’androgyne, de castrat ; une voix de fille, commentent les profanes. La voix de Daniel Balavoine ne s’accordait guère avec son premier succès populaire qui contait les fantasmes donjuanesques d’un Rastignac de la chanson ; mais elle colle en revanche de manière troublante avec « Mon fils, ma bataille ». 


    La chanson ressemble à une suite que Balavoine aurait écrite aux « Divorcés » de Michel Delpech. À peine quelques années et les yeux se dessillent.


    Après l’espoir d’un divorce sans souffrance, la guerre autour des enfants. Après le temps des illusions, celui des réalités. Après la rupture, le procès. Elle est partie pour un autre. Elle a abandonné l’enfant. Elle revient, veut le reprendre. Elle est la mère. Mais Balavoine refuse avec véhémence de se soumettre à cette antique loi d’airain.« L’absence a des torts que rien ne défend. » La mère, c’est celui qui est là. À la manière de la célèbre expérience de Lorenz sur les oies qui se frottaient au pantalon du savant, la mère, nous dit-il, c’est celui qui élève. Dans la traditionnelle querelle entre nature et culture, Balavoine prend un parti radical pour la culture. Il incarne l’idéologie culturaliste moderne qui méprise et détruit la biologie, au nom de la liberté de l’individu.


    Balavoine pousse aussi jusqu’au bout cette inversion des rôles et des sexes qui obsède notre temps, dans la mode vestimentaire comme dans la vie professionnelle et sentimentale. Elle est partie, il est resté. Elle est dehors, et lui dedans. Elle bourlingue, il materne. Elle attaque, il défend. Elle a quitté son fils sur un coup de tête ; « C’est moi qui lui construis sa vie lentement ». Elle est l’impulsion, il est la lente édification. Elle l’agresse, l’invective, l’insulte, le salit ; il reçoit tout passivement :


    Tout ce qu’elle peut dire sur moi

    N’est rien à côté du sourire qu’il me tend.


    Et le refrain ose l’inversion ultime :


    Je vais tout casser

    Si vous touchez

    Au fruit de mes entrailles

    Fallait pas qu’elle s’en aille .


    Elle est l’homme, il est la femme. On avait déjà remarqué que le visage de Delpech à l’époque des « Divorcés » s’était arrondi, adouci, alangui. Avec Balavoine, la féminisation progresse et gagne la voix, descend jusqu’aux entrailles. « Mon fils, ma bataille » est à la chanson ce que le film de Jacques Demy en 1973, L’Événement le plus important depuis que l’homme a marché sur la lune, fut au cinéma : Balavoine, après Marcello Mastroianni, a lui aussi enfanté !


    En cette même année 1980, un film américain, Kramer contre Kramer, montre de la même façon un père abandonné par sa femme qui refuse de rendre l’enfant à sa mère. Deux décennies plus tard, Ségolène Royal accordera aux pères un congé paternité de onze jours. L’homme est devenu une mère comme les autres.


    Balavoine n’avait aucune illusion sur son art mineur : « Soyons sérieux, la chanson, c’est un poème raté sur une symphonie ratée. Nous ne sommes que des Beethoven et des Baudelaire ratés. »


    Il comptait arrêter la chanson à 40 ans.


    Après, il ferait de la politique.


    En Mai 68, à 16 ans, il rédigeait déjà avec ses camarades un petit livre blanc sur la réforme de l’enseignement. Il rêvait de devenir député. Il a fait mieux. Il a conduit un combat politique au sens gramscien du terme ; il a forgé les esprits, a vaincu culturellement. Le militant adolescent n’a jamais cessé d’être militant et adolescent.


    C’est la grande force de la gauche que d’envahir jusqu’à la dominer la sphère culturelle, pour capter, endoctriner l’esprit public. En 1980, Balavoine crève l’écran du journal télévisé en interpellant François Mitterrand « sur le désespoir des jeunes qui peut les pousser au terrorisme ». À l’époque, il arrive à des répétitions avec un long manteau noir et un livre sous le bras, consacré à la bande à Baader.


    C’était un fils de la bourgeoisie provinciale. Un pionnier de ceux qu’on appellera plus tard les « bobos ». Leur père spirituel. Leur maître à chanter. Un « rebellocrate » de première main. Il en avait tous les stigmates. Invité de l’émission « 7 sur 7 » en 1983, il déclare : « Je voudrais dire devant tout le monde que j’emmerde les anciens combattants et que les jours de commémoration qu’il y a pour les anciennes guerres, on ferait mieux, ces jours-là, de manifester pour les guerres qu’il y a actuellement. »


    Son dernier grand succès fut en 1985 sa chanson« L’Aziza » (« la belle » en arabe), dédiée à sa compagne,juive marocaine. Il transforme sa déclaration d’amour enode antiraciste au mépris des lois et des frontières :


    L’Aziza ton étoile jaune c’est ta peau

    Ne la porte pas comme on porte un fardeau

    Ta force c’est ton droit
    […]
    Si tu crois que ta vie est là

    Il n’y a pas de loi contre ça.


    Immigrationniste cohérent et convaincu, il rêvait de faire de « Paris, la capitale de l’Afrique ». « L’Aziza » reçut bien évidemment le prix SOS racisme. Balavoine commente lui-même : « C’est encore une chanson d’amour. L’amour d’une race. J’ai une gonzesse qui est juive marocaine et j’aime ça… J’aime son aspect physique, la couleur de ses cheveux… J’ai profité de cette histoire d’amour pour communiquer cette idée qu’on aime les peuples ou on ne les aime pas. On ne peut pas dire : j’aime les Arabes mais quand ils sont chez eux. »


    Son ami Michel Berger chantait à la même époque d’une voix fluette :


    Je veux chanter pour ceux

    Qui sont loin de chez eux,

    Et qui ont dans leurs yeux,

    Quelque chose qui fait mal.


    Cette xénophilie militante et exaltée, cette passion de l’Autre vu comme un héros, mythifié parce qu’il souffre, se conjugue ainsi avec la traditionnelle frustration féminine de l’attente et de l’oubli de soi.


    Balavoine mourra, au début de l’année 1986, alors qu’il survole dans un hélicoptère le désert africain, pour installer des pompes à eau au Niger. Il avait découvert l’Afrique, ses habitants, sa misère, grâce au Paris-Dakar. Fou de vitesse, il avait eu envie de s’arrêter.


    C’était un homme-enfant qui portait un petit Snoopy d’or au cou pour le protéger.. Les hommes-enfants enfantent, livrent des batailles pour leur progéniture, et attendent, les yeux embués, le héros venu du désert qui leur fera découvrir l’amour et les rendra femme.

  • Le p’tit Charles 15 janvier 2016 06:59

    P’tain c’est pas vrai...Tous ces cons qui font du misérabilisme sur des morts en décomposition puant dans leur cercueil.. ?

    La France décadente qui pleure les morts et oublie les vivants.. ?

  • L'enfoiré L’enfoiré 15 janvier 2016 16:25

    Trente ans depuis sa disparition et ses chansons toujours actuelles restent encore en mémoire.

    Quand en 2011, j’ai rappelé les événements des années 80 en mélangeant la politique et la chanson dans « Décennie 80’ties », c’est Balavoine qui ressortait du lot en finale avec « Tous les cris, les SOS »
    Je reviens ce samedi sur cette période.
    Si a cette période, les jeunes pouvaient espérer un lendemain meilleur que la veille, aujourd’hui, c’est peut être l’inverse qui se produit.
    S’il avait connu cette période-ci, je me demande ce qu’il aurait chanté....
     

  • foofighter foofighter 16 janvier 2016 21:59

    Merci de nous rappeler l’existence de ce grand homme et grand chanteur français. Ils ne sont pas si nombreux. Et ils partent souvent trop tôt. A ceux qui ne le voient qu’en « bobo gaucho », je les invite à écouter autre chose qu’1 ou 2 titres, car on a rarement fait chanteur aussi souvent engagé contre toutes les injustices de son époque. Je suis curieux de voir comment il réagirait aujourd’hui au revirement du PS par rapport à la seule époque qu’il aura connue de Mitterand (1981-1986).


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