lundi 15 mai 2017 - par Theothea.com

« Le Testament de Marie » Dominique Blanc par déni messianique à L’Odéon

Pour peu que le Théâtre de L’Europe se soit subitement transformé en Cathédrale selon la circonstance, voici donc qu’une procession de spectateurs, en s’élevant de cour à jardin, déambule sur la scène, curieuse d’y voir de plus près les bougies brûlant en hommage à la Vierge Marie, elle-même statufiée dans une cage de verre sous les traits d’une Dominique Blanc au teint cireux plus vrai que nature… pourtant bel et bien comédienne à part entière comme jamais !…

 

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LE TESTAMENT DE MARIE
© Theothea.com

 

En effet, quelques instants avant que ne disparaissent du décor scénique tous les atours symboliques de l’effet bondieuserie en compagnie d’un vautour apprivoisé, métaphoriquement friand de petits lapins, la vénération touristique bat son plein sur les planches de l’Odéon à l’instar d’un pèlerinage laïque devant bientôt laisser place à la dramaturgie théâtrale dédiée.

 

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LE TESTAMENT DE MARIE
© Ruth Walz

 

Coup de baguette magique sur la citrouille de verre et voici que, dans un cri primal digne d’une actrice se désinhibant de tout corset liturgique et idéologique, Dominique Blanc débute son monologue au sein d’un cauchemar éveillé… en pleine confidence avec le public, son unique rempart du drame par lequel le nouveau testament l’a « sanctifiée » à son insu depuis deux mille et quelques années.

C’est donc l’histoire d’une mère et de son fils « fugueur » que celle-ci va se conter à elle-même, en se tenant au plus loin des pressions destinées à rendre synoptiques les évangiles qui relateront l’avènement du fils de Dieu sur terre par l’intermédiaire de l’immaculée conception tout en préparant son ascension triomphale aux cieux non sans avoir expié auparavant, dans l’extrême douleur, les péchés de l’humanité tout entière. 

Voilà donc Marie en exil à Éphèse jamais remise de cette période tragique où elle assista en témoin médusé au départ de son fils du domicile familial, sis à Nazareth, pour rejoindre une « bande de désaxés » en devenant leur chef charismatique jusqu’au point où ces « disciples », à force d’admiration illimitée l’installant sur un piédestal, finissent par le nommer « fils de Dieu ».

 

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LE TESTAMENT DE MARIE
© Ruth Walz

 

Entraîné par ce tourbillon du pouvoir exercé sur les foules, le fils prodigue se mit alors à effectuer d’ambigus miracles démultipliant encore davantage la fascination collective que Marie pressentait comme une arme prête à se retourner contre son rejeton adoré.

En conséquence, malgré tous les efforts de cette mère invitant son fils à reprendre raison et pieds sur terre, il n’en faudra pas davantage que la redoutable proclamation « Roi des juifs » pour mettre définitivement le feu aux poudres entraînant sa condamnation à mort. 

Au diapason d’un chemin de croix gravi en calvaire sur le mont des Oliviers, Marie se remémore tous les moments du supplice jusqu’à l’infernale crucifixion dont chaque clou la pénètre à jamais jusqu’au fond de sa tourmente maternelle infinie.

 

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LE TESTAMENT DE MARIE
© Ruth Walz

 

A l’image de ces jeunes contemporains s’engageant dans des combats chimériques au nom de causes transgressives face à des familles désarmées et terrassées, rien ne pourrait venir consoler Marie encore moins justifier sa perception d’une responsabilité entravée par le mal absolu ayant gangrené le destin d’un fils magnifique à qui tous les espoirs de réussite sociale étaient permis.

A la suite de Fiona Shaw à Broadway en 2013 puis à Londres en 2014, la performance de Dominique Blanc, pareillement sous la direction de Deborah Warner, est emplie d’une intensité, d’une gravité, d’une force atavique à dépasser les croyances contingentes ; cela autorisera Marie de clamer, en épilogue au roman de Colm Tóibín, à haute et intelligible voix :

« La soi-disante mission de mon fils n’a pas sauvé le monde. Cela n’en valait pas la peine. »

 

photos 2, 3 & 4 © Ruth Walz

photos 1 & 5 © Theothea.com

 

LE TESTAMENT DE MARIE - **** Theothea.com - de Colm Tóibín - mise en scène Deborah Warner - avec Dominique Blanc - Théâtre de L'Europe / Odéon

 

 

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LE TESTAMENT DE MARIE
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