jeudi 9 juillet 2015 - par Trelawney

Areva et la « culture de la sécurité »

Dans son article du 21 avril, olivier Cabanel nous informait de défauts de fabrication de la cuves de l’EPR de Flamanville. Ces désordres étaient jugés suffisamment grave au point que l’ASN émette un sérieux doute quant à la fiabilité de cette cuve. 

Pierre-Franck Chevet, président de l’ASN déclarait à l’époque que c’était « Une anomalie sérieuse, voire très sérieuse qui touche un composant crucial ».

Le problème sur cette cuve est de deux ordres : un défaut partiel de ségrégation du carbone lors du forgeage à l’usine Areva du Creusot (Saône-et-Loire), et une utilisation inappropriée de gabarits de montage qui ont conduit à l’élimination d’une couche trop importante de beurrage au niveau des soudures des adaptateurs de couvercle de cuve.( La réalisation de soudures sur une épaisseur de beurrage trop faible étant susceptible d’engendrer des défauts dans le métal de base). Ces deux problèmes conjugués engendrent une anomalie grave dans la composition de l’acier de cette cuve qui doit tenir le temps de vie de ce réacteur et même au-delà.

Bien qu’Areva avait décidé de garder le silence sur cet événement, d’autres personnes et organismes pro-nucléaires ont critiqué le comportement de Pierre-Franck Chevet, président de l’ASN, qui a rendu publique cette affaire. Ils n’ont pas hésité à demander la démission de cet homme jugé pas assez « pro-nucléaire » pour être à la direction de cet organisme indépendant (peut-être un peu trop indépendant au goût de ces personnes). Quant aux défauts incriminés, ces même personnes se dédouaner en remarquant que le changement des normes a eu lieu en 2005 et que la cuve étant conçue et fabriquée avant le changement de la norme, il était fallacieux d’appliquer rétroactivement cette nouvelle norme.

 

La note de l’ASN qui date de février 2015 est diffusée dans son intégralité (un document de 32 pages) et plusieurs médias ont reçu une copie. On y apprend des choses intéressantes. En 2010 Areva édite un rapport « secret » sur les événements. Elle est informée en 2006 lors du forgeage de la cuve « d’importantes ségrégations majeures positives au centre de la calotte de couvercle du réacteur ». Une teneur excessive de carbone dans l’acier augmente sa fragilité à la fissuration. Pourtant Areva ne s’en préoccupe pas ou feint de ne pas s’en préoccuper. Ils gardent l’information par devers eux et n’informent ni les autorités, ni les organismes de contrôle. Entre 2006 et 2010, ni l’ASN et ni l’IRSN n’est informé de ce grave défaut. En 2010, l’IRSN réclame les analyses chimiques effectuées au cours de la fabrication. Areva indique qu’il les a déjà transmis en 2008 et 2009, mais de façon partielle et noyés dans d’autres rapports et données. De plus ces analyse étaient celles faites sur les copeaux de la pièce qui n’étaient pas dans la zone à risque et servaient uniquement à orienter la pièce dans le lingot de métal. Bien qu’au courant du défaut de carbone sur la cuve, il ne l’a jamais précisé dans ses rapports. A la lecture de ces analyse et s’apercevant du problème, l’IRSN réclame les éprouvettes pour refaire les analyses. Les résultats sont inquiétants. La norme de 2005 qui remplace celle de 1974 a augmenté la limite de résilience de 50 à 60 joules. Les nouveaux essais sur les éprouvettes indiquent une limite de résilience à 36 joules bien inférieure à la norme 2005 et même 1974. Cette cuve a un réel défaut de fabrication qui aura des conséquences graves sur la suite du chantier. Il est maintenant évident que Flamanville ne démarrera pas avec une cuve comme cela.

 

Quand une société comme Areva développe la « culture de la sécurité » a un tel niveau, elle ne doute plus de ses capacités techniques et peu à peu s’enfonce dans un complexe de supériorité qui l’empêche de douter. Or en matière de sécurité, l’humilité est la règle numéro 1 ! Il faut toujours se dire : « si on a fait les essais et qu’on n’a rien trouvé, c’est qu’on a mal fait les essais et il faut recommencer ». Ce n’est que comme cela qu’on arrive au résultat presque parfait, car le parfait n’existe pas. L’ASN a demandé à Areva un audit externe des usines du Creusot et de Châlon Saint-Marcel. Cet audit commandité à la société Lloyd’s Register Apave Limited est en cours et nous devrions avoir les résultats fin juillet.

 

Quand le ministère de l’industrie au japon a demandé à Tepco un rapport sur l’éventuelle dangerosité des centrales nucléaires en bord de mer avec des réacteurs trop bas par rapport au très de côte, Tepco n’a pas jugé utile de répondre. On sait maintenant ce qu’il est advenu à Fukushima



8 réactions


  • Le p’tit Charles 9 juillet 2015 12:26

    AREVA...une bien belle société Française..au zénith des arnaqueurs.. !


  • ppazer ppazer 9 juillet 2015 13:14

    Olivier qui ??


  • amiaplacidus amiaplacidus 9 juillet 2015 15:17

    Il y a un article à ce sujet dans le « Canard enchaîné » de cette semaine.
    L’article fait référence à un rapport de I’Institut de Radioprotection et de Sûreté Nucléaire (IRSN), organisme indépendant de l’ASN.

    On y trouve quelques extraits de rapports :

    « ...Ce qui nous a surpris, c’est que les gens d’Areva n’aient pas réagi devant une valeur anormale aussi élevée... ».

    « ...S’agit-il d’un manque de compétence ? de vigilance ? de surveillance ?... »

    « ...La technologie de fabrication retenue (par Areva) pour les calottes de cuve du réacteur Flamanville 3 est en régression technique par rapport à celles utilisées pour le parc en exploitation... »
    .
    .
    Effectivement, c’est depuis 2006 qu’Areva sait que la cuve présente des problèmes. Trop de carbone dans l’acier. En fait, ce carbone transforme l’acier en fonte. Or, pas besoin d’être un métallurgiste de haute compétence pour savoir que la fonte est cassante et qu’elle ne supporte pas les déformations. Par exemple, Les conduites d’alimentation d’eau faites en fonte il y a 30-40 ans cassent les unes après les autres.

    C’est lors de la coulée en 2006 qu’Areva s’est rendu compte du problème. Elle a alors choisi délibérément de continuer à usiner la cuve et à la monter dans le bâtiment du réacteur. Vraisemblablement il faudra remplacer cette cuve, cela va générer un coût supplémentaire de x millions (milliards ?) d’€, il est vrai que l’on en est plus à 100 millions près, le budget prévu initialement à 3,2 milliards est maintenant de 9 milliards, alors ...
    Sans compter un retard de x années, il est vrai que comme il y a déjà un retard de plus de 5 ans ...
    ..
    À ce point d’ânerie, on se demande s’il faut en rire ou en pleurer.
    Et dire que certains nous présentent Areva comme un fleuron français. Alors, dans quel état doivent être les entreprises qui ne sont pas des fleurons. Heureusement que je sais que passablement d’entreprises françaises se classent de façon très honorable dans le monde.

    On se demande si les gens d’Areva sont malhonnêtes, incompétents ou inconscients. Je pense qu’il y a une très forte probabilité pour qu’ils soient à la fois malhonnêtes, incompétents et inconscients.


  • Ruut Ruut 9 juillet 2015 17:09

    Le Nucléaire est devenu un danger pour nos enfants.
    Depuis le traitement médiatique de Tchernobyl, la confiance est rompue.
    Le traitement de Fukushima confirme l’omerta des organisme de sureté français.
    Quand a la culture de la sécurité, c’est comme pour la mafia la lois du silence.


  • lsga lsga 9 juillet 2015 22:57

    et encore, attendez de voir les défauts de fabrication de l’EPR en Chine... 

    Areva est parfaitement au courant. 

    • Layly Victor Layly Victor 11 juillet 2015 11:21

      @lsga
      ce brave Isga, dès qu’il s’agit d’attaquer la France, sur n’importe quel sujet, il répond présent. Au nom de « l’internationalisme prolétarien » avec une mention spéciale pour les prolétaires de Wall Street.

      Le problème, justement, c’est que les deux EPR chinois sont en passe de démarrer, ce qui démontrera de façon éclatante le sabotage de l’EPR de Flamanville par l’ASN (15 ans de chantier contre 2 ans en Chine).
      C’est pour ça que Chevet est aux abois et qu’il tente des manoeuvres désespérées pour ralentir le chantier chinois, mais les Chinois lui ont fait un gros bras d’honneur.

      Ceci dit, vous pourriez avoir des surprises de la part de vos patrons US. Ils ont jusqu’à présent diligenté Greenpeace France et ses satellites pour couler l’EPR, pour faire la place à l’AP 1000 US dans l’optique du redémarrage du nucléaire.
      Mais, à trop couler le nucléaire français, ils arrivent au résultat que le nucléaire russe est en train de conquérir le marché mondial (notamment avec le BN 800 qui a divergé l’an dernier), ce qui les contrarie beaucoup.
      Attendez vous donc à recevoir des directives en sens inverse dans les mois qui viennent !

  • Layly Victor Layly Victor 11 juillet 2015 11:00

    Vous citez à l’appui de votre article les « révélations » de l’immense scientifique Olivier Cabanel sur les « graves défauts » de la cuve de l’EPR. Des commentateurs citent le Canard enchaîné et l’IRSN.


    Pour situer le sérieux de cet illuminé, vous qui êtes scientifique, vous connaissez l’énergie libre, qui est une fonction thermodynamique introduite par Gibbs et Duhem, et qui sert notamment à calculer la probabilité qu’une réaction chimique se produise. L’état final d’équilibre chimique d’un mélange d’espèces est celui qui minimise l’énergie libre de Gibbs. C’est un résultat connu de tous les étudiants de première année. Et bien, cet âne bâté, étant tombé par hasard sur ce terme, ou averti par une de ses ouailles de cet apport inespéré de la science, s’est fendu d’un article dans lequel il explique qu’on est sorti de la mouise « grâce à l’énergie libre ». C’est triste et pitoyable.
    De toute façon, il ne fait que reprendre en continu toutes les informations en provenance d’une certaine presse (Médiapart, le canard enchaîné, Libé, le journal « l’Immonde » qui fait ses choux gras de la mode anti-nucléaire et anti France, mais pro US et pro Merkel à fond), ou provenant de sites chamaniques et bugarachiens, voire de l’inénarrable CRIRAD, pourvu qu’elles colportent des mensonges anti nucléaires.

    Au sujet de l’IRSN, je crois bien connaître le sujet, puisque j’y ai travaillé de 1979 à 2007, et que j’ai assisté, impuissant, à la descente en chute libre de cet organisme, sur le plan scientifique.
    L’IRSN était autrefois l’IPSN, une direction du CEA, de très haut niveau scientifique et technique. Le CEA en assurait le financement et ne mettait jamais aucune contrainte sur les travaux de recherche et sur les résultats, je puis en témoigner. En 1998, la « gauche plurielle » a décidé de séparer l’IPSN du CEA et de créer l’IRSN, officiellement pour séparer les études de sûreté du constructeur et de l’exploitant. Intention louable sur le papier, mais en fait une grosse arnaque. L’IRSN est officiellement un organisme d’expertise scientifique en soutien de l’ASN. En réalité, l’IRSN n’a pas de budget suffisant et ne peut survivre que par des contrats de recherche, dont la majorité sont signés avec EDF. Vous comprenez le système ? 1) l’ASN, dirigée par un ancien de Greenpeace, un polytechnicien qui va à la soupe, PF Chevet, et une équipe d’écolo-politiques, impose ses vues à la direction de l’IRSN (dirigé par un polytechnicien qui a senti la bonne galette, Repussard) 2)l’IRSN se fait financer par EDF, sous forme de projets d’études 3)EDF est bien obligé d’accepter, sous peine de représailles du sieur Chevet.
    C’est du maquereautage complet, comme tout ce qui se passe en France, en ce moment.

    Comme je disais, le niveau scientifique de l’IRSN est tombé en chute libre depuis 20 ans, et c’est principalement lié au fait que la direction scientifique et technique a été remplacée par une direction politique aux ordres. 
    De ce que je sais du niveau actuel, je serais bien étonné qu’il y ait encore (ce qui était le cas autrefois à l’époque de Superphénix) des spécialistes des matériaux capables de donner un avis éclairé sur la migration des inclusions de carbone dans un acier.
    Ceci dit, Chevet est parfaitement en droit, légalement, de faire appel à l’expertise de tout autre organisme de recherche que l’IRSN, même à l’étranger (il n’y a aucun problème de secret). Ce qu’il ne fera jamais car c’est bien plus facile de copiner avec son copain Repussard.

    Ce Repussard, il y a quelque temps, s’était fendu d’une « étude » qui estimait le coût d’un accident nucléaire en France à 5800 milliards d’Euros. Aussitôt, l’hystérique mollah Denis Baupin avait saisi l’assemblée nationale pour exiger que l’on oblige EDF à provisionner cette somme : 34 fois la dette grecque ! Devant cette énormité, les potes de l’ASN avaient ramené cette somme à 1000 milliards d’Euros, sans aucune justification, ce qui était quand même suffisant pour couler définitivement EDF.
    On voit bien, au passage, le véritable but de toutes ces manoeuvres : réaliser le rêve des écolo-politiques et de nos maîtres allemands, c’est à dire privatiser l’électricité en France et multiplier la facture par deux ou trois pour payer la transition verte allemande.

    Au passage, le coût de l’energiewende est estimé par les allemands eux mêmes à 280 milliards d’Euros (sans compter les retombées sanitaires et sociales dues au charbon). On comprend l’urgence pour vos amis allemands de voler les Grecs ! 

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