vendredi 14 septembre 2012 - par ZEN

Aspects du nomadisme (1)

 ___L'affaire Arnault fait apparaître au grand jour une pratique déjà ancienne : le nomadisme fiscal, parfois accompagné de nomadisme résidentiel.

_Rien à voir bien sûr avec le nomadisme ancestral et encore pratiqué dans certaines parties du monde._

Avant la Belgique, BA s'est installé aux USA plusieurs années avant de revenir en France et de profiter du démantèlement de l'empire Boussac, grâce à des appuis politiques et des aides publiques, qui devaient créer les bases de sa fortune. Son partenaire belge A.Frère réside le plus souvent à Monaco ou à Paris...Les pauvres n'ont pas le choix de changer de lieu de résidence à leur guise, sauf si on leur impose, par délocalisation, un emploi sous- payé en Roumanie ou en Turquie...

__ L'évasion fiscale planétaire prend une place considérable et pernicieuse dans l'économie souterraine, privant les Etats de ressources importantes, les obligeant à ponctionner les plus modestes et mettant en péril les services publics.

_Il est dans la nature des multinationales de chercher un peu partout sur la planète les lieux d'implantation les plus favorables pour leurs affaires, soit pour se rapprocher de matières premières, soit pour bénéficier de nouveaux marchés, soit par l'attractivité d'une main-d'oeuvre bon marché, soit pour plusieurs de ces raisons à la fois.

Depuis surtout les années 70, profitant des technologies permettant la transmission ultra-rapide d'informations en continu, nuit et jour, sans limites territoriales et temporelles, les échanges boursiers, des fonds financiers, même les plus douteux, se font à la vitesse de la lumière, maintenant de manière robotisée, favorisant les déplacements quasi-instantanés de flux financiers, déconnectés de l'économie réelle, pratiquement sans contrôle possible, avec le risque permanent de déstabilisation des économies, les prédations subites et l'accentuation des crises. Comme celles, surtout bancaires, qui ont inauguré lentement, puis brutalement la succession des convulsions que nous vivons, qui ne sont finalement que les effets d' une mondialisation anarchique, débridée, non régulée, censée favoriser d'elle-même le développement des richesses et leur ruissellement sur les parties les moins développées de la planète.

 ___Le Consensus de Washington a représenté la Bible de cette croyance.

"... A la fin des années 1990, le modèle économique ultra libéral adopté par Thatcher et Reagan est devenu le nouveau dogme économique, et ses tables de la loi ont été rédigées par John Williamson, économiste en chef pour la région Asie à la Banque Mondiale. Devenues célèbres sous le nom de « Consensus de Washington », elles énumèrent les dix commandements auxquels devaient désormais se plier les états, et qui imposaient un revirement complet des politiques menées depuis l’après guerre.
 
Dérégulation, privatisation, monétarisme, réduction des dépenses publiques devenaient désormais d’ardentes obligations en dehors desquelles ils n’existait point de salut.
Le rôle de l’état, qui jusqu’alors avait été central, à la fois par les politiques économiques et budgétaires qu’il impulsait, et par son rôle redistributeur des richesses produites par les nations, devait à tout prix être réduit à la portion congrue. Ronald Reagan avait résumé cette nouvelle vision prônant le « moins d’état » lors de son discours d’investiture par sa formule fameuse : « l’état n’est pas la solution, c’est le problème ». 
 
____Nomadisme économique (délocalisations), fiscal, financier...phénomène qui s'est amplifié et généralisé, jusqu' à échapper à leurs initiateurs, comme à leurs régulateurs réels ou supposés. J. Stiglitz reconnaît que la régulation banquaire qui se met en place partiellement et par nécessité revient maintenant aux pouvoirs financiers à l'origine de la crise ! Wall Street contrôle Wall Street.

____J.Attali est la figure ambiguë, le grand gourou du nomadisme des années 80, le symbole et le théoricien du monde des affaires libérées des contraintes nationales, au coeur d'une mondialisation heureuse (ou implosive ?) annonçant les migrations futures et les reconfiguration culturelles en vue, dans le sillage des délocalisations.

" Ce qui est certain c’est que les migrations à venir, et celles liées au climat tout particulièrement, bouleverseront l’ordre établi, elles définiront de nouveaux rapports de société, détermineront de nouveaux enjeux. En un mot, elles marqueront l’histoire future.

Tout cela modifiera profondément la nature de la culture de nos sociétés. Nous entrons dans une société de nouveaux nomades. Non seulement des milliards de gens seront conduits à redevenir nomades pour survivre, mais encore, les plus riches seront eux aussi hyper-nomades, soucieux de préserver leurs libertés et de vivre sans contrainte de territoire ou d’appartenance." (JA)

_La migration des Européens pauvres du 19° siècle vers les USA (Irlandais, par exemple) a-t-elle quelque chose à voir avec celles de Maliens poussés aujourd'hui vers le Nord par une pauvreté endémique ? Le cosmopolitisme est limité pour les pauvres, il ne ressemble en rien au bougisme de l'homme d'affaires ou du bobo fortuné parisien, un soir à New-York, le lendemain à Dubaï

_________L'influence des idées libérales-libertaires n'a pas été pour rien dans la quasi-idéalisation mythique du nomadisme contemporain, conditionnée par les révolutions technologiques, commerciales, financières et l'évolution des moeurs.

"On peut (ainsi) observer une corrélation étroite entre la promotion de l'individu comme élément central et autonome des sociétés contemporaines et les besoins du capitalisme tardif en agents de production totalement flexibles et disponibles. En transposant sur l'individu les caractéristiques de sociétés passées et/ou exotiques, et en réemployant l'anthropologie libertaire des sociétés nomades, l'idéologie néo-libérale n'a pas seulement déshistoricisé les communautés de chasseurs collecteurs, elle leur a également emprunté, dans une optique "new age", certaines de leurs pratiques. Les coach-chamanes, la sophrologie et le "développement personnel", par exemple, font désormais partie de la panoplie d'adjuvants accompagnant la proclamation de l'autonomie de l'individu en tant qu'entrepreneur de lui-même.

Au jeune cadre dynamique toujours sur la piste d'un emploi mieux rémunéré correspond le "chasseur de têtes" qui traque les meilleurs éléments pour répondre aux besoins des multinationales qui l'emploient. Dans les sociétés de chasseurs-collecteurs, comme les Jivaros, on s'approprie le corps de son ennemi en réduisant sa tête pour l'exhiber comme trophée, dans notre société, c'est le capitalisme qui en individualisant le travailleur parvient le mieux à dévorer ses proies. Deux variantes de l'exploitation de l'homme par l'homme, en somme..."

Il y a nomadisme, nomadisme...et nomadisme fantasmatique.



3 réactions


  • eric 14 septembre 2012 15:16

    Toujours les mêmes inepties. Quand l’état collecte 50% de la richesse produite et en dépense 57%, et pour le résultat que l’on sait, et qui est validé par toutes les gauches, dégradation continue du service public, croissance des inégalités, appauvrissement général des pauvres, il est clair que les quelques malheureux pour cent de plus ou de moins payé ou non par les riches ou les moins riches ne sont plus le problème. La question est que faites vous de notre argent collectif , Pourquoi des résultats aussi médiocres pour des sommes pareilles. Le jour ou on aura une réponse, on aura aussi moins d’évasion fiscale. Parce qu ’il y a des tas de gens qui sont prêt à payer si ils ont l’impression que cela sert à quelque chose.

    Or, depuis 30 ans, en matière sociale, il y a un truc qui a vraiment changé : la majorité des français sont devenus propriétaire de leur logement. Comme les riches l’étaient déjà, que les pauvres ne le sont toujours pas, reste les moyens. Comme avec la sécurité de l’emploi on a des crédits plus facilement, le résultat des courses, c’est que l’énorme endettement, la pression fiscale, l’effort social de la nation, ont eu comme seul résultat tangible, l’accession à la propriété de la classe moyenne a statut socialisante. Tout cela pour ça ? Et au prix d’une dégradation de la situation des pauvres et de notre économie , C’est cher payé. Surtout pour subir leurs gémissements tous azimut sur la dureté des temps, l’injustice de la vie et la bulle immobilière...


  • Robert GIL ROBERT GIL 14 septembre 2012 18:42

    au dela de cela la veritable question est de savoir qui produit la richesse et à qui profite vraiment sa production ? Dans une brochure écrite en 1907, le socialiste britannique John Wheatley décrit une cour de justice imaginaire qui planche sur le sujet. Cela est toujours d’actualité, lire :

    http://2ccr.unblog.fr/2011/07/19/comment-on-vole-les-mineurs/


  • Francis, agnotologue JL 15 septembre 2012 09:26

    Bonjour,

    « J.Attali est la figure ambiguë, le grand gourou du nomadisme des années 80, le symbole et le théoricien du monde des affaires libérées des contraintes nationales, au coeur d’une mondialisation heureuse (ou implosive ?) annonçant les migrations futures et les reconfiguration culturelles en vue, dans le sillage des délocalisations. »

    Que celui qui n’a jamais dit de bêtises me jette la pierre, mais je dois dire que là, Attali avait fait fort ! ça confirme bien qu’en politique, « une absurdité n’est pas un obstacle ». C’est surtout vrai en Libéralie, le royaume d’Ubu, là où règne le laisser-faire l’inique, j’ai nommé le principe connu sous l’adage : « L’argent va à l’argent ».


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