samedi 28 mai 2011 - par Jeannot

Mediator : Family Business !

J’ai acheté ce matin le Figaro et quelle ne fut pas ma surprise de lire un encadré : « Des fuites organisées dans le but de jeter le discrédit ».

Je ne peux m’empêcher de rebondir sur l’article de mon collègue « Billou » publié sur Agoravox.
Moi aussi, je suis salarié de Servier. Je ne travaille pas pour la Direction de la communication et encore moins pour la Direction Générale, (malheureusement) très loin de là !

Ma société a-t-elle fait courir des bruits ? Tenterait-elle de communiquer en sous-marin pour « jeter le discrédit » ? Personnellement j’en doute. Laissons ça au film d’Irène Frachon, c’est surestimer largement l’efficacité de notre direction de la communication.

Mais bon, je ne suis pas dans le secret des dieux...

Par contre cet article du Figaro me laisse sans voix ! On reproche à Servier de dénoncer un lien de parenté entre Catherine Hill et Me Joseph-Oudin ???

Catherine Hill est un expert mondialement reconnu. Elle est l’auteur d’une étude épidémiologique dont la méthodologie a été très contestée dans le monde scientifique.
Le Professeur Acar, spécialiste mondial des valvulopathies a largement eu l’occasion de s’exprimer sur le sujet. En outre, le Professeur Alperovitch, épidémiologiste encore plus reconnu que Mme Hill, a fait un rapport à la Direction Générale de la Santé mettant très fortement en doute la validité méthodologique et scientifique de l’étude de cette dernière.

Pourquoi un expert du rang de Catherine Hill s’abaisserait-elle à prendre de tels risques vis à vis de sa carrière à signer de son nom une étude pourtant reconnue comme bancale ? Certes, d’autres travaux sont venus au soutien de ses résultats, mais en s’appuyant sur la même méthodologie bancale : compter parmi les morts du Mediator des décès dus à tout sauf au Mediator (cancers de l’utérus, leucémies, etc.)

Etonnant.

Et voici qu’un (très) jeune avocat, Me Joseph-Oudin, tout juste inscrit au Barreau, se retrouve comme par magie devant toutes les caméras à diriger la plus grande affaire sanitaire du siècle.

Et enfin le Figaro qui dénonce le comportement de Servier qui lui-même dénonce ce conflit d’intérêt ???

Je le refais au ralenti : l’expert « indépendant » qui chiffre les morts du Mediator est la tante de l’avocat des victimes chargé de montrer les dégâts du Mediator !

Ca ne pose pas un problème ça ? Les liens du sang ne constituent-ils pas un conflit d’intérêt supérieur à tout lien financier ?

La réponse penaude de Me Joseph-Oudin me laisse également sans voix ! « Certes, mais ces liens familiaux ne changent rien au fond de l’affaire » !!!

Tu parles ! Merci Tatie !

Et la Presse, et plus exactement le Figaro, qui couvre ce lien dans le but de continuer à charger Servier ! Mais vous faites quoi les journalistes ?

MAIS VOUS FAITES QUOI LES JOURNALISTES ????

Si effectivement Servier s’amusait à « répandre ce bruit », ne peut-on pas simplement dire qu’il fait tout simplement votre boulot d’investigation ?

Cessez de prendre position et relatez des faits !

Vivement le procès !



9 réactions


  • Berba 28 mai 2011 16:34

    Big pharma, avocat véreux, expert corrompu, ce n’est pas un film qu’il faut faire sur cette affaire ! C’est une série en 8 saisons !!!


  • Dominique Dupagne Dominique Dupagne 30 mai 2011 09:30

    Bonjour, vous avez tort de douter de la direction de la communication de votre entreprise. C’est sans doute une des meilleures au monde. Elle a réussi pendant des années à cacher la vraie nature du Mediator. En tout cas, elle participe actuellement à la désinformation en manipulant les publications du Dr Frachon, voir ici http://www.atoute.org/n/article207.html Je vous reconnais la franchise de dire que vous êtes un employé de Servier.


    • Jeannot 31 mai 2011 20:57

      Cher monsieur Lucas, oups Dupagne ! smiley

      Tout d’abord je suis flatté que vous ayez pris la peine de répondre à mon article. Je connais bien votre site Atoute.org, un site que j’apprécie et que je consulte souvent.

      Comme je l’ai précisé, je suis salarié de Servier. Il n’est pas simple pour moi de m’exprimer publiquement car je vis avec mes collègues depuis quelques mois une période plutôt pénible.

      D’un côté une pression médiatique très hostile, et même si c’est le Dr Servier qui est surtout ciblé, nous ne pouvons nous empêcher de nous sentir également visés. Le groupe Servier, ce sont aussi les 20 000 personnes comme moi qui essayons de faire notre travail correctement.

      De l’autre, des éléments troublants qui nous sont présentés en interne et qui vont à l’encontre de ce qu’on peut lire dans les médias.

      Que penser de tout ça ? 20 000 personnes ont-elles collaboré à cacher les données mortelles du Mediator  ? Parce que nous sommes beaucoup à avoir travaillé directement ou indirectement sur ce médicament. Un tel secret peut-il être gardé pendant aussi longtemps par autant de personnes ?

      J’espère que notre réponse à l’IGAS sera rendue publique car seul le débat m’aidera à y voir plus clair.

      Et le problème, c’est justement qu’il n’y a pas eu de véritable débat jusqu’ici.

      J’ai lu votre enquête sur Atoute.org et vos conclusions sont intéressantes et troublantes.

      Sur le fond, notre Direction Générale s’est-elle amusée à tenter de jeter le discrédit sur Irène Frachon ? Personnellement, je pense que ce serait maladroit, idiot et très probablement inefficace.

      Quelques points me laissent quand même perplexe. Si vous connaissiez le groupe Servier, vous sauriez que notre direction Générale n’est pas mais alors pas du tout branchée internet et encore moins Web 2.0 !

      Regardez notre site internet servier.fr pour vous en convaincre. Notre communication de crise sur internet a été aussi inexistante que dans les médias traditionnels. Les salariés ont un accès à internet limité à quelques sites. Et quand je dis quelques sites, je parle de quelques dizaines de sites. Pas plus.

      Certes nous avons quelques PC « libre-service » connectés sur internet qui sont un peu plus ouverts. L’accès aux forums de discussion et autres réseaux sociaux est bloqué.
      Tout ça pour vous conforter d’une part quand vous dites que Servier n’a rien compris à la puissance du Web 2.0, mais plus grave encore, cette incompréhension du web s’est transmise aux salariés qui ne vont sur internet à des fins professionnelles qu’en dernier recours. Trop lourd, trop pénible. Vous avez vu beaucoup de salariés Servier témoigner (en bien ou en mal) jusqu’ici ?

      Je vois mal la Direction Générale commencer à lancer des attaques sur le web 2.0 dans la mesure où ils n’en perçoivent absolument pas les enjeux et n’ont aucune idée de la manière dont ça fonctionne !

      Maintenant, peut-être que je me trompe…

      Alors quoi d’autre ? Une officine secrète agirait-elle dans ce sens ? Nous aurions envoyé Boba Fett ? Ce scénario hollywoodien me paraît fragile si l’on considère le peu d’articles directement ou indirectement en notre faveur. Si une telle «  officine » est réellement derrière tout ça, cela relèverait de l’amateurisme doublé de fainéantise.

      Les « méthodes de Servier » font beaucoup fantasmer de l’extérieur, mais croyez-moi, de l’intérieur ça n’a rien à voir. Vous seriez bien déçu !

      L’objet de mon article n’était pas de « jeter le discrédit sur Irène Frachon » mais d’insister simplement sur un point qui m’a semblé hallucinant : le lien familial entre un expert clé dans une affaire judiciaire, Catherine Hill et l’avocat le plus en lumière dans cette affaire, Me Charles Joseph-Oudin. Un conflit d’intérêt à la fois original et troublant. La prise de position de Me Oudin me fait penser à celle d’un professeur de médecine ayant un conflit d’intérêt avec un labo, expliquant que tel médicament est formidable et que son conflit d’intérêt n’y est pour rien dans sa prise de position…

      Or ce point ne semble choquer personne.

      Je serais curieux d’entendre (ou plutôt de lire) votre avis sur la question.


  • Dominique Dupagne Dominique Dupagne 2 juin 2011 18:49

    Bonjour Jeannot

    Tout d’abord, sachez que je vous crois sincère. En fait, je pense que vous avez raison. La direction de la communication de Servier est trop « Old school » pour avoir imaginé une stratégie de contre-attaque 2.0.

    En revanche, Servier a les moyens d’engager des consultants compétents. Le scénario se précise. Soit la com a réussi son coup par hasard, soit elle a plus probablement suivi les conseils de consultants spécialisés.

    La bonne stratégie est la suivante : capitaliser sur le ressentiment du personnel et distribuer un rapport d’une dizaine de pages à tous les salariés. Ce rapport contient des éléments factuels et parfois faux susceptibles d’alimenter une théorie du complot : Irène Frachon n’aurait découvert la toxicité du benfluorex qu’en 2009 (ce qui est faux), il y a des conflits d’intérêts avec GSK à tous les étages, Oudin est lié à Hill etc.

    Ces conflits existent, c’est un fait, mais il est clair qu’ils n’ont pas pu jouer significativement sur l’affaire, en dehors peut-être du lien Oudin-Hill, mais l’enquête de Hill n’est pas unique et quand bien même vous l’éliminez, cela ne change rien sur le fond. Encore une fois, 200 ou 2000 morts, c’est différent financièrement en responsabilité, mais identique moralement.

    Surtout, ce conflit constitue une taupinière face à la montagne de conflits accumulés par Servier et ses experts. Reprenez objectivement les faits : aucun des conflits potentiels révélés ne peut avoir faussé significativement le scandale du Mediator. Est-ce que l’Avandia de GSK aurait été traité de la même façon par Frachon et Bapt ? On n’en sait rien, mais on s’en fiche, cela ne change rien à l’affaire Mediator.

    Quand j’entends Acar dire qu’il n’a aucun conflit d’intérêt, je suis mort de rire. Tout le monde sait comment fonctionne la fédération française de cardiologie qui hébergeait son groupe sur les valvulopathies.

    En pratique, vous m’avez convaincu et je suis persuadé que tous ces blogueurs anonymes et récents sont des employés de Servier qui postent spontanément en étant moins honnêtes que vous. Ils partagent avec vous le ressentiment face à une curée contre votre groupe qu’ils estiment partiale. Reste qu’ils sont tout de même un peu manipulés par la com et son minirapport largement distribué.

    Les médias agissent en balancier. De Servier intouchable on passe à Servier diabolisé. C’est la vie. Mais après avoir trompé tout le monde pendant 20 ans, il faut assumer que le groupe se prennent des baffes en retour.

    Servier savait, et dissimulait (je n’ai pas pu le trouver dans les années 2000) le fait que le benfluorex était métabolisé en norfenfluramine. Cette seule information aurait dû conduire le groupe à supprimer de lui-même le produit en même temps que l’Isoméride. Il ne l’a pas fait et c’est mal. Il a joué de tout son poids auprès des experts et c’est mal. Ce qui lui arrive est amplement mérité.

    Si j’étais un employé de Servier, je changerais de société. Actuellement, je songe à quitter le groupe de communication à l’AFSSAPS dont je fais partie depuis un an suite au non-retrait de l’Actos. L’éthique de Servier est nulle, travailler pour cette société devrait être inacceptable pour des personnes soucieuses de leur éthique. Du temps où je recevais les visiteurs médicaux, ceux de Servier paraissaient aussi ouverts au dialogue et objectifs que des témoins de Jéhovah.


    • Jeannot 2 juin 2011 21:48

      Cher Docteur Dupagne,

      Je vous remercie de votre réponse.

      Je vous suis ... et je ne vous suis pas.

      Avant toute chose, laissez-moi vous apprendre que notre communication interne est à l’image de notre communication externe. Tout est dit ! Nous avons un petit site intranet dans lequel la direction poste quelques articles positifs qui contrastent avec le flot monstrueux d’articles négatifs que nous nous prenons dans la tête dans notre vie privée. Ca nous remonte un peu le moral et c’est tout ! Il y a eu les voeux du Dr Servier et une intervention du directeur général. En 6 mois de crise comme celle que nous avons connue, quitte à me faire manipuler, j’aurais préféré davantage d’info de la direction. Lucy Vincent, notre porte-parole n’a même pas organisé de conférence en interne.

      Mais bon !

      Je suis scientifique de formation. Le rapport que j’ai eu entre les mains pose un certain nombre de questions troublantes. Je ne me souviens pas y avoir lu le fait qu’Irène Frachon n’aurait découvert la toxicité du benfluorex qu’en 2009. Notre directrice de la com l’a dit à la télé, mais de mémoire ça ne figurait pas dans ce rapport dont la teneur est plutôt scientifique. Il n’est pas du tout orienté contre Irène Frachon mais contre les travaux et les conclusions de l’IGAS. Il ne traite uniquement que du Mediator et de l’attitude de Servier pendant toutes ces années.

      J’ignore pourquoi il n’a pas été rendu public, à l’extérieur de l’entreprise, les arguments peuvent et devraient pourtant être entendus par tous.

      Concernant Irène Frachon, je concède qu’elle a clairement énervé tout le monde chez nous. smiley Mais ça ne reste que très éphémère. Personnellement, je ne peux pas lui en vouloir, au contraire. Le rôle qu’elle a joué fut difficile et je comprends la rancoeur qu’elle peut éprouver à l’encontre de Servier.
      Avant d’être salarié de Servier, je suis un être humain (si si !) comme les autres, et je ne peux que me réjouir du fait qu’il existe des lanceurs d’alertes. Leur rôle est malheureusement de prendre des coups, mais surtout d’attirer l’attention sur des problèmes que le système n’est pas toujours à même de détecter.

      C’est ce qu’elle a fait.

      L’ampleur du problème qu’elle a mis à jour est-elle aussi importante que ce que la presse relate ? Je n’en sais rien. L’avenir nous le dira

      Ce qui nous révolte, et là je parle également au nom d’un certain nombre de mes collègues proches, c’est le traitement médiatique qui nous a été réservé. La presse, y compris les grands quotidiens ont souvent délaissé l’information factuelle au profit de la polémique.

      L’exemple du lien de parenté entre Me Charles Joseph-Oudin et Catherine Hill est criant. La presse ne s’en est même pas indignée ! Hallucinant non ? L’expert et l’avocat de mêche, à l’encontre des codes déontologiques de l’une et l’autre des 2 professions ! Bravo le Figaro !

      Dans votre texte, vous faites allusion aux innombrables conflits d’intérêts qu’entretient Servier avec les experts. Je doute que Servier soit pire que les autres laboratoires. La pseudo-réflexion que s’accorde l’agence sur la pioglitazone illustre mes propos. Ces conflits d’intérêts nous ont été vivement reprochés au regard de l’affaire du Mediator, mais je pense qu’ils sont transposables à n’importe quel laboratoire.

      Le conflit d’intérêt entre Gérard Bapt et GSK est également gênant étant donné le rôle de ce député dans l’affaire du Mediator. Les résultats de la commission qu’il préside interviendront dans les différents procès auxquels nous aurons à faire face. La presse l’a à peine mentionné. Auriez-vous imaginé un tel silence si une situation analogue s’était produite par exemple si on avait appris que des députés dénonçant le comportement de José Bové avaient des conflits d’intérêts avec Monsanto ? (Exemple fictif)
      Ses prises de position dans la presse contre nous depuis le début de l’affaire sont également agaçantes vu qu’il préside une commission d’enquête. Un minimum de neutralité, même feinte, serait souhaitable.

      La chasse aux conflits d’intérêts doit avoir lieu à tous les niveaux, y compris lorsqu’ils desservent « le méchant de l’histoire » que nous représentons.

      Dernière remarque sur ce sujet : les réserves du Professeur Acar. Qu’il soit financé ou non par Servier, (à nouveau, je ne suis pas dans le secret des dieux), ce professeur de renom ne pose-t-il pas des questions qui méritent réponse ? C’est à peu de choses près le seul expert qui se soit mouillé contre le tsunami qui nous frappe. Que d’autres experts s’y confrontent ! (Comme ce qu’a fait la chercheuse de l’INSERM via votre site). Passer sous silence ses travaux n’est pas convenable.

      Je ne connais pas les blogueurs qui postent des articles en notre faveur. D’autres salariés ? Probable. Pourquoi restent-ils anonymes ? Mettez-vous à notre place. Nous sommes devenus l’ennemi public numéro 1. Je peux comprendre qu’ils ne souhaitent pas s’exposer. Vous ne réalisez pas les insultes qu’on reçoit en permanence et les risques que nous prenons à dire que l’on travaille chez Servier. Les baffes sont-elles méritées ? Je les comprends, je n’estime pas les mériter pour autant. J’ai toujours mis un point d’honneur à travailler avec rigueur et éthique.

      Quand vous dites que l’éthique de Servier est nulle, pouvez-vous préciser vos propos ? Mes collègues et moi-même n’avons pas de problème d’éthique. Je ne pense pas être un salaud. Je ne peux m’empêcher de penser qu’un secret comme celui de la toxicité du Mediator n’ait pu être caché pendant 30 ans par des dizaines de milliers de personnes, sachant qu’un certain nombre d’entre elles ont quitté l’entreprise, parfois en mauvais terme.

      D’où mes réserves. Personnellement, je n’étais pas au courant de ce secret.

      Démissionner ? La question se posera en fonction des résultats des procès. Je comprends et admire votre prise de position vis à vis de l’AFSSAPS dans l’affaire de la pioglitazone.

      L’affaire du Mediator est une affaire émotionnelle. Je ne vous apprendrais pas à vous, médecin, que l’émotion doit être mise à l’écart lorsque l’on doit établir un diagnostic.

      Laissons donc les différents acteurs s’exprimer, mettons de côté la démagogie, ouvrons le débat, imposons la transparence y compris chez nos opposants, accordons-nous la présomption d’innocence, le droit de nous défendre et d’être jugés sereinement.

      Je prendrai ma décision après le verdict.

      Enfin, concernant nos visiteurs médicaux, nous avons en France 800 personnes sur le terrain si ma mémoire est bonne. Des gens qui font leur métier, un job qui est difficile et ingrat. Les quelques visiteurs que je connais sont des gens sérieux. Je ne pense pas qu’on puisse généraliser à l’ensemble de ces personnes l’expérience désagréable que vous avez pu avoir avec quelques uns d’entre eux. Les visiteurs de nos concurrents sont-ils plus ouverts au dialogue ?

      Jeannot

      PS : et je ne suis pas témoin de Jéhovah !!! smiley


    • Dominique Dupagne Dominique Dupagne 8 juin 2011 09:37

      Bonjour Jeannot,

      Notre dialogue est intéressant. Tout d’abord, l’absence de communication interne de qualité en dehors de messages positifs signe un comportement quasi sectaire de la part de Servier, qui va avec les enquêtes de recrutement et la position omniprésente du père fondateur. C’est ce que j’ai ressenti chaque fois que j’ai discuté avec des gens de Servier. Si le rapport dont vous parlez n’est pas publié, c’est peut-être qu’il n’est pas publiable... En revanche, le communiqué de presse que j’ai reproduit sur Atoute est bien réel et manipulateur.

      Vous prouvez néanmoins qu’il ne faut pas généraliser à l’extrême, et il est important que des scientifiques comme vous s’expriment sur le sujet.

      Vous dites que Servier n’était pas plus corrupteur que d’autres laboratoires. Je tiens directement et depuis plusieurs années de personnes impliquées dans l’agence depuis 30 ans que ce n’est pas le cas. Servier était le plus agressif, le plus puissant, le plus obstiné de tous les laboratoires pharmaceutiques en France.

      Mon expérience de la VM me l’a confirmé. Une anecdote que j’ai rapportée lors de mon audition à l’Assemblée : une VM et sa DR me présentent le Survector quelques années avant son retrait du marché pour toxicité hépatique. Il s’agissait d’une étude de tolérance montrant que ce produit était aussi bien supporté que d’autres antidépresseurs. Sur le plan biologique, il y avait presque tout, sauf les transaminases... L’hépatotoxicité était déjà connue pour cet antidépresseur par ailleurs efficace. Je m’en étonne auprès de l’équipe et elles me déclarent « il doit s’agir d’un oubli ». Je m’irrite d’être pris pour un imbécile et elles n’ont jamais voulu en démordre : il ne pouvait s’agir d’une omission volontaire. Ca fait peur.

      Vous êtes vous même irrité de ce qu’on appelle le retour de bâton : Oui, en cherchant on trouve aussi des conflits d’intérêts ailleurs, oui le nombre de morts a peut-être été surestimé dans les études les plus pessimistes. Mais cela ne change absolument rien sur le fond : Servier a sciemment caché que le benfluorex était métabolisé en norfenfluramine, et avait donc problement la même toxicité sur les valves. Acar, pendant son activité à la SFC largement financée par Servier, n’a rien vu alors qu’il gérait le groupe valvulopathie. Même 100 morts seraient inacceptables.

      La réalité est douloureuse et se résume ainsi « Malheur aux vaincus ».

      Pour ne pas atteindre le point Godwin, je pourrais parler des serbes (je n’ai aucun lien avec eux). Leurs excès criminels ne doivent pas faire oublier ceux des albanais et des bosniaques à leurs égards pendant des années, mais leur défense est inaudible désormais.

      Vous êtes condamnés à vous faire traîner dans la boue, parce que votre groupe a mal, très mal agi. Cela doit être en effet très douloureux et je n’aimerais pas être à votre place. Il faut dire que j’ai personnellement toujours tout fait pour ne pas y être... Mais le responsable de cette situation est unique : le Dr Servier. Et plus il ergotera sur le nombre des victimes ou sa responsabilité, plus dur ce sera pour vous.


    • Jeannot 8 juin 2011 23:02

      Cher Monsieur Dupagne,

      Je me réjouis de constater que nous avons probablement initié la première discussion sereine autour de l’affaire du Mediator.

      J’ai bien compris que vous ne portiez pas Servier dans votre cœur entre autre du fait d’expériences personnelles décevantes. Je me mets à votre place, lors de cette présentation du Survector, compte-tenu de ce que vous expliquez sur le produit (il a été arrêté bien avant que j’arrive chez Servier), j’aurais également passé un savon au visiteur et à sa DR. Peut-on juger une entreprise toute entière sur ce genre d’anecdote ? Probablement. Les visiteurs médicaux représentent la face visite de la société. Ils doivent être irréprochables et un tel comportement est inacceptable. L’approbation par son chef est encore plus inacceptable. Vous avez eu le sentiment d’être pris pour un imbécile, peut-être auriez-vous du rendre les coups directement sur ces deux personnes en contactant la direction de l’entreprise. J’ose espérer qu’ils eussent réagi.

      Concernant les témoignages de « certaines personnes de l’agence », j’avoue me sentir plus à l’aise à discuter de vos propres ressentis. Si ces personnes souhaitent intervenir dans notre discussion, qu’elles le fassent, elles seront les bienvenues.

      Je trouve votre exemple sur les serbes excellent. Autant le préciser, je ne suis pas serbe et encore moins historien. smiley Néanmoins, l’Histoire a retenu qu’ils étaient les « méchants », mais elle a également reconnu que ce côté « méchant » avait été largement amplifié par des agences de communication, dans un conflit dans lequel l’opinion était complètement perdue. Une opinion publique qui avait besoin d’un gentil et d’un méchant. L’Histoire, celle qui est massivement enseignée aux écoliers, a oublié ces détails, et a retenu que les serbes étaient les méchants, rendant leur défense inexcusable. Je ne détaillerai pas outre mesure cet exemple car cela sort de mes compétences.

      Je ne peux néanmoins pas m’empêcher d’établir un parallèle avec l’affaire du Mediator. La position simpliste et unidirectionnelle des médias est probablement celle que l’Histoire retiendra. Quel intérêt y aurait-il à essayer de comprendre les arguments de celui qui a déjà été déclaré coupable ?

      Je suis convaincu que vous ne faites pas partie des « moutons » qui s’abreuvent aveuglément des dires de journalistes si peu professionnels qu’un jour ils vous bannissent le Mediator et que le lendemain ils vous font l’éloge d’une association à base de phentermine pour perdre du poids. (http://www.lexpress.fr/actualites/1/actualite/une-nouvelle-combinaison-de-deux-medicaments-efficace-contre-l-obesite_981414.html)

      Malheur aux vaincus, c’est vrai ! Nous avons perdu la guerre de la communication, mais pas le débat scientifique. Malheureusement pour nous, tout le monde se moque de ce débat.

      En écrivant cette réponse, je réalise que notre direction de la com s’est enfin décidée à rendre public le document auquel je faisais allusion. Je ne comprends pas pourquoi ils ne l’ont pas annoncé avec un peu plus de panache. Ce n’est toujours pas demain qu’on refera notre image auprès du grand public !

      Le doc est dispo ici : http://www.servier.fr/download/MEDIATOR_les_faits.pdf

      Je vous invite à le lire, s’il vous plait en toute neutralité intellectuelle. Vous seriez bien la première personne « anti-Servier » à vous livrer à un tel exercice et votre analyse de notre vision des faits m’intéresse beaucoup.

      Je n’ai malheureusement rien à ajouter à votre dernière phrase qui reflète également plus ou moins ce que je pense.

      Jeannot


    • Dominique Dupagne Dominique Dupagne 9 juin 2011 23:24

      Bonsoir Jeannot


      J’ai lu le document Servier. J’y retrouve des choses vraies : le benfluorex n’est pas un anorexigène puissant : c’est un « petit anorexigène ». Je suis d’accord aussi avec le malentendu sur la terminaison « fluorex » et je l’ai déjà écrit je ne sais plus où. En revanche, je ne crois en rien à l’action périphérique qui n’est pas sourcée.

      La présentation idyllique du comportement de Servier est caricaturale. Les témoignages dont je vous parle sont ceux d’amis que je connais bien et qui ont vécu personnellement ce dont je vous ai parlé. Ce document n’est pas objectif (ce n’est pas son rôle)

      Les médecins n’ont pas inventé l’indication comme anorexigène : soit ils l’ont constatée eux-même, soit ont leur a soufflé.

      Ce rapport est un bon mémoire en défense, qui pointe du doigt quelques approximation du rapport de l’IGAS. Mais les fondements des griefs contre Servier dans cette affaire restent justifié.

      A propos de statistiques, voici une mise au point récente et solide de C Hill http://www.em-consulte.com/article/288268 et un éditorial d’I Frachon http://www.em-consulte.com/article/288267

    • Jeannot 10 juin 2011 09:24

      Cher monsieur Dupagne,

      Ce document n’est que la synthèse d’un gros rapport qui si j’ai bien compris nous servira lors des procès au pénal. C’est je pense la raison pour laquelle il ne comporte aucune référence bibliographique. Comme vous le soulignez, il n’a pas pour objectif d’être neutre, mais de présenter nos arguments de défense face à l’IGAS, afin que l’expertise devienne enfin « contradictoire » et qu’un juge puisse trancher.

      Sur l’indication « anorexigène », j’ai une amie qui s’est récemment fait prescrire du Glucophage pour perdre du poids. Rien que ça ! En plein scandale Mediator, certains médecins n’ont toujours pas compris la leçon. Je doute pour autant que le labo qui fait ce produit (Merck Serono si je ne me trompe pas) l’ai promu en ce sens, même « en off ».

      Vous constaterez à quel point il peut être troublant que la presse, pourtant si souvent à même de dégainer sur la moindre information qui n’en est pas une, est restée étonnamment muette sur le document de réponse de Servier.

      Voila pourtant de quoi alimenter les journaux pendant un long moment et « vendre du papier » : monter en épingle la petite phrase sortie de son contexte, trouver une faute d’orthographe, etc. Ils nous ont fait des articles sur tout un tas de bruits de couloir, de documents internes « pseudo-scoop », (le top étant l’article du Point suggérant que nous ayons pu cibler des enfants – voir notre droit de réponse) etc. et voici qu’ils ont à leur disposition le document qui établit toute la défense de Servier. Le document qui remet en cause (à nos yeux) le rapport de l’IGAS. C’est pourtant une pièce majeure du scandale Mediator non ? On ne peut quand même pas nous taxer de communiquer trop quand même...

      Et non. Pas de reprise !

      Comme je vous le disais il y a quelques jours, en tant que salarié Servier, je ne peux pas en vouloir à Irène Frachon car elle a fait son boulot (et même davantage). Par contre j’en veux aux journalistes qui ne font pas le leur : rapporter (objectivement) de l’information. Libre à eux de prendre partie et de l’interpréter. L’étouffer n’est pas correct.

      Ne s’agit-il simplement que d’incompétence de leur part ? Vu l’énergie qu’ils ont dépensée ces derniers mois, et leur efficacité pour récupérer tel ou tel document, je me permets d’en douter.

      J’ai été touché par le commentaire idiot qu’a suscité le second article que j’ai mis en ligne, celui annonçant que le document de réponse à l’IGAS était disponible. Une personne m’a demandé combien mon employeur me payait ... Avez-vous remarqué qu’aucun employé Servier ne s’était manifesté devant les caméras, même à visage couvert, pour dénoncer de l’interne les « agissements » de Servier. Surprenant non ? Cette solidarité ne tient-elle que parce que nous recevons un chèque à la fin du mois ? Si certains ont un problème de conscience, rien ne les empêche de s’exprimer sur le web, y compris de manière anonyme. Mais non, à ce jour les salariés sont tous soudés. Cette épreuve aura le mérite de renforcer la cohésion des troupes si on ne se retrouve pas in fine sur le carreau.

      J’apprécie votre honnêteté intellectuelle quand vous déclarez que ce rapport est un bon mémoire en défense. Les fondements des griefs contre nous restent selon-vous justifiés.

      J’aimerais entendre l’IGAS sur le sujet. Pour ma part, je reste circonspect. Les inspecteurs de l’IGAS ont déclaré que nous avions trompé tout le monde. Selon le rapport de Servier, toutes les données ont bien été transmises aux agences, à chaque fois en temps en en heure. C’est d’ailleurs à partir de ces données qu’elle avait déjà à sa disposition que l’administration a conclu que nous l’avions trompée... Un peu facile non ?

      J’espère que le rapport de défense de Servier finira quand même par se propager dans la presse grand-public, médicale ou sur le web afin qu’il serve de base à une discussion.

      Le top serait que la boîte décide de s’offrir quelques pages dans un journal grand public pour le faire publier. A défaut de pouvoir compter sur l’honnêteté intellectuelle des journalistes, peut-être pourrions-nous acheter de l’espace. Voila à quoi en est réduite l’information aujourd’hui.

      Je n’ai pas encore lu les deux références que vous m’avez indiquées. Je vais le faire dans la journée.

      Cordialement,

      Jeannot


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