Après « le silence des salauds », la pestilence des infos
Avec ce titre choc, « le silence des salauds », Olivier Cabanel en juillet avait laissé éclater sa colère face au silence insupportable des média « mainstream », lesquels avaient choisi soudainement d’ignorer la catastrophe de Fukushima à une époque où rien n’était réglé (Le silence des Salauds - AgoraVox le média citoyen). Combien de journalistes, voire même de rédacteurs en chef, avaient-ils alors bien conscience de se soumettre aux manipulations orchestrées par des gouvernements et le lobby nucléaire ? Et sans doute par l’ensemble des gouvernements de pays nucléarisés, même si nous ne disposons que de la preuve écrite des manipulations du gouvernement anglais (Nuclear FOI documents). Preuve dont aucun média français n’a parlée – aucun - et que nous aurions ignorée en France si Cartoradiations et Olivier ne l’avaient pas divulguée.
Si cette formulation-choc peut être conservée à l’adresse du traitement médiatique actuel de cette « apocalypse » (ce terme fut employé par Günther Oettinger, Commissaire européen à l’énergie. Peut-être en raison de sa connaissance précoce de la localisation des très fameux coriums), comment pourrait-on s’étonner qu’elle puisse être appliquée désormais à tout silence abusif des média sur un sujet politique d’importance tant que ne sera pas levée l’omerta sur ce qui se passe réellement à Fukushima, et plus largement au Japon (Les effets de la catastrophe de Fukushima sur la santé - Le blog de Fukushima) ? Je rappelle en comparaison la durée et l’ampleur de la couverture médiatique de l’affaire DSK dans laquelle les enjeux sanitaires, politiques et philosophiques sont sans commune mesure avec ceux du drame japonais (et par voie de conséquence ne faut-il pas également s'attendre à ce qu’une formulation de ce genre puisse s’appliquer, sans qu’elle apparaisse comme un excès de langage, à tout abus d’information sur un sujet qui ne le mérite pas ?).
Le drame de Fukushima n’a pas été seul à pâtir du silence des média. Le mouvement des Indigné(e)s a lui aussi souffert à son début et de nouveau aujourd’hui d’un silence forcément coupable, bien que l’enjeu de ce choix ne soit pas forcément plus conscient. En dehors d’Agora Vox quel autre média par exemple a évoqué l’affaire du « dôme » détruit (Pleurez ou indignez-vous car c'est désormais à l'art qu'ils s'en prennent - AgoraVox le média citoyen) ? Et lequel a parlé d’un nez cassé lors de la venue de Sarkozy à La Défense ?
Mais dans le cas des Indigné(e)s certains média ne se sont pas contentés du silence (auquel il faut bien entendu reconnaitre une autre résonnance et une toute autre portée que celui opposé à la catastrophe japonaise). Dans les faits ils sont allés beaucoup plus loin. Par la démonstration de l’étendue de leur capacité de manipulation, par leur énormité. Et pour la dernière en date connue, jusqu’à sa dimension la plus sordide.
Avant qu’elle ne soit prise par un journal français, cette orientation-là n’avait jusqu’alors touché que des média étrangers. C’est pourquoi j’ai beaucoup hésité à en parler, craignant de faire de la publicité à une manipulation qui n’a peut-être influencé qu’un petit nombre de personnes. Mais comment peut-on en être sûr avec internet ? Et c’est bien là tout le problème. Si je me suis résolu finalement à le faire, c’est seulement après m’être convaincu de pouvoir en démontrer la teneur, et ainsi de la dénoncer sans amplifier sa nauséabonde perversité.
L’évolution du traitement du mouvement par les média mainstream
Bien qu’ habitués avec le temps au silence des média, et conscients du sens de celui-ci, c’est malgré tout avec encore un peu plus de tristesse que nous avions accueilli le traitement inexact, ou déformé, ou tronqué, ou biaisé d’un certain nombre d’évènement : citons parmi les plus emblématiques celui de l’agression des indignés par les forces de l’Ordre du régime sarkozyste sur la place de la Bourse à Paris le 21 septembre 2011, relatée à leur façon par LCI (LCI pris en flagrant délit de désinformation - AgoraVox le média citoyen) et la dépêche AFP reprise, in extenso, avec une unanimité déroutante, par 21 médias fort confiants. (AFP : Une dizaine d'Indignés en garde à vue à Paris Marche pacifique des indignés vers Bruxelles)
Mais jusqu’alors même si l’information rare ne témoignait pas toujours d’une rigueur éthique et professionnelle irréprochable, au moins avait-elle encore l’avantage de ne pas laisser le mouvement des indigné(e)s dans un silence fort peu professionnel. Et tout compte fait nous n’étions pas parvenus à mépriser ces journalistes de compétence et d’éthique chancelantes, puisqu’eux du moins n’ignoraient pas ce mouvement.
Mais récemment une limite déontologique très préoccupante a été franchie …. Et il sera particulièrement édifiant, très éclairant de voir comment va réagir la Profession. Dans son ensemble. C’est-à-dire : les propriétaires et les responsables de média, qui montreront s’ils ne sont que des patrons motivés par la cupidité et aucunement par la grandeur de leur mission « émancipatrice » et « civilisatrice », ou plus simplement citoyenne. Et puis surtout les journalistes, leurs employés, dont le but pour chacun d’entre eux, s’il est bien sûr de gagner sa vie et rarement à la hauteur d’un trader, est de remplir consciencieusement et honnêtement son rôle d’information, dont il est censé chercher la récompense honorifique dans l’estime de ses lecteurs, auditeurs ou téléspectateurs.
Or que savent-ils ces employés ? Que depuis de nombreuses années ils n’ont plus l’estime de la grande majorité de leurs concitoyens. Les 2/3 d’entre eux ne croient ni en leur indépendance à l’égard du pouvoir et des partis politiques, et pratiquement dans la même proportion à l’égard de l'argent, ni par conséquent à l'objectivité de l'information qu'ils délivrent et commentent. (Baromètre 2010 de confiance dans les médias | La-Croix.com Baromètre 2011 de la confiance dans les médias | La-Croix.com) Dans le classement des métiers préférés des français réalisé par l’Ifop en janvier 2011la profession de journaliste arrive en 12è position sur 15, juste avant les banquiers et bien après les policiers (Ifop - Le classement des métiers préférés des Français). C’est tout dire…
Et beaucoup restent sourds, et silencieux, semblant ne se poser aucune question. Seraient-ils méprisants, drapés dans leur supposé prestige qui n’est plus en réalité que guenilles ? Ils semblent en effet nous signifier qu’il nous est impossible d’imaginer quelle est la difficulté de leur tâche, ignorants que nous sommes des lois du journalisme. Que savons-nous de leur stress nous répondent-ils si on les interroge, et de la dimension de leur fonction en prise directe avec tant de Pouvoirs tutélaires, celle-ci leur conférant un rôle et une responsabilité non partageable, en temps, en dimension et en compréhension, avec le commun des mortels citoyens. Comme s’ils ne l’étaient pas eux aussi de ces tristes mortels auxquels Victor Hugo comme par une étrange ironie délivre ces quelques mots :
« Et la vie est comme une tente
Où l’on dort avant le combat.
Voilà, tristes mortels, ce que leur âme oublie ! »
Les faits.
Il était su au sein du mouvement mondial des Indignés que des manipulations ne pouvaient pas ne pas survenir afin de le discréditer à tout prix. Et il a été prouvé que des lobbyistes réputés, liés aux banques, ont proposé un plan de 850.000 dollars pour attaquer le mouvement Occupy Wall Street (AFP : Etats-Unis : des lobbyistes proposent de saper "Occupy Wall Street"). Cela était attendu, mais sans se douter forcément des formes que ces manipulations allaient prendre. Et il faut s’y attendre encore.
Il y en a eu de nombreuses, et certaines gratinées, en particulier dans les pays anglo-saxons. C’est pourquoi il nous faut éviter au maximum que des manipulations aussi graves surviennent en France jusqu’à présent relativement épargnée, parce que le choix de l’agression policière reste privilégié. Pour cela il n’est pas nécessaire de les citer toutes, mais d’en relater quelques-unes parmi les plus démonstratives pour en souligner le principe. Je me contenterai d’en évoquer trois dont la dernière a fait l’objet du seul exemple de manipulation patente de la part d’un journal français. Et laquelle ! Une de trop. Il faut tout faire pour qu’elle ne fasse pas d’émule.
Tout le monde se souvient du discrédit qu’un grand nombre de médias anglais complaisants tentèrent de jeter sur les Indignés londoniens en répercutant la manipulation réalisée à l’aide d’une caméra thermique censée prouver qu'il n'y avait personne dans les tentes les soirs d’occupation. (Occupy London : 90% of tents in St Paul's protest camp are left empty overnight | Mail Online) Le ridicule s’abattît sur eux lorsque les Indignés démontrèrent la grossièreté de la manœuvre (Exposed : Media fabricated 'empty tents' story at OccupyLSX - YouTube). Ici comme dans les affaires suivantes le maitre-mot se voulait être : la crédibilité. Seul le moyen employé différait. A Londres ce fut donc un appareil à la technologie de pointe dont l’efficience devait apparaitre incontestable au béotien moyen.
Au square Victoria de Montréal la technique fut « l’infiltration » de journalistes (Le Journal chez les indignés - Pot, bière et vodka dans les tentes des indignés). Comment mieux accréditer ses propos en effet qu’en démontrant qu’on s’était « immergé », notamment en dormant sur place ? Un autre sommet du ridicule, mais qui lui malheureusement semble avoir fonctionné. Etait-il nécessaire en effet de « s’infiltrer » pour décrire ces scènes censées être représentatives, et que ces journalistes indignes relatent dans leur article dans le seul but évident de répandre l’opprobre ? A La Défense à ma connaissance au moins deux journalistes de grands média ont également dormi sur place. Mais non pas cette fois-ci dans le but de s’infiltrer, mais au contraire pour faire acte de solidarité…
Enfin avec l’affaire d’Oakland en Californie on a peut-être atteint un sommet de la perversité en terme de « journalisme ». Et heureusement un seul journal français l’a relaté, dont il faudra désormais forcément se méfier. Le Parisien, puisque c’est de lui qu’il s’agit, a informé ses lecteurs le 24 novembre qu’il s’en passait de bien belles chez les Indignés américains. Sous entendu évidemment qu’un cas, même réel, valait généralisation. Sinon pourquoi relater ce qui, à l’observation, a toutes les apparences de la manipulation ? Selon ce « journal », un film porno gay a été tourné dans une tente occupée par de soi-disant réels Indignés (Les indignés d'« Occupy Wall Street » ont tourné un film X). D’ailleurs, et les images en font foi (toujours le même souci de la crédibilité, et les images on le sait sont forcément crédibles), ils en ont parfaitement le look. Qui plus est on les voit poser en extérieur près de leur pancarte (si ça c’est pas une preuve !), avec en arrière plan une série de tentes indiquant bien que l’on est proche d’un camp d’Indignés. Tandis que les scènes X sont tournées dans une tente qui, forcément !, se trouve dans ce même camp. Et le tour est joué. Et la journaliste du Parisien n’y a donc vu, ou plutôt n’y a voulu voir que du feu, utilisant la référence au site belge 7 sur 7 (Les indignés ont tourné un film porno - Insolite - 7s7), qui lui pourtant et contrairement à la journaliste du Parisien ne donne pas le nom du site porno gay…
Voilà à quelle extrémité, que l’on soit ou non journaliste - mais quand on l’est on a alors une responsabilité particulière vis-à-vis de ceux à qui l’on s’adresse - peut mener l’opposition à un mouvement politique démocratique et qui en l’occurrence défend pacifiquement ses idées.
Qu’il puisse y avoir des pervers à se glisser dans un groupe volontairement non structuré, ça ne vous étonnera pas. On peut juste espérer qu’ils ne soient pas trop nombreux. Et croyez-vous qu’à La Défense, et sur les autres camps en France, il n’y ait aucun « original » ? Evidemment non. Qui a fréquenté un peu un camp, n’aura pas manqué de le constater. Des originaux il y en a, un peu voire même très perturbés, et pourtant tolérés. Et certainement mieux tolérés que certains de ces individus louches dont la seule action n’aura été que de semer la zizanie. Ces individus généralement appelés…les « infiltrés ». Croyez-vous que l’on ait usé d’aucun autre moyen pour épuiser les campeurs que les sacs de canettes de bière et d’alcool fort déposés discrètement ? Et que d’autres moyens ne seront pas employés dans l’avenir ? Et c’est pourquoi, plutôt que d’avoir à tenter de les dénoncer, j‘ai souhaité chercher à les prévenir, en informant de ce qui s’est déjà fait. Ce qui en réalité devrait relever du travail de journalistes professionnels.
Une presse, des média, des journalistes indignes.
Ainsi, et par le biais de cet accent aigu, petit signe linguistique servant d’outil aux journalistes dans leur travail quotidien, un signe de la forme d’une épine, probablement enchâssé, et douloureusement, dans le doigt de quelques-uns d’entre eux, et de leurs patrons de presse, ceux-ci ont fait le choix en voulant l’ignorer, de s’engager résolument du coté des indignes. Et par ce choix d’insulter leur profession d’une manière très réellement préoccupante en tentant de salir le mouvement des Indigné(e)s, un mouvement valeureux, courageux, apparemment suffisamment dérangeant, suffisamment subversif au regard de certains pouvoirs, pour justifier à leurs yeux de méthodes profondément scandaleuses. Et qui devraient être condamnées ; mais le seront-elles ? Un mouvement qui par sa seule volonté d’exister, focalise et dévoile un peu plus au travers de l’expression ahurissante de certaines de leurs caricatures relatées ici, les trop fréquentes pratiques manipulatoires plus ou moins conscientes des média..
Il me parait souhaitable et urgent qu’un nouveau « mai 68 » éclose dans les rédactions d’un certain nombre de média mainstream. Et que les journalistes, déjà, s’autorisent à reconquérir leur liberté de penser, puis remettent les financiers à leur place.
(Ce papier est aussi une façon de contribuer à la célébration par les Indigné(e)s du monde entier du 63è anniversaire de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme. Les français(e)s sont invités à participer aux manifestations qui se dérouleront samedi 10 décembre à partir de 14 h de la place de Clichy à la place de Stalingrad à Paris, et dans plusieurs autres villes de France 10 décembre : Journée mondiale des Indignés, les RDV en France - AgoraVox le média citoyen ).