vendredi 4 janvier 2019 - par Orélien Péréol

Faire commander les Etats par les juges

La pétition dite « l’affaire du siècle » demande au ministère de la justice de condamner l'Etat pour non-respect de ses engagements en matière de climat. C'est une manifestation de l'incapacité dans laquelle nous sommes de faire société : nous ne disposons plus de récits efficaces de nos manières de faire, d'être ensemble, nous ne disposons plus de récits suffisamment admis, connus et portés par tous. Le récit qui nous baigne et nous paraît explicatif est l'idée d'un peuple uni, ayant un intérêt commun, un intérêt généreux et universel, et qui est sans cesse trompé par ses dirigeants. La démocratie et ses institutions internes ne semblent pas être comprises parfois. La séparation du pouvoir en trois ne semble plus pertinente : L'exécutif a en charge le présent, le législatif l'avenir, et la justice le passé (la réparation des « erreurs »). L'indépendance de ces trois pouvoirs est régie de façon très différente pour chacun. L'exécutif et le législatif sont soumis aux élections, c'est-à-dire émanent du peuple. La justice est une corporation, c'est-à-dire que les juges organisent la formation et la sélection des nouveaux juges. Ils bénéficient d'une « indépendance de la justice » qui ne fonctionne pas bien : très peu d'élus sont condamnés, malgré le caractère flagrant de certaines de leur malversation ; nombre de décisions de justice ne respectent pas le minimum de bon sens et suscitent souffrances et colères légitimes. À l'inverse des deux autres pouvoirs, l'insularité de la justice est une déresponsabilisation des citoyens qui exercent cette justice, c’est un outil à double tranchant, disons : coupés du monde par cette irresponsabilité, ils peuvent se croire parfaits et justement mal faire, ou bien, n'ayant rien à prouver, n’ayant pas être réélus, ils peuvent prendre des décisions difficiles et salutaires. C'est sans doute cette dernière perception qui donne forme à cette pétition contre l'Etat : les juges, eux, vont être impartiaux. Pourtant : Comment des juges qui exercent au nom du peuple français vont-ils condamner des élus qui se représentent à échéances fixes devant le même peuple français ? Conflit de légitimités. Conflit tellement basique que la démarche ne devrait même pas être initiée.

Des plaintes ont été déposées contre le président Macron, quant à la violence de la police. Extension de l’incompréhension.

Cette impossibilité structurelle n’est plus comprise. Ou alors celles et ceux qui tentent ce coup espère que cela finira par ne plus avoir court ? A force de ténacité ? A force d’usure ?

Le populisme ambiant fait qu'on ne croit plus à la pertinence de l'élection pour avoir des élus engagés comme il faut dans la vie publique. Pourquoi ne pas tenter ce pouvoir structuré tellement différemment ?

Si les juges condamnent l’Etat, cela reviendrait à centraliser les trois pouvoirs en un seul, sous un seul d’entre eux : le judiciaire (non élu).

D’autre part, la justice, combien de divisions ? On a vu récemment les juges pour enfants de Bobigny venir dire que nombre de leurs décisions n'étaient pas appliquées (par le département) ce qui rendait leur travail inutile. Il faudrait que la justice demande au pouvoir exécutif d’exécuter précisément les sanctions.

Enfin, que se passerait-il si la justice ne condamnait pas l’Etat ? Cela ne semble pas envisagé. Poser la plainte, c’est comme avoir la condamnation.

Cette pétition remporte un franc succès parce qu'elle dédouane le peuple, elle dédouane chacun, des actes qu'il pourrait poser pour diminuer l'empreinte de l'activité humaine sur la nature et la planète : c'est le principe même du jugement, celui qui juge est considéré comme sans tache, sans défaut et il donne la culpabilité et les sanctions à d'autres. Une impeccable situation de populisme ! Cette pétition contient l'idée que nos indignes dirigeants sont coupables de ne rien faire pour détruire la pollution que nous faisons tous. Ils doivent être jugés pour n'avoir pas accompli les engagements contenus dans les COP précédentes. Le peuple n'avait pas pris d'engagement et n'est pas reprochable. Chacun se place dans la toute-puissance de l'enfant. Il n'est guère étonnant que cette pétition suscite une adhésion rapide et massive. Ce n'est pas un critère de sa qualité : Il appartiendrait aux Etats de corriger les surplus polluants du peuple, de telle sorte que son bien-être n'en soit pas atteint en retour.

Les hommes ne sont pas équipés pour résoudre les problèmes qui se posent à eux ; chacun se sent victime et demande réparation de cette victimisation, c’est un effet de l’individualisme poussé à l’extrême.

Certains, peut-être conscients de l'inanité d'une telle action y voient un moyen de parler et de faire parler du problème du climat. À ceci près, que depuis plus de cent ans, nous ne manquons pas de prophètes, nous manquons de décisions et surtout, nous manquons d’une volonté collective de sobriété. Il est plus aisé d'accabler le capitalisme… ou l'oligarchie… l’Etat que de voir l'immense accord de tous à la consommation et à son augmentation constante.

C’est surtout l’engouement pour cette idée de faire juger l’Etat par un organisme d’Etat malgré inadéquation de cette démarche à la démocratie qui est frappante et doit être analysée.



17 réactions


  • Francis, agnotologue JL 4 janvier 2019 09:58

    Le titre ne serait-il pas : Faire condamner l’État ?


    • Orélien Péréol Orélien Péréol 4 janvier 2019 10:12

      @JL Justement, c’est un des sens de cet article, qui n’a été vu nulle part, en tout cas, je n’ai rien lu de semblable : si le pouvoir judiciaire obtenait la possibilité de condamner l’Etat (et la force de le faire), il deviendrait une forme de pouvoir au dessus des deux autres formes (législatif et exécutif), il les assujettirait.


    • Francis, agnotologue JL 4 janvier 2019 10:58

      @Orélien Péréol
       
       ’’L’exécutif a en charge le présent, le législatif l’avenir, et la justice le passé (la réparation des « erreurs »). L’indépendance de ces trois pouvoirs est régie de façon très différente pour chacun. L’exécutif et le législatif sont soumis aux élections, c’est-à-dire émanent du peuple. ’’
       
       Justement, les élections se font sous le contrôle des médias !
       
      Selon Michel Rocard, « Il y a six pouvoirs qui commandent le monde : exécutif, législatif, judiciaires, technologique ou scientifique, financier et médiatique. Les cinq premiers sont encadrés par des lois et des contre pouvoirs. Le système médiatique n’a pas de contre pouvoirs et ses débordements sont sans limites ».
       
      Le pouvoir financier aujourd’hui domine les pouvoirs médiatique et technologique ; de ce fait, le néolibéralisme, ce poujadisme international, est en passe de dominer les trois autres, on le voit notamment au travers de cette histoire de réchauffement climatique.


  • baldis30 4 janvier 2019 10:27

    bonjour et meilleurs vœux à tous ..

     en fait le problème évoqué par l’article est connu depuis la Grèce antique sous le nom de Criton le crétois

     « Criton le crétois dit que tous les crétois sont des menteurs, or Criton est crétois... ment-il  ? »

     La réponse dans n’importe quel cours de philo ... ( hum... probablement pas chez BHL ).


  • Clark Kent François Pignon 4 janvier 2019 11:09
    1. le gouvernement n’est pas l’état, et c’est le gouvernement qui est en cause
    2. l’« indépendance de la justice » est une imposture : les lois sont établies pour protéger la classe dominante et l’appareil judiciaire pour faire respecter les lois, par la coercition via la police et/ou l’armée si nécessaire, tout le reste n’est qu’idéalisme et écran de fumée

    • Clark Kent François Pignon 4 janvier 2019 11:16

      @François Pignon

      quand Benalla sera arrêté et qu’Eric Drouet se baladera en jet privé avec deux passeports diplomatiques, on pourra parle d’indépendance de la justice !


  • nun01 4 janvier 2019 13:01

    le climat et le libéralisme sont les deux faces d’une même pièce


    • Orélien Péréol Orélien Péréol 4 janvier 2019 13:43

      @nun01 Je ne partage pas ce point de vue. Cette idée de faire condamner les Etats par les juges dédouanent le peuple (nous tous) en faisant porter l’exclusive responsabilité sur les dirigeants.

      D’autre part, c’est l’avidité humaine qui crée les épuisements de la planète : 

      http://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/les-rives-des-rivieres-errent-181688?var_hasard=552057685757f51cba6be


    • Aita Pea Pea Aita Pea Pea 4 janvier 2019 13:59

      @Orélien Péréol Bon ...derrière il y a des loups...devinez lesquels...


    • nun01 4 janvier 2019 16:23

      @Orélien Péréol
       

      Avant l’affaire du climat, il y avait les pluies acides, véhiculé par des gens qui ne connaissaient de la forêt que le bois de boulogne et vincennes. La vrai forêt n’étant pas entretenu par des cantonniers, ils criaient aux pluies acides par ignorance. Cette farce écologique ayant été démonté, ils se rabattent sur le climat sans aucune preuve factuelle et les seuls scientifiques qui le dénoncent sont mis à l’écart, pour ne laisser entendre qu’un seul son de cloche.

      L’écologie ne sert qu’a faire diversion sur les vrais problèmes ceux de la pauvreté voulu par le libéralisme. Le but de l’écologie est uniquement de diluer la contestation du peuple en multipliant les parties politiques.

      Nicolas Hulot qui n’hésite pas à faire pointer une arme à feux sur un ours blanc pour le filmer. Certains ont prétendu qui s’agissait de fusil à fléchettes tranquilisantes ce qui est faux. Quant plus de 700 kg vous charge et que le tranquilisant mais 12 secondes pour faire effet, il ne reste pas grand-chose de vous.

      Vous êtes vous demander pourquoi N.H. a retiré sa plainte pour calomnie après des accusations de viol d’une mineure. C’est simple, les faits étant prescrits, le fait de déposer plainte pour calomnie aurai provoqué l’ouverture d’une enquête pour viol afin de savoir vraiment s’il y a eu calomnie.

      N.H est le Mélonchon de l’écologie dont les seuls vrais actes écologiques est l’épongeage de la production vinicole bordelaise et bourguignonne.

      Et que dire de l’introduction des ours dans les Pyrénées, c’est une honte qui mets en danger des gens qui n’ont pas le droits au port d’arme pour se défendre. Il y avait aussi des loups et des ours en île France. Pourquoi si les bobos parisiens en mal de nature ne réintroduisent pas ces animaux en région parisien, ils auraient la nature à deux pas de chez eux et ils pourraient toujours essayer d’échapper à la charge d’un ours sur leurs vélos.

      Le vrai problème, c’est le libéralisme. L’écologie n’est qu’une vaste fumisterie qui détourne les gens des Epahd qui ne sont plus que des mouroirs et des hopitaux qui ne peuvent plus assumer.


    • generation désenchantée 4 janvier 2019 18:41

      @nun01
      les bobos et écolos veulent pas en réintroduire en Zone Urbaine , des ours , des loups , vipères et autres ?

      après tout le ministère de la transition de l’écologie et de la transition énergétique serait une bonne zone de réintroduction , ils aiment tellement les réintroduction pourquoi pas dans leur ministère ?
      faut bien qu’ils voient de près ce qu’ils réintroduisent dans les zones rurales et de montagnes , je suis certains qu’après ça ils seront moins chaud pour les réintroductions


  • Albert123 4 janvier 2019 14:30

    « La pétition dite « l’affaire du siècle » demande au ministère de la justice de condamner l’Etat pour non-respect de ses engagements en matière de climat. »

    Donc on peut arrêter là cette mauvaise blague de starlettes à la con étant donné la situation de la France au niveau de ces rejets de CO2 (merci le nucléaire au passage).

    Par ailleurs en matière d’écologie, il est plus intéressant et factuel de parler de pollution des sols et des continents de plastiques que de réchauffement climatique qui semble plus lié à des cycles indépendants de l’activité humaine que de la consommation de gitanes mais et de l’usage du diesel.

    mais bon nettoyer un îlot de plastique ou dépolluer les sols, c’est concret et une fois que c’est fait bah c’est fait, alors que le réchauffement climatique on ne sait même pas si l’activité humaine en est responsable, on sait que le problème est quasiment insoluble par des moyens humains , par contre on peut foutre la chiasse avec indéfiniment.

    et puis si cela peut tomber pile poil au moment où le peuple demande un RIC / RIP, en en faisant la promotion par toute les putes dociles du showbiz c’est encore mieux. 

    « Cette pétition remporte un franc succès parce qu’elle dédouane le peuple »


    non juste parce que ce sont des veaux , le genre de veaux qui valident les GJ à presque 80 % sans être capable de percevoir le silence assourdissant des starlettes sur ce même sujets , mais prêt à les suivre au sujet d’une pétition à la con dont ils seront , in fine, les seuls véritables payeurs si effectivement on condamne l’état français.

    Rappelons par la même que ces starlettes narcissiques ont un train de vie bien plus polluant que 1000 lambdas qui signeront leur pétition de bobos.


    • leypanou 5 janvier 2019 08:26

      @Albert123
      mais bon nettoyer un îlot de plastique ou dépolluer les sols, c’est concret et une fois que c’est fait bah c’est fait, alors que le réchauffement climatique on ne sait même pas si l’activité humaine en est responsable   : on est infichu d’arrêter la création d’algues vertes en Bretagne depuis de nombreuses années et on prétend pouvoir limiter l’augmentation de la température à 1,5°C sur la surface du globe.

      Il n’y a pas plus bouffon que les pseudo-écolos et leurs « like ».


  • Orélien Péréol Orélien Péréol 19 février 2021 21:31

    Une nouvelle action est engagée, par l’ONG Sea Shepherd, à propos des dauphins :

    https://www.liberation.fr/environnement/biodiversite/dauphins-victimes-de-la-peche-france-nature-environnement-attaque-le-gouvernement-francais-en-justice-20210218_ZZS7CPXFANH77NHTZKWCHK7XCI/?fbclid=IwAR05v4Wjvleuie826Q3Tld_e9wy9VP8DSywyFoI2bRirFIjPz1jLtvcTCJ4

    C’est miner par un acide les fondements de notre démocratie républicaine. Même si la justice portait une condamnation, elle ne saurait s’appliquer.


Réagir