samedi 28 janvier 2006 - par Michel Monette

Investir dans la solidarité

Les sont trop frileux envers les pays en manque de capitaux. Ne serait-il pas grand temps qu’ils détournent leurs flux d’investissements vers des objectifs de rentabilité humaine à l’échelle planétaire ? Tout un défi, que peuvent contribuer à relever les petits investisseurs, vous et moi qui y vivons, autant que les grands.

Le mouvement d’un groupement d’investisseurs institutionnels américains et européens en faveur de l’investissement propre ne devrait-il pas trouver son équivalent dans un mouvement en faveur de l’investissement humainement rentable ?

Après l’Investor Network on Climate Risk, ne faudrait-il pas créer un Investor Network on Human Risk ?

Il est vrai que les changements climatiques font paniquer le secteur financier, tandis que le maintien de milliards d’êtres humains dans des zones économiques en détresse - et je ne parle pas des zones grises - ne préoccupe pas tellement les places boursières. Pourtant, cela le devrait.

Une mentalité immuable ?

À première vue, il semble tout aussi vain de tenter de faire remonter l’eau d’une rivière à sa source que de vouloir changer la mentalité des investisseurs.

Essayons tout de même.

Vous serez d’accord avec moi si je vous dis que tout ne devrait pas se mesurer qu’à l’aune de la rentabilité. À la limite il serait « plus rentable de cambrioler une banque que de créer une société avec un emprunt contracté auprès de cette banque ».

Savez-vous à quel point les investisseurs jouent avec le sort d’êtres humains au nom de la rentabilité ?

"Et si à l’aspect de l’agitation criarde d’une bourse, nous avions tout à coup l’idée comique que cet acharnement fiévreux a lieu pour des chiffres, et rien que des chiffres, nous pourrions bien aussitôt être pris d’un sentiment d’horreur à la pensée que ces batailles engagées pour des chiffres peuvent décider en un clin d’oeil du sort de millions d’hommes."

Ludwig Klages

Quoi  ? Cela ne vous avait pas frappé, que vous mettez vos économies entre les mains de batailleurs de ruelles ? Vous escomptiez vraiment à la fois un monde meilleur et des placements hyper performants ?

Allez donc leur demander ce qu’ils font pour l’humanité, à vos courtiers ? Nous sommes sur le parquet de la Bourse ici, Madame. Nous travaillons dans votre intérêt, pas dans celui du monde. Pas le temps pour ces contingences.

Ben ça alors, vous dites-vous. Mon intérêt ? Faire de l’argent à n’importe quel prix est dans mon intérêt ?

Choisir ses valeurs

Tout investissement commence par le choix des valeurs sur lequel il repose. Faire un maximum de profit est un choix. Faire un investissement socialement responsable en est un tout autre.

Tout est question de choix.

Ce ne sont pas les opportunités de concilier argent, éthique et solidarité qui manquent. Vous êtes Français ? Espagnol ? Belge ? Américain ? Britannique ? Québécois ? Bengali ? Je continue ?

Allez donc plutôt voir sur le site de l’Association Internationale des Investisseurs dans l’Economie Sociale.

Faut-il cesser d’aider et se mettre à investir ? Peut-être. D’ailleurs, le but ultime n’est-il pas un enfin libéré de la dépendance internationale ? Trop de vautours y planent depuis le Nord.

Au fait, et si le Tiers-monde s’autofinançait  ?



8 réactions


  • Gil (---.---.93.79) 29 janvier 2006 10:43

    Je trouve votre article intéressant. Je me permettrais toutefois une remarque : lorsque vous parlez de « pays riches », de quoi parlez-vous exactement ? Un pays comme la France peut-elle encore être qualifiée de « riche » ? En fait, ce fut un pays riche, ce n’est plus qu’un pays où certains sont riches. Selon les médias, chaque français qui naît aujourd’hui est déjà endetté à hauteur de 10000 € si mes souvenirs sont bons. Et ce ne serait qu’un début. L’impot sur le revenu ne sert plus qu’à une chose : rembourser les intérêts de la dette !

    Du coup, il n’est peut-être plus « rentable » d’être français, et l’on entend de ci de là les gens dirent qu’ils songent sérieusement à s’expatrier. Ils vont donc aller investir ailleurs, et pourquoi pas dans les pays en voie de développement ?


    • IMINOREG (---.---.3.102) 31 janvier 2006 17:52

      S’expatrier pour investir dans la Solidarité, une excellente idée mais si c’est simplement pour exploiter de manière néo-coloniale les pays en émergence, je vois les problèmes à l’horizon.

      Et puis immigrer ne semble pas être forcément le placebo au mal-être français de ces temps-ci. La preuve 80% des Français qui viennent tenter leur chance au Québec retournent en France dans les 3 ans de leur arrivée ici...

      Je voudrais qu’on m’explique la SINISTROSE en termes clairs, mes amis quittés de longue date m’expliquent que la France est loin d’être un paradis et d’autres sont tellement « morts » intérieurement qu’ils ne sont plus capables du moindre sursaut...de l’action salutaire et solidaire...de s’investir dans des projets et se replient sur un train-train frustrant. Et pourtant ils travaillent tous, ont de belles maisons et ne souffrent que d’un déficit de passion et de confiance en l’avenir...

      La mondialisation ne peut seule justifier cette SINISTROSE, ce mécontentement généralisé.

      Pouvez-vous m’éclairer ?


    • Michel Monette 1er février 2006 01:26

      Le but est de soutenir des initiatives libératrices, pas néo-coloniales. Au Québec, nous avons déjà eu le sentiment d’être dominés par le capital étranger. Ce sentiment est disparu depuis, car les Québécois ont pris en main leur économie sans pour autant renoncer à la présence de capitaux étrangers. Loin de moi de prétendre qu’il n’y a plus de situations aliénantes, mais disons que le chemin parcouru est considérable.

      Je suis bien conscient que la route est parsemée d’embûches pour de nombreux pays et que l’investissement « solidaire » ne peut à lui seul faire la différence. Il faut travailler à l’avènement d’un monde meilleur sur plusieurs fronts. Pourquoi ne pas tenter de remplacer une relation d’aide par une relation basée sur la dignité humaine (tout être humain a des droits fondamentaux et l’ensemble du monde doit contribuer à en rendre possible l’exercice) et sur l’intérêt mutuel. Cela vaut la peine d’essayer, non ?

      En ce qui concerne le mécontentement généralisé dont vous parlez, je suis curieux de savoir s’il est partagé par vos compatriotes.


  • Jean-Phi (---.---.10.172) 29 janvier 2006 23:08

    Bonjour Michel,

    Encore une fois, éclairant et surtout audacieuse analyse. Le niveau de déresponsabilisation individuelle conduit à l’irresponsabilisation collective.

    Je suggère en contribution à votre post que l’on intègre dans la satisfaction personnelle le bonheur à être en harmonie éthique avec soi. C’est valable dans tous les domaines où la bienveillance est de mise, càd presque partout. La résignation générale est la cause principale de cette frilosité dans l’inscription de chacune et chacun dans le savoir-être attentif.

    Du boulot, oui bien sûr mais cela ne me semble pas insurmontable dès le moment où on communiquera plus de plaisir que de contrainte à être dans la « bienveillante attitude ».

    Merci à vous de nous rappeler ces évidences de bon sens.

    PS : Ce modèle de motivation est développé sur le http://www.smily.be


  • Xin (---.---.41.103) 31 janvier 2006 15:03

    Allier « argent, éthique et solidarité » n’est-il pas un moyen de soulager les consciences et d’encourager la fuite vers l’avant qui est la finance.

    Etes-vous sûr que la Sicav ALTERVISION BALANCE EUROPE ne contient pas des actions Shell (ou similaires) avec les conséquences dramatiques que nous connaissons sur les habitants du Nigéria ?

    Etes vous sûr que vos dons sont les meilleurs moyens d’aider les pays pauvres ? Comment garantir que ces dons ne créent pas une dépendance ? Etes-vous sûr que l’éthique des donateurs est partagée par les bénficiaires et inversement ? Pourquoi ne pas commencer par aider les pauvres sous-alimentés, sous-médicamentés sous-éduqués européens ? Pourtant, il y en a des dizaines de millions.

    Ne vaudrait-il pas mieux agir sur la pauvreté à la racine, c’est à dire briser les mécanismes qui la crée, que de soigner ses symptômes ?


    • Michel Monette 31 janvier 2006 23:41

      La solidarité n’est pas une fuite en avant. Si faire moins d’argent avec ses investissements est une forme de don, c’est que les institutions financières auront réussi un formidable lavage de cerveau. Je veux bien cependant vous accorder que l’idéal serait de miser sur l’épargne locale avant l’investissement étranger, que celui-ci soit motivé ou non par des motifs de solidarité. Il faut aussi que les échanges soient plus équitables. Alors on cessera de parler charité pour parler affaires.


    • Xin (---.---.41.103) 1er février 2006 10:33

      Monsieur Monette,

      La fuite en avant n’est pas la solidarité mais la finance. Je m’explique.

      L’un des outils les plus importants de l’appauvrissement des êtres humains est la finance. Cet outil, qui repose sur l’usure, la spéculation, etc., permet de concentrer les richesses, au détriment d’autres êtres humains, à une échelle que l’humanité n’a jamais connue auparavant.

      Aujourd’hui, vous proposez d’investir dans la finance et de transformer une partie des bénéfices en aide solidaire. Ca a l’air beau. Mais les gains réalisés sont obtenus grâce à l’exploitation et à l’appauvrissement d’autres êtres humains.

      En résumé, on exploite des êtres humains pour donner des miettes à d’autres êtres humains et laisser les principaux bénéficiaires, détenteurs des capitaux, continuer à concentrer les richesses.

      Je pense qu’il serait plus sage de ne plus investir dans la finance et oeuvrer à la suppression de ce gigantesque aspirateur de fonds.

      Pour la solidarité avec les peuples qui ont en besoin, il serait peut-être préférable de les aider à se libérer de leurs chaînes nationales (dirigeants corrompus, autorités religieuses, etc.) et internationales (FMI, OMC, Banque mondiale, etc.), puis se mettre à leur écoute et répondre à leurs besoins s’ils font appel à nous. Plusieurs associations oeuvrent dans ce sens.


    • Xin (---.---.41.103) 1er février 2006 10:34

      Monsieur Monette,

      La fuite en avant n’est pas la solidarité mais la finance. Je m’explique.

      L’un des outils les plus importants de l’appauvrissement des êtres humains est la finance. Cet outil, qui repose sur l’usure, la spéculation, etc., permet de concentrer les richesses, au détriment d’autres êtres humains, à une échelle que l’humanité n’a jamais connue auparavant.

      Aujourd’hui, vous proposez d’investir dans la finance et de transformer une partie des bénéfices en aide solidaire. Ca a l’air beau. Mais les gains réalisés sont obtenus grâce à l’exploitation et à l’appauvrissement d’autres êtres humains.

      En résumé, on exploite des êtres humains pour donner des miettes à d’autres êtres humains et laisser les principaux bénéficiaires, détenteurs des capitaux, continuer à concentrer les richesses.

      Je pense qu’il serait plus sage de ne plus investir dans la finance et oeuvrer à la suppression de ce gigantesque aspirateur de fonds.

      Pour la solidarité avec les peuples qui ont en besoin, il serait peut-être préférable de les aider à se libérer de leurs chaînes nationales (dirigeants corrompus, autorités religieuses, etc.) et internationales (FMI, OMC, Banque mondiale, etc.), puis se mettre à leur écoute et répondre à leurs besoins s’ils font appel à nous. Plusieurs associations oeuvrent dans ce sens.


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