lundi 26 février 2018 - par Michel DROUET

La gouvernance locale et les lobbies

Le lobbying fait partie du lot commun de tout élu local qui s’y soumet ou non en fonction du degré de nuisance de tel ou tel lobby et de son impact potentiel sur les prochaines élections locales. Les élus locaux, des plus libéraux aux plus socialisants, sont priés de manger leurs chapeaux s’ils veulent être réélus.

Les lobbies silencieux (ou presque)

Ils sont là en permanence et œuvrent au quotidien pour la défense de leurs intérêts. Ils se moquent de l’intérêt général pourvu que leurs revendications et les intérêts de la corporation qu’ils représentent soient satisfaits. Ce sont des actions au long cours, un labourage systématique des terres électorales, de la communication bien ciblée avec parfois des menaces à peine voilée, et si on leur propose de changer leurs façons de faire afin qu’elles soient davantage en accord avec l’air du temps, la menace de descendre dans la rue avec les tracteurs (pour les syndicats agricoles) ou celle de fermeture d’une usine (pour l’automobile) n’est jamais loin.

La problématique métropolitaine

Pendant que les territoires ruraux se dépeuplent petit à petit, que les services publics s’en vont et que le médecin qui part en retraite n’est pas remplacé, en attendant que la ligne TER non rentable (comme l’ensemble des lignes) ferme, les métropoles, qui font l’objet d’une attention particulière de la part du Président de la République, sont confrontées à des problèmes liés à leur croissance.

Attractives de par la concentration de leurs activités, la présence d’universités, d’écoles supérieures et de labos de recherche, leur desserte par TGV et par avion, elles doivent résoudre des problèmes complexes d’accueil et de déplacements locaux d’une population en croissance continue.

Un exemple de composition avec le lobby des constructeurs automobiles

Le département d’Ille et Vilaine est en continuelle croissance économique et sa population a augmenté de plus de 90000 habitants en un peu plus de 10 ans. Cette croissance a profité en premier lieu à Rennes Métropole qui réunit tous les critères d’attractivité cités plus haut.

A noter la présence d’une usine PSA sur le territoire ce qui n’est pas anodin en terme de pression sur les élus locaux sans doute gentiment invités à ne pas faire trop de mal aux automobilistes. Accessoirement, Rennes Métropole a versé quelques millions d’euros à PSA pour l’inciter à ne pas délaisser l’usine et les quelques milliers d’emplois qui s’y trouvent.

Par conséquent, la ville centre (Rennes) et certaines villes de la première couronne ont mis en place avec le temps tout un arsenal dissuasif afin de limiter la circulation automobile sur leurs territoires, en particulier celle en provenance des communes situées en amont.

Parallèlement, les transports en commun ont largement été favorisés dans la ville centre (Métro, couloirs bus, parking relais), alors que les communes périphériques se sont contentées d’un transport par bus de plus en plus ralenti dans le flux des voitures individuelles surtout aux heures de pointes. Résultat, un engorgement croissant de la rocade et des temps de trajets qui augmentent.

Les réponses de Rennes Métropole sont les suivantes : utilisation des transports en commun (avec les limites connues) d’applis pour le covoiturage, et des déplacements « apaisés » en vélo (avec de grandes lacunes sur les pistes cyclables et l’éclairage des voiries dans les zones non urbanisées.

Dernière mesure : obligation prochaine de coller la vignette Crit’air sur le pare-brise pour rentrer dans Rennes. C’est bien connu, la pollution automobile, comme le nuage radioactif de Tchernobyl, s’arrête aux frontières communales.

En conclusion, la politique métropolitaine consiste à pénaliser les conducteurs sans s’attaquer de front aux constructeurs automobiles et à protéger la ville centre en voie de gentrification (on pense également à Paris).

Et le lobby agricole dans tout cela ?

Silencieux parfois, mais pas pour autant inefficace, ce lobby, représenté par la chambre d’agriculture a signé une « convention cadre pluriannuelle de partenariat » avec Rennes Métropole dont le point central est la « préservation de la ressource non-renouvelable des terres agricoles en réduisant l’étalement urbain ». Au passage, on notera que Rennes Métropole était favorable au Projet d’aéroport de Notre Dame de Landes avec la destruction de 1500 hectares de terre agricoles….

On peut bien évidemment être d’accord sur la limitation de l’étalement urbain, mais il faut savoir que ce quasi-engagement (c’est certainement comme cela que les agriculteurs analyseront la convention-cadre) empêche l’amélioration des transports en commun entre les communes périphériques et la ville centre puisque tout projet de voie réservée aux bus ou aux cyclistes sera considéré comme un renoncement aux « engagements » pris par Rennes Métropole.

Second effet, et non des moindres, le besoin de logements nouveaux pour accueillir les nouveaux arrivants et par conséquent la mise à contribution des communes périphériques au travers du Plan Local d’Urbanisme Intercommunal par la densification de l’habitat en évitant tout étalement urbain.

Cela nous donne des projets de « rénovation urbaine » qui consistent surtout à construire des immeubles de 3 à 5 étages dans des dents creuses, sans trop se soucier des voisinages existants, à faire des « entrées de ville », bien évidemment bétonnées aux quatre coins et à proposer (comble du verbiage techno et de l’hypocrisie politique) de « faire entrer la nature » dans des communes, dont certaines se situent à moins d’un kilomètre d’une forêt domaniale ou d’espaces boisés existants.

Déni de démocratie

Les lobbies agricoles et automobiles ont bien fait leur boulot et les élus locaux sont priés de mettre tout cela en musique en disant que c’est pour notre bien.

Loin de moi l’idée que les communes périphériques ne doivent pas contribuer à l’accueil de nouvelles populations, mais l’absence de solutions de transport en commun avec la ville centre contribuera à pourrir encore un peu plus les déplacements des habitants de ces communes.

Comme dans d’autres Métropoles en voie de gentrification, ce sont les populations les moins aisées qui seront invitées à se loger en périphérie.

Les élus locaux toujours soumis aux lobbies ont une politique à courte vue et laisseront, comme c’est le cas habituellement, à leurs successeurs la gestion des problématiques engendrées par les nouvelles banlieues qu’ils auront créés en oubliant les citoyens qu’ils sont censés représenter. Dans quelques années, ces nouveaux élus négocieront avec l’Etat un plan d’urgence pour ces nouvelles banlieues, comme d’autres le font actuellement pour revivifier le commerce de centres villes moyennes vidées par la construction d’hypermarchés en périphérie.

La boite à conneries est toujours ouverte.

Actuellement, les politiques se déterminent à l’horizon de un ou deux mandat électoral, autrement dit, l’avenir à vingt ou trente ans n’est jamais pris en compte, ou de manière insatisfaisante, par les élus.

 



21 réactions


  • Spartacus Lequidam Spartacus 26 février 2018 16:13

    Ce qui est marrant dans ces critiques, c’est que ceux qui se plaignent ne comprennent pas qu’ils en sont les causes...

    C’est l’offre des concepts jacobins et socialistes qui crée la demande...


    Dans un monde ou l’étatisme et le socialisme promettent d’intervenir sur le marché libre avec les excuses de « bonnes raisons ».... 

    Il ne faut pas se plaindre des lobbys, et l’inflation de demandes d’interventionnisme qui ne sont que les conséquences justement de l’illusion interventionniste de l’état sur tout.

    Quand on prône l’interventionnisme, on ne se plaint pas de l’inflation de demandes d’interventionnisme...


    • Michel DROUET Michel DROUET 26 février 2018 16:51

      @Spartacus
      Ceux qui se plaignent sont parfois les individualistes qui s’estiment mal servis par rapport à leurs propres demandes, mais ce sont également ceux qui font l’effort de réflexion nécessaire à la compréhension d’un système, ne vous en déplaise fondé sur le libéralisme et les féodalités locales.
      Il y a longtemps que l’Etat (de gauche ou de droite) a perdu la main face aux lobbies ou les a laissé faire.


    • Pere Plexe Pere Plexe 26 février 2018 16:56

      @Spartacus
      ...votre intervention contre les interventionnistes vous classe te elle parmi ceux là ?


      Plus sérieusement qui peut croire à l’interventionnisme de l’état qui a renoncé depuis longtemps a aménager le territoire ? C’est bien au contraire le laisser- faire qui créé des zones surpeuplées et des déserts.


    • Michel DROUET Michel DROUET 26 février 2018 21:17

      @Pere Plexe
      Et il va falloir payer une seconde fois pour réparer ces errements. Bientôt des fonds pour la ruralité en attendant des fonds pour les zones denses et les villes moyennes.
      Les conneries continuent et le contribuable paye.


    • ASTERIX 14 septembre 2018 09:43
      @Spartacus

      mr drouet connait bien la question IL A TRAVAILLE POUR EUX !!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!

    • Michel DROUET Michel DROUET 14 septembre 2018 11:41

      @ASTERIX

      Tiens, Tousensemble est de retour, avec 15 jours de retard à l’allumage comme d’habitude...
      Si vous voulez que vos commentaires à la con soient lus, faudrait vous y prendre plus vite !

  • Diogène Diogène 26 février 2018 16:25

    On ne comprend rien au lobbying si on ne prend pas en compte son relais sur le terrain, le clientélisme, c’est-à-dire  l’attitude politique d’une personne ou d’un parti qui cherche à augmenter le nombre de sa "clientèle politique" dans le but d’atteindre les objectifs que le lobby lui a fixés, par l’octroi d’avantages injustifiés en échange d’un soutien futur, lors d’élections notamment. 

    Bien que le vote se déroule dans un isoloir, ce soutien est la manifestation d’une forme archaïque de dépendance ou  d’une « reconnaissance du ventre » anticipée. Cette pratique consiste à acheter les voix d’électeurs par divers moyens : subventions, obtentions d’emplois, facilités diverses, « tournées » dans les cafés...

    Le mot clientélisme est utilisé de manière péjorative par ceux qui le dénoncent, et il n’est jamais utilisé par ceux qui le pratiquent. Il s’apparente à la démagogie et au népotisme lorsqu’il s’agit, par exemple, de favoriser une partie de la population dans le but d’obtenir ses suffrages.

    Contrairement à ce que beaucoup d’observateurs croient, ce ne sont pas les lobbies qui démarchent des hommes politiques puissants afin de faire avancer leurs intérêts, mais le contraire : les lobbies puissants sont démarchés par les hommes politiques qui cherchent leurs faveurs ou même sont le résultat de la stratégie géopolitique de groupes transnationaux, financiers et commerciaux, comme le dernière élection présidentielle en France l’a montré.


    • Michel DROUET Michel DROUET 26 février 2018 17:09

      @Diogène
      Bonjour Diogène
      Le lobbying que vous décrivez est une forme un peu différente de celui que je décris dans lequel les élus appliquent des décisions sur le terrains que les citoyens ont du mal à appréhender dans leur globalité (exemple des liens entre automobile, agriculture et plans locaux d’urbanisme). C’est l’ensemble qui donne une « cohérence ».
      En définitive, c’est le lobbying « amont et aval » que vous décrivez et qui donne toute son ampleur au phénomène.
      S’agissant du qui fait quoi en premier (politique ou lobby) j’opterai plutôt pour un auto formatage préalable des candidats aux élections avec des thématiques comme celle du « pas de vague si on veut être élu » ou du primat sur les revendications économiques sur le bien être du citoyen dans son espace local, autrement dit l’imprégnation des cerveaux par les thèses du Medef.


  •  C BARRATIER C BARRATIER 26 février 2018 17:44

    Le lobbying, je l’ai vécu au Conseil municipal de ma commune de Chessy les Mines dans le Rhône, je l’ai combattu, - victorieusement finalement, après des échecs, j’ai publié des documents sur le forfait communal payé par les mairies aux écoles privées sous contrat d’association, et des échos me sont parvenus et continuent à me parvenir de toute la France : Partout, des élus se font élire pour faire donner aux frais du contribuable des fonds publics indus et même parfois interdits aux écoles privées. Dans ma commune un élève du privé coûtait 2 fois et demie ce que coûte un éleve de l’école publique.

    Voir

    Guide du forfait communal

    http://chessy2008.free.fr/news/news.php?id=140 Un élu président de l’organe de gestion de l’école catholique (OGEC, il en existe pour toutes ces écoles) a fait passer en conseil municipal une délibération cassée ...11 ans après par le Tribunal admlinsitratif de LYON Ecole catholique chessy, prise illegale d’intérêt, le cas SAEZ http://chessy2008.free.fr/news/news.php?id=261

    Mieux encore, à Chessy toujours, aux dernières muicipales une liste composée pour l’essenteil de parents d’élèves de l’école privée s’est montée soutenue avec pubs à l’appui par PCD (parti chrétien democrate)...elle a eu 2 élus sur 19 et SAEZ qui figurait sur cette liste n’a pas été élu


    • Michel DROUET Michel DROUET 26 février 2018 21:14

      @C BARRATIER
      Ce que vous décrivez est une forme de lobbying bien connu localement et dont les effets se font sentir en matière de « parité » entre les deux ordres d’enseignements.
      Il semble que le lobbying intense de tous les groupes de pression (automobile, agriculture, BTP, promotion immobilière, enseignement, et j’en passe et des meilleurs...) ait purement et simplement remplacé la démocratie.
      Il ne reste plus aux élus qu’à habiller les décisions prises en fonction des demandes des quémandeurs pour dire au bon peuple que c’est pour son bien.


  • gogoRat gogoRat 26 février 2018 18:01

     Ce qui serait intéressant, pour une approche raisonnée de ce qui devrait motiver la réflexion politique au sens noble, ce serait d’examiner ce qui est le plus propice au jeu des lobbys :
     
     - l’actuelle structure aristocratique du pouvoir, avec sa fumeuse notion de représentativité qui fait que les lobbys n’ont en fait à faire pression que sur un nombre restreint et ciblé de prétentieux (qui pensent et décident dans le dos de celles et ceux qui ont veauté pour eux) ?
     
     - ou bien, un réel partage du pouvoir entre tous les citoyens (démo-cratie !) : un égal accès à la parole officialisée : genre cahier de doléances temps-réel  ?
     
     
     Sans quoi, on voit bien que, meme si la fausse-bonne-idée était appliquée de désigner des chefs pas tirage au sort ... eh bien les lobbys continueront à marcher sur du velours en proposant leur ’savoir’ et leurs ’formations’ à tout néophyte arrivé temporairement à la place du calife !


    • Michel DROUET Michel DROUET 26 février 2018 20:49

      @gogoRat
      Je suis comme vous, je ne pense pas que la formule magique existe, si ce n’est de l’éducation citoyenne, mais ça prendra beaucoup de temps, et il ne faut pas compter sur les politiques pour faire de la pédagogie...


  • gogoRat gogoRat 26 février 2018 18:10

     remarque annexe à propos de ’ ville centre en voie de gentrification’
     

     >> Ne pas généraliser trop vite, et savoir remarquer qu’en certains lieus, c’est plutot le contraire qui aurait tendance à se produire :
     gentrification de zones aisée à la périphérie de villes qui se se meurent, fuies par les bobos de (de droiche .. ou pas) qui préfèrent ne pas cotoyer de trop près des populations qu’ils prétendent défendre ...


    • Michel DROUET Michel DROUET 26 février 2018 20:47

      @gogoRat
      a Rennes Métropole il y a déjà une culture de la mixité sociale dans certaines communes périphériques et c’est bien. Par contre, ce n’est pas le cas partout, notamment dans des communes de droite. La solidarité à des limites.


  • gogoRat gogoRat 26 février 2018 18:33

    Autre remarque, pas du tout accessoire sur cette observation :
    ’ Accessoirement, Rennes Métropole a versé quelques millions d’euros à PSA pour l’inciter à ne pas délaisser l’usine et les quelques milliers d’emplois qui s’y trouvent.’
     
     
     Ce versement de ’quelques millions’ à une société privée n’est compatible
    - ni avec une philosophie qui serait conforme à ce qu’a pu signifier ’de Droite’ (les ’premiers de cordée’ n’ont pas à être assistés par le pactole public !)
     - ni avec une philosophie qui serait conforme à ce qu’a pu signifier ’de Gauche’ ( préserver des contrats de subordination n’aurait jamais du être la visée de celles et ceux qui prétendent vouloir une redistribution équitable du fruit des efforts collectifs !)
    - ni (encore moins) avec le concept démocratique :
     le pouvoir légitimationné fait l’inverse de ce qu’il prétend viser ; au lieu d’un pouvoir du peuple, par le peuple et pour le peuple, les ’représentants-incarneurs’ remettent le pouvoir légitimationné à une ’personne morale’ privée à qui il livre des gens en ’contrat de subordination’ !!!
     C’est donc ça l’intelligence, le mérite, la haute valeur de nos politicailleux ?

     Plus idiot, tu meurs !!!


    • Michel DROUET Michel DROUET 26 février 2018 20:44

      @gogoRat
      Ce n’est compatible avec aucune philosophie sinon celle de la carpette qui consiste à se mettre au garde à vous dès qu’un industriel lève le petit doigt. Ce n’est pas ma conception de la gouvernance.


  • Citoyen de base 26 février 2018 20:13

    Lobby automobile, mouais. Lobby agricole, bon... Allez, encore un petit effort monsieur Drouet, et avec le BTP et la promotion immobilière vous allez les trouver les vrais lobbies, les malfaisants...  smiley


    • Michel DROUET Michel DROUET 26 février 2018 20:41

      @Citoyen de base
      Bonjour
      J’ai simplement voulu dire comment la conjonction de ces deux lobbies pouvait avoir des conséquences sur l’urbanisme et les déplacements. Il va de soi que le BTP et la promotion immobilière ne sont pas loin et vont récolter les fruits semés par les autres.
      Cela mériterait un autre article.


  • zygzornifle zygzornifle 27 février 2018 10:23

    Pas touche aux potes a Macron .....


  • Ruut Ruut 27 février 2018 17:08

    Il suffira de voir qui aura les contrats pour ramasser les PV d’excès de vitesses pour savoir qui gouverne vraiment.


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