samedi 3 mars 2012 - par Caleb Irri

Le référendum peut-il nuire au peuple ?

Comme je l’ai dit dans mon précédent billet, l’Europe est en train de se doter d’un arsenal législatif qui ouvre grand les portes à une baisse des acquis démocratiques par la mise en place d’une dictature destinée à retrouver compétitivité et croissance, et donc à la généralisation de l’asservissement des peuples européens. Comme je l’ai dit aussi, ce passage ne peut se faire par la violence brutale, et doit donc passer par l’acceptation de ce changement de régime par le peuple. Cette acceptation résultera de la peur de la faillite et du chômage en même temps que du conditionnement par une propagande destinée à diviser et opposer les différents corps de métiers. Ces différents facteurs faciliteront la désignation de coupables, de boucs-émissaires susceptibles de stigmatiser certaines communautés, ou certaines catégories sociales, pour in fine faire accepter aux peuples des réformes qui vont contre son propre intérêt.

Mais les élections qui approchent et le passage « à gauche » du Sénat freinant quelque peu l’application de certaines de ces mesures (malgré sa scandaleuse soumission au MES), le président-candidat doit donc pour faire avancer ses pions renoncer à les faire passer en force et cela encore pour au moins deux ans (le temps que d’autres sénatoriales aient lieu) : c’est tout ce que permettent encore les vestiges qui servaient de remparts à notre démocratie -et qu’il aimerait sans doute bien voir définitivement détruits. Jamais à cours d’idées, le président candidat à la traine dans les sondages mise donc maintenant sur l’arme ultime que représente pour le peuple le référendum.

Cette arme que je qualifie d’ultime est en théorie l’arme du peuple, car elle doit en principe permettre à celui-ci d’exprimer sa volonté directement, et de la faire respecter. Il pourrait paraître d’ailleurs étonnant que tous nos candidats, ceux-là mêmes qui (avec le soutien des élus de leurs partis respectifs) n’ont pourtant pas hésité à passer par dessus à de nombreuses reprises, que ce soit lors du traité de Lisbonne refusé par le peuple mais validé par le parlement, que ce soit pour refuser la votation sur la poste ou pour laisser inachevé le référendum dit d’initiative populaire pourtant inscrit dans la Constitution, que ce soit pour valider les plans d’aide aux banques ou voter le MES…, redécouvrent les vertus du référendum à l’approche des élections présidentielles ; mais c’est que la situation actuelle leur permet de promettre tout et n’importe quoi : comme on dit, les promesses n’engagent que ceux qui y croient. Et puis le référendum quand on y pense, est-ce vraiment la voix du peuple ?

Comment croire une seule seconde que l’avis du peuple importe réellement à ceux-là mêmes qui le méprisent depuis si longtemps ? Ceux qui le proposent savent pertinemment soit qu’ils ne seront pas élus, soit qu’ils n’en tiendront pas compte : car celui qui sera élu sera aussi celui qui l’organisera, et qui validera et la question posée, et les résultats de celui-ci. En réalité le référendum, comme on l’a déjà constaté en France et comme le prouve celui organisé en Syrie, n’est pas un gage de démocratie. Tout dépend de qui l’organise, et de comment.

De plus, force est de constater qu’il est assez facile d’en détourner les résultats : le référendum ne vaut pas loi, car derrière il y a la rédaction, le passage devant le parlement, les amendements, le journal officiel et les décrets d’application, c’est-à-dire la possibilité de transformer et de retarder à loisir l’application de la volonté du peuple… quand on sait qu’en droit une virgule peut tout changer ! Sans compter que si seuls les votes exprimés servent à valider le référendum, un très petit nombre de votants peut très bien parler pour tout le monde.

Et puis il y a la question posée : dans la technique utilisée par monsieur Sarkozy, il tente à la fois de justifier les échecs de son mandat par le « blocage » qu’il attribue aux fameux « corps intermédiaires » tout en essayant de s’en débarrasser par l’intermédiaire du référendum. Il fait le pari de la peur, de celle de la faillite, de celle du chômage et de la misère, de la stigmatisation et de la division, pour obtenir à l’aide de questions orientées l’assentiment d’un peuple conditionné par cette peur d’une crise savamment entretenue par une politique injuste.

On imagine déjà les dégâts occasionnés par des référendums organisés après l’utilisation de faits divers instrumentalisés dans l’opinion publique, à des fins toutes autres que celles énoncées lors du scrutin… comment autrement croire un seul instant que, en France comme en Syrie, le peuple puisse se tirer volontairement une balle dans le pied ?

D’autant que les décisions, on nous le rabâche assez, sont prises à Bruxelles… Comment un référendum s’opposerait-il aux directives européennes, alors même que tout est mis en place pour instaurer un gouvernement « supra national » ?

Alors que s’ils voulaient vraiment engager et leur responsabilité et la démocratie, pourquoi ne pas proposer tout simplement la mise en place d’une Assemblée Constituante ?

Caleb Irri

http://calebirri.unblog.fr



4 réactions


  • zelectron zelectron 3 mars 2012 11:23

    les referendum cacophoniques ?


  • bernard29 bernard29 3 mars 2012 11:49

    Il est clair que le référendum en soi n’est pas la panacée ; En allemagne le référendum est anticonstitutionnel.

    cependant comme vous le dites « tout dépend de qui l’organise, et comment ». On peut rajouter pourquoi on l’organise et quand.

    Ainsi vous finissez votre article en disant ; « pour la mise en place d’une Assemblée Constituante » ; Mais comment le faire ??? 

    Eh bien il suffit de soutenir la proposition de Bayrou en rebondissant sur sa proposition de référendum institutionnel , lors des législatives de juin 2012 en faisant en sorte que le candidat à la présidentielle s’engage dans un tel référendum au mois de juin 2012, en posant la question supplémentaire suivante ;

    - « voulez vous une constituante élue au suffrage universel ? »

    Au moins ce serait un engagement fort d’un candidat à la présidentielle qui engagerait ainsi sa future majorité présidentielle ( élue à ces mêmes législatives) pour amorcer une vraie rénovation démocratique. L’utilisation du référendum par l’article 11 proposé par Bayrou sur la moralisation de la vie publique, lors des législatives de 2012, est un cas de figure trés original. Cas d’un président qui vient d’être élu et qui dans la foulée initie un référendum institutionnel lors des législatives qui suivent ( 4 à 5 semaines). C’est une promesse d’un Président Elu qui peut remettre en cause son éventuelle majorité présidentielle à acquérir lors des législatives immédiates. C’est plus qu’une promesse, c’est une promesse-engagement.

    Sinon, il est quasi imposssible d’obtenir comme cela une constituante. .. Mise à part la question du référendum d’initiative citoyenne (impossible actuellement en raison des modalités de ce RIC ), il n’y a que cette possibilité.

    Si les candidats veulent une constituante pour le mandat à venir , ils doivent au minimum poser la question au peuple lors des législatives de 2012.


  • democradirect democradirect 3 mars 2012 20:14

    Oui, le référendum d’initiative populaire, c’est la voix du peuple. C’est la plus petite clé qui permette d’ouvrir la porte de la démocratie. Le peuple pourra ensuite utiliser cet instrument pour imposer d’autres réformes.

    Mais il faut aussi que ce soit le peuple qui décide quand il y a un référendum. Sinon le président peut biaiser en posant les questions qui l’arrangent et en évitant de poser les questions qui ne l’arrangent pas. Ce n’est pas au président de décider d’organiser ou non un référendum sur un sujet donné.

    C’est un texte juridique précis qui doit être soumis au vote. Vois ici la documentation que les Suisses ont reçue pour la prochaine votation fédérale. Plusieurs sujets sont soumis au vote. Par exemple « six semaines de vacances pour tous ». En page 28 de cette documentation, vous trouverez la modification de la Constitution (la modification est indiquée à la virgule près). C’est sur des textes législatifs précis qu’il faut voter, pas sur de vagues idées. C’est vrai qu’il faut ensuite rédiger des lois et des règlements d’application. Mais les politiciens tentés de ne pas exécuter la volonté populaire s’exposent à un énorme coût politique puisque cette volonté s’exprime avec beaucoup de précision.

    Le peuple peut décider par référendum de ne pas transférer davantage de souveraineté au niveau européen.

    Bernard29 a raison de dire que la question de créer une Assemblée constituante doit être soumise au peuple par référendum. De plus le peuple devrait pouvoir choisir entre plusieurs variantes (élection ou tirage au sort ? etc…). Il devrait même pouvoir proposer des variantes. C’est pourquoi l’introduction d’un véritable droit de référendum d’initiative populaire est une condition préalable à l’institution d’une Assemblée constituante.

    Je suis pour une Assemblée constituante sous trois conditions (voir ici) :

    - Le projet de Constitution que rédigera l’Assemblée constituante devra être soumis au référendum point par point (et non pas en bloc).

    - Les membres de l’Assemblée constituante doivent être tirés au sort (pas élus)

    - Un véritable droit de référendum d’initiative populaire doit être introduit préalablement selon le principe « le peuple, et uniquement le peuple, doit pouvoir modifier la Constitution ».

    Pour introduire ce droit de référendum, il ne faut voter que pour des candidats qui prennent l’engagement suivant :

    «  Si je suis élu à la présidence de la république, je m’engage, durant la première année de mon mandat, à soumettre en votation populaire (ou au moins à demander au Parlement d’adopter cette réforme pour qu’elle soit soumise en votation populaire) l’introduction du droit de référendum d’initiative populaire suivant : si une proposition de modification de la Constitution est soutenue par un million de signatures de citoyennes et de citoyens inscrits sur les listes électorales réunies en 18 mois, alors cette proposition devra obligatoirement être soumise en une votation populaire dont le résultat s’imposera aux élus. De plus, toute modification de la Constitution – même voulue par les élus – devra obligatoirement être soumise en une votation populaire dont le résultat s’imposera aux élus ».

    Voir ici et .

     


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