Robespierre, le mal aimé
Détesté des historiens « conventionnels », l’historien Henri Guillemin n’a cessé de faire « bouger les lignes », toujours à la recherche de la vérité historique, et à démontré que la vraie nature de Robespierre était aux antipodes de la légende dont il est affublé.

La vision que nous avons de Robespierre est en effet bien éloignée de la réalité et Henri Guillemin ne s’est pas privé de le démontrer : loin de l’image conventionnelle d’un Robespierre boucher, le couteau entre les dents, les mains ensanglantées d’une guillotine qui ne chômait pas, il nous propose une autre version, vraisemblablement plus proche de la réalité que celle admise généralement. lien
Au moment ou de nombreux médias tentent de présenter Jean-Luc Mélenchon, comme un nouveau Robespierre, cette mise en lumière n’est pas négligeable. lien
A l’époque, comme l’avait constaté Barnave, un avocat théoricien, une nouvelle classe faite de nouveaux riches, de banquiers, de bourgeois, s’offusquant de voir les commandes du pays aux seules mains du roi et des aristocrates, avait déclaré : « une nouvelle distribution de la richesse appelle une nouvelle distribution du pouvoir ». lien
Une banqueroute pointait son nez à l’horizon, et la politique d’emprunt permanent pratiquée par Louis XVI, (et ses prédécesseurs) était largement critiquée par ces nouveaux riches. lien
Cette situation n’est pas sans rappeler la notre aujourd’hui, puisque, comme l’affirme Guillemin : « sous Louis XVI, la moitié du budget des dépenses françaises passe au remboursement de la dette ».
Même Edgard Faure, peu susceptible d’être considéré comme révolutionnaire, en convenait : « la France n’était pas pauvre, il y avait seulement des riches plus riches, et des pauvres plus pauvres »..comme aujourd’hui.
Un autre historien, Jacques Godechot, à qui l’on doit un ouvrage capital, « le 14 juillet » (ces trente journées qui ont fait la France), donne des chiffres : l’ouvrier gagnait 4 € par jour, le pain d’1 kilo coûtait un peu moins de 3 € au moment de la prise de La Bastille, ne laissant aux Français que 1 € et des poussières pour le reste.
C’est dire l’état de pauvreté du peuple d’alors, qui n’est pas sans rappeler le notre aujourd’hui, quand l’on sait que certains ouvriers ne gagnent que 610 euros par mois, pour 40 heures hebdomadaires, (lien) que le cap des 3,2 millions de chômeurs est franchi, que beaucoup d’autres sont ignorés des statistiques du chômage, que près de 2 millions sont au régime RSA (lien), et sans oublier les 1,5 millions de travailleurs low cost (lien), le tout pour 22,5 millions de salariés « normaux ». lien
Mais revenons à 1789.
Le roi renvoie Necker, le remplaçant par Breteuil, catalogué droite dure, voire extrême, le 13 juillet, ce qui va décider les bourgeois à lancer le peuple contre le roi en lui distribuant des armes.
L’affaire étant gagnée, les nantis craignant que le peuple n’utilise ces armes différemment, proposent de les racheter pour 8 €, (40 sous) et met en place une « garde nationale », pour assurer « l’ordre ».
La constitution créée va considérer que chaque français est citoyen, sauf qu’il y aura des « citoyens passifs », ceux qui ne payent pas d’impôts, (ils seront privés de droit de vote, et interdits de coalition afin de défendre leurs intérêts), et les autres, les citoyens actifs…en un mot, les nantis, les possédants. lien
Mais voilà, le 7 juillet 1791, les choses vont aller autrement : 100 000 citoyens (dits passifs) vont signer une pétition demandant la déchéance du Roi après sa tentative de fuite, pétition lancée par les cordeliers, considérés très à gauche, et Lafayette, chef de la garde nationale fera tirer sans sommation sur la foule des pétitionnaires.
C’était le 17 juillet 1791, date qu’il faudrait inscrire en rouge dans tous les manuels scolaires, réclame Henri Guillemin.
Ce dernier rappelle la pratique des bourgeois d’alors, citant une maxime due à Voltaire : « un pays bien organisé est celui où le petit nombre fait travailler le grand nombre, est nourri par lui, et le gouverne ». lien
Un seul homme, membre de la constituante, n’était pas d’accord avec ça, un petit avocat d’Arras, Maximilien Robespierre, fan de Jean-Jacques Rousseau.
C’est ce même Robespierre, alors qu’il briguait une place au Tiers Etat, écrira en 1788 dans un tract : « la plus grande partie de nos concitoyens est réduite par l’indigence, suprême degré d’abaissement où l’homme uniquement occupé de survivre est incapable de réfléchir aux causes de sa misère et aux droits que la nature lui a donné », évoquant même « l’hypocrisie » à propos de la « déclaration des droits de l’homme », au sujet de la phrase bien connue : « tous les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits ».
Il ne serait pas surprenant qu’un certain Jean-Luc Mélenchon reprenne bientôt la phrase de Robespierre, lors d’un meeting, tant les situations sont comparables.
Robespierre ne voit pas où est l’égalité, puisque l’assemblée a différencié les citoyens actifs, des citoyens passifs ?
Libres ? s’interroge-t-il au moment où dans nos colonies d’alors, il y avait encore de l’esclavage.
Et quid, ajoute-t-il, de cette liberté puisque vous interdisez aux ouvriers de défendre leurs droits ?
Robespierre finira par déclarer : « vous voulez séparer la nation en 2 classes dont l’une ne sera armée que pour contenir l’autre, c’est donc aux classes fortunées que vous voulez transférer la puissance ».
Il était détesté pour oser proférer régulièrement ces évidences, et Mirabeau, qui voulait passer pour « l’ami du peuple », était considéré par Robespierre comme un vendu, arguant qu’il avait reçu des mains du roi, l’équivalent de 800 000 euros, ainsi qu’une rente de 20 000 euros tous les mois, pour continuer à pousser ses coups de gueule, faisant croire qu’il était à gauche, mais votant toujours pour la conservation des intérêts des nantis.
Mirabeau était conscient du danger que représentait Robespierre, tentant de le dénigrer par tous les moyens, disant par exemple que ce dernier s’exprimant à la tribune lui faisait penser à « un chat qui aurait bu du vinaigre ».
Robespierre constatant que la révolution de 1789 n’avait pas donné le résultat escompté, arrivera à convaincre ses pairs de l’assemblée constituante de ne pas se présenter à la législative, laissant ainsi le pouvoir aux bourgeois, qui prendront le nom de Girondins.
Ces Girondins une fois élus vont déclarer la guerre à l’Autriche et à la Prusse, non pas pour des raisons patriotiques et révolutionnaires, comme certains historiens ont bien voulu l’affirmer, mais pour remplir les caisses de l’état, qui restaient désespérément vides.
Guillemin qualifiera cette guerre de « guerre de rapines », et en apportera les preuves, citant Narbonne, ministre de la guerre, qui n’hésitait pas à déclarer à la tribune : « il faut faire la guerre, le sort des créanciers de l’état en dépend » ou Brissot : « la guerre est indispensable à nos finances et à la tranquillité intérieure ».
Robespierre, évoquant un reniement, rappelant que le gouvernement avait acté à l’unanimité de ne plus jamais conduire de guerres d’agression, leur fera remarquer que l’armée, dans son état, n’est pas en mesure d’être efficace, privée de la plus grande partie de ses officiers, lesquels se sont exilés, et il prévient que cette guerre risque l’échec, ajoutant qu’en cas de succès, cette armée ayant à sa tête Lafayette, dont on se souvient qu’il avait fait tirer sur la foule aux Tuileries, pourrait très bien retourner son fusil, aidé par les exilés, contre son propre peuple.
La suite donnera raison à Robespierre, des régiments de dragons changèrent de camp, et si Prussiens et Autrichiens ne déboulèrent pas tout de suite sur le sol français, c’est qu’ils étaient encore occupés du coté de la Pologne.
Ils envoyèrent tout de même un avertissement au gouvernement français, les menaçant s’ils touchaient à un moindre cheveu du souverain, et de sa reine…d’origine autrichienne comme on sait.
Sauf que la menace eut l’effet inverse.
La population des parisiens en colère se rendit aux Tuileries, le roi est déchu et Robespierre fit voter immédiatement le suffrage universel.
Il sera le premier à utiliser les 3 mots : « liberté, égalité, fraternité ». lien
C’était le 10 aout 1792.
Et ce jour là, ce fut la véritable révolution, et non le 14 juillet 1789, martèle Henri Guillemin.
Et comme le dit ce dernier, madame de Staël ne s’y trompa pas, écrivant : « dès lors, la révolution changea d’objet, les gens de la classe ouvrière, s’imaginèrent que le joug de la disparité des fortunes allait cesser de peser sur eux ».
Plus de 2 siècles après, comment ne pas s’interroger ?
Lors de son passage récent à Médiapart, Jean-Luc Mélenchon, a fait montre de lucidité en choisissant, tout comme Maximilien Robespierre, de ne pas servir de caution à la politique menée aujourd’hui par le gouvernement socialiste, à moins d’en être le premier ministre, afin d’appliquer un vrai programme de gauche, celui promis par Hollande. lien
A l’évidence le clivage est là, et le rassemblement du 5 mai 2013 en fera une démonstration supplémentaire. lien
Car, comme dit mon vieil ami africain : « pour être libre, il faut être informé »
L’image illustrant l’article provient de « argoul.com »
Merci aux internautes de leur aide précieuse, et surtout merci à Henri Guillemin.
Olivier Cabanel
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