samedi 26 avril - par Laurent Herblay

Bayrou sur la production : bon constat et angles morts

La semaine dernière, le Premier ministre a affirmé que « nous ne produisons pas assez ». Un constat que l’on aimerait entendre davantage, tant il est au cœur du problème économique de notre pays, dont le déficit commercial n’a cessé d’augmenter depuis 20 ans, malgré les améliorations illusoires de 2023 et 2024. Mais François Bayrou ne tire pas les conséquences de l’échec des politiques de l’offre…

Bayrou sur la production : bon constat et angles morts

 

Réalisme sur les conséquences, myopie sur les causes

Pour une fois, le Premier ministre a raison : notre pays ne produit pas assez. L’ampleur du déficit commercial, qui n’a cessé de progresser jusqu’à atteindre un record en 2022, et dont le recul des deux dernières années est avant tout conjoncturel, en est le témoin. Notre pays, qui était en excédent, avant l’euro, a maintenant un déficit commercial considérable, signe que « nous ne produisons pas assez  ». Et il a bien raison de souligner que « si notre production par habitant était dans la même gamme que celle de nos voisins européens, nous n’aurions pas de déficit budgétaire  ». Ce faisant, il pointe une vérité trop peu rappelée dans les débats sur les déficits publics : si notre commerce était équilibré, le budget de la Sécurité Sociale serait en excédent et le budget se porterait bien mieux. Quand on y ajoute la désertion fiscale massive, on comprend que la source de nos déséquilibres financiers n’est pas notre modèle social. 

Et c’est là que François Bayrou fait complètement fausse route quand il dit, sans même sembler se rendre compte de la contradiction, que « l’excès de dépenses publiques ne fait pas le bonheur  ». Cette affirmation est doublement fausse : d’abord, le poids de nos dépenses publiques n’est pas si élevé si l’on compare à périmètre équivalent (nous avons gardé un service public plus étendu que les autres pays). On peut ajouter que les services publics ont déjà beaucoup reculé, que le système de santé manque cruellement d’argent, que les retraités ont déjà perdu 10% de pouvoir d’achat, et les chômeurs ont subi de nombreuses coupes de leurs droits… Mais surtout, un poids prétendu excessif se mesure par rapport à la production nationale. Si la production est trop faible, alors, le problème peut venir du dénominateur, trop petit, et pas du numérateur… Le problème de fond, c’est d’abord un manque de ressources. 

Mais ce que montre aussi ce constat d’une production trop faible, c’est la faillite totale, et extraordinairement coûteuse des politiques de l’offre depuis la commission Attali. Si le Premier ministre n’a pas tort de dire que « la politique de retour de la production et de réindustrialisation (…) doit devenir une obsession pour notre nation  », on peut lui rappeler que cela a déjà été dit par Sarkozy, Hollande et Macron, qui ont massivement déconstruit le droit du travail, et offert plus de 100 milliards de baisse de charges et taxes par an au patronat pour cet objectif depuis plus de 15 ans. Ces politiques ont été des échecs complets. Dans l’UE, ouverte à tous les vents mauvais de la globalisation, et orchestrant une course sans fin au moins disant social dans un espace comprenant parasites fiscaux et concurrence sociale déloyale, notre pays est forcément perdant sans protection de notre marché, de nos producteurs et nos emplois… 

Pour en sortir, il faut mettre en place un protectionnisme ciblé. Pas besoin d’être brutal et erratique comme Donald Trump pour être efficace. Il est également essentiel de protéger nos marchés publics : il est aberrant d’équiper des polices municipales de Tesla… Il faut arrêter de laisser partir des entreprises rachetées par des entreprises étasuniennes ou chinoises, qui finissent toujours par délocaliser leur production et la valeur ajoutée... Et enfin, il faut mettre fin à la désertion fiscale des multinationales et des plus riches, qui privent notre pays de dizaines de milliards de ressources qui permettraient de financer comme il le faut la santé, l’éducation et notre sécurité. Bref, l’inverse des politiques menées depuis si longtemps et que François Bayrou propose de poursuivre. C’est toute la nocivité de ce bloc central que de prendre un constat juste pour justifier la poursuite de politiques qui échouent pourtant depuis longtemps… 

Oui, la France ne produit pas assez. Et nous manquons donc de travail à offrir aux Français. Mais l’austérité et la poursuite de la déconstruction de nos droits sociaux n’apporteront aucun progrès, au contraire, comme nous le voyons très clairement depuis la commission Attali. C’est un renversement complet des politiques économiques menées depuis qui doit être conduit. Cela ne sera pas fait par le bloc central.



9 réactions


  • Jean Keim Jean Keim 27 avril 07:20

    Pourquoi devrions-nous rester toujours coincé à l’intérieur d’un même modèle de société ?

    Notre civilisation fait la par belle à l’argent-fric, seulement l’individualisme et son égocentrisme font que c’est la compétition à outrance pour obtenir plus, toujours plus pour une minorité et donc la portion congrue pour les autres qui sont en fait ceux qui produisent.

    Pourquoi ne pourrions nous pas partager et le travail, et ce qu’il produit... ?


  • LeMerou 27 avril 07:52

    @Laurent Herblay

    Bonjour, 

    « le Premier ministre a affirmé que « nous ne produisons pas assez ». Un constat que l’on aimerait entendre davantage »

    C’est une rengaine cyclique, usité, éculée, dont les « Elites » se gargarisent, pensant avoir trouvés dans ces mots la solution devant le constat que le Pays s’endette progressivement de plus en plus.

    Le Pays ne produit pas assez, sous-entendu bien sûr, que le salarié ne travaille pas assez, engendrant de ce fait une baisse des recettes du Pays.

    Ainsi ils sont intiment convaincus, que le Pays s’appauvri financièrement par la « fainéantise » de ses citoyens, nul doute que leur conviction est basé sur leur propre expérience, effectivement batifoler dans des couloirs, rester assis de longues heures, sur du velours rouges, sans compter les déjeuner interminables, les réunions, les meetings au travers le Pays sont une tache épuisante.

    Eux, « élus de la Nation » se donnant corps et âmes pour le Pays, ne comprennent pas que les Français dont ils ne connaissent rien à la finale, n’aient pas la même ardeur, le même dévouement, abnégation s’en ait indécent.

    C’est parfaitement indécent j’en convient, car schématiquement, nous avons d’un coté environ 600 personnes, des « élites » dont la compétence ne peut être mise en doute, du fait de leur statut, des corps associés qui dilapident de l’argent et de l’autre 68 millions de personnes qui par des impôts, taxes et autres leur en donne quotidiennement.

    L’Argent leur brûle les doigts, nos élites ne savent même pas exactement combien il en rentre, ou des années plus tard, lorsqu’ils ne sont plus en « responsabilité ».

    Les Français ne produisent pas assez !

    C’est vrai qu’eux mènant plusieurs taches à la fois, accumulant des « responsabilités » alors que le salarié n’en a qu’une.... les surprends toujours....

    C’est vrai qu’après avoir progressivement désindustrialisé le Pays pour la mondialisation heureuse qu’ils ont tant vantés, d’avoir orienté la France vers son destin nouveau d’être une société de biens et de services, d’avoir augmenter drastiquement l’administration et les normes pour gérer l’ensemble, de nous avoir contraint qu’être dans une Europe bienveillante serait notre avenir radieux.

    Mais la production, le nombre d’emploi ont forcément diminués et les recettes avec.

    Là ou toute l’incroyable hypocrisie politique va éclaté au grand jour, car finalement ce ne sont pas nos « élites » qui dépensent, mais le peuple qui coûte, par ses demandes incessantes, ses appels constant à l’état, justifiés ou pas d’ailleurs.

    Ainsi, le peuple dépense sans compter. La France s’est endettée uniquement de la faute de son peuple, nos « élites » ayant le coeur sur la main, l’âme charitable, le souci impérieux de notre bien être n’a fait que répondre. 

    C’est nous les fautifs, donc nous allons devoir « casquer » (pas toutes les catégories sociales, ne vous inquiétez pas) et pas qu’un peu. Mais tout cela en étant presque magnanime, les impôts n’augmenterons pas. 

    Le Monde nous envie en fait, nous sommes un modèle, il reste stupéfait devant nos politiciens véritables magiciens de la finance à défaut d’être des Mozart. La France va rembourser sa dette abyssale, sans augmenter les impôts.. Du jour au lendemain, elle va cesser de dépenser pour thésauriser de nouveau.... Elle va réindustrialiser à marche forcée, les bons Gaulois ne saurons plus ou donner de la tête, tellement l’emploi sera considérable....

    Bref, ne cherchons plus, nous ne produisons pas assez, nous ne travaillons pas assez longtemps non plus. L’emploi se fait rare, mais il faut faire travailler les « vieux » plus longtemps, pendant que les « jeunes » attendent....leur place, enfin pas forcément...ou pas dans les mêmes conditions, car n’ayant encore rien, ils n’ont rien à perdre.....S’offrant à eux le choix d’être à charge. C’est la fraternité..... 

    Mais, car il y a un mais... des élections approchent, un fait est connu dans le monde « politique », le Gaulois à non seulement la mémoire courte, mais est résilient paraît-il, c’est vrai que l’effort du travail du Gaulois le fait maigrir, alors qu’en politique c’est l’inverse. Le travail intellectuel fait grossir, vous ne le saviez pas, les neurones usés par l’incompétence descendent vicieusement vers la bedaine....

    Leur problème est que le « numérique » peut éventuellement restaurer sa mémoire, fort heureusement, ils ont leur relais médiatique, ce fameux quatrième pouvoir, qui moyennant subsides les secondes dans leur taches ardues. 

    Bon ils ont aussi « tué » leur ennemi favori, mais si, le « pro-russe », l’extrémiste, le raciste, etc. bref le facilitateur électoral, il va falloir en trouver un autre....



    • JulietFox 28 avril 10:52

      @LeMerou
      Oh que je plussoie.
      Durant ma carrière, dans la mécanique générale, j’ai toujours entendu cela.
      -On est trop cher
      Par contre lorsque les 39 heures sont arrivées, en un coup de pouce, la productivité est redevenue la même.
      Puis les machines à commandes numériques apparues dès 1978, ont fait que quand les 35 heures ont été appliquées, en 3 mois la productivité a été la même.
      Mais les suppressions de postes -pour ne pas dire les licenciements sont tombées comme à Gravelotte.
      Alors je ne vous dit pas avec l’ Hi Ha, ce que ça va donner.
      La mondialisation heureuse nous serinait’ on. On voit ce que cela donne.
      Relocaliser ? Quoi d’abord ?
      Avec l’essor de la voiture électrique -tant vanté par nos écolos bobos ce sont des pans entiers de l’automobile qui s’effondrent. On ferme les fonderies, les usines de pompes à injections etc...etc... mais si nos crânes d’oeufs avaient anticipé. Les gens qui vont se retrouver chômeurs, on va les recaser où ?
      Ah si, fabriquer des obus, des munitions de toutes sortes,des Rafales. C’est très porteur en ce moment.
      C’est facile pour ces Messieurs d’en haut. Travaillez plus fainéants que vous êtes, alors qu’eux dans les ors de la République, se gavent de prébendes.


    • chantecler chantecler 29 avril 11:36

      @LeMerou
      Trop d’offres, pas assez de demandes .
      Pour demander , cad pour acheter, faut avoir des sous !

      Et les sous , ben ils sont partis ailleurs !

      L’Ukraine nous remercie beaucoup bien que prétendant que ce n’est pas assez !

      « peuvent faire mieux » !

      Il nous reste à accueillir ceux qui quittent leur pays ... !

      Les industries pharmaceutiques ,militaires ,les gafas avec la téléphonie , ’ça marche«  ! .

      Mais pas un triomphe !

      Les »services" , le tertiaire commence à saturer :

      Nos médias malgré la pub : gros coup de mou !

      Sans production, sans secondaire , difficile d’ alimenter et de faire fonctionner un pays !

      Les politiciens s’en tirent bien : ils sont tellement utiles et cohérents ...

      Cela dit je me demande comment tout ça va se terminer ... !


  • Seth 27 avril 18:51

    Il y a une chose évidente : on produit très bien les coups de verge ( smiley) à Bétharram avec son approbation.

    Mais quel con ce mec ! Comment ose-t-il encore parler sans rougir ? Ferait mieux d’aller se confesser dans la secte des béatitudes et de prendre la bure, au moins il arrêterait de nous faire ièche !

    Eh le raybou, nik ta reum et va mourir eh ziva !


  • https://x.com/FredGaulois/status/1916177619445338375

    Les français vont ils enfin comprendre que la hausse du prix de l’électricité est voulue, EDF a sciemment baissé sa production, mécaniquement ça a provoqué une hausse des prix. Ecoutez l’ex patronne d’Areva pour le comprendre. « si on produit moins, vous produisez plus cher, ca fait monter les factures, c’est bon pour EDF, EDF a fait 11,4 milliards d’€ de bénéfices nets. »  : « c’est de l’escroquerie pour les français, c’est de l’escroquerie de grand chemin ». Lauvergeon : « c’est un réglage contre nos intérêts collectifs »

  • lecoindubonsens lecoindubonsens 28 avril 11:30

    3 equilibres de base à respecter,

    1. balance commerciale : que l’on ne puisse produire certaines choses (exemple le pétrole), c’est incontournable, donc il faut produire et vendre autre chose (par exemple du luxe et des avions) pour compenser (bilan nul en valeur)
      Hors notre balance commerciale est déficitaire depuis plusieurs décennies, donc OUI il faut produire et vendre plus
    2. l’état, comme tout un chacun, ne doit pas dépenser plus qu’il ne reçoit. Un débat sur un déficit à 6, 5, 4, ou 3% n’a pas de sens. Déficit zéro, équilibre impératif entre entrées et sorties.
    3. les français ne doivent pas vendre les bijoux de famille, c’est à dire vendre les entreprises, ou autres biens, à des étrangers plus qu’ils n’en achètent à l’étranger. Sinon, c’est vendre le passé de nos ancêtres et l’avenir de nos enfants. Pas sympa !


    seulement du bon sens !

    pourquoi les décideurs, et bon nombre de français ne le comprennent pas ?


    Autre chose à comprendre dans le débat « pour l’état, recettes supplémentaires ou économies » ?

    = réduire les retraites n’est pas une économie, cela revient à une hausse des impots pour les retraités !

    = une économie, c’est avoir le même résultat de manière plus efficace (inutile de déplacer 3 policiers pour une convocation, 3 techniciens pour un simple constat, de faire étudier le dossier du rond point par x instances communale, departementale, regionale, etat, agglo ...etc.


  • Plus robert que Redford 28 avril 13:58

    L’Espagne est en black-out total depuis 12h30 !

    le Portugal aussi

    Les Landes en France semblent touchées de même !

    J’ai fait un petit zapping sur les chaînes d’info de 💩 (BFMWC, LCI, FRNCE INFO…). Pas un mot
    BFM ouvre sur le procès des arnaqueurs de Kim Kardachian… enchaîne sur le futur pape puis sur la trêve accordée par Vladimir Vladimirovitch…

    La coupure du réseau a l’échelle d’un pays entier est quand même un événement d’une importance capitale, pays voisin qui plus est.

    mais non !


  • Parrhesia Parrhesia 29 avril 20:48

    Et qu’affirmerait le premier ministre si, d’aventure, un vrai professionnel du commerce international venait à lui parler d’un retour à une protection douanière nationale similaire dans l’esprit à celle du gaullisme des années soixante.

    Car, ne nous y trompons pas, cela reste toujours la meilleure solution sinon la seule, contre la dérégulation ultra-libérale et les mille-et-une pratiques de concurrence déloyale dont l’ancienneté et l’efficacité sont aussi anciennes et impressionnantes que la concurrence déloyale elle-même... et la trahison  !


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