vendredi 31 octobre 2008 - par Jean-Pierre MARC

Crise économique et crise financière : essayons de comprendre !

Nous sommes abreuvés des causes et autres effets des crises alors que nos gouvernants jonglent avec les milliards d’euros ou de dollars. Les choses vont si vite au point que l’on oublie de nous expliquer ce qui nous arrive, son origine et surtout les effets probables sur les acteurs économiques que nous sommes tous.

Crise, vous avez dit crise ?
Tout d’abord qu’est-ce qu’une crise ?
Il faut ici bien distinguer deux choses différentes quoique souvent (mais pas toujours) liées :

la crise financière que l’on appellera parfois aussi « krach boursier » qui affecte les marchés financiers (marché des actions et des obligations, en clair la bourse), et/ou les banques et/ou les Etats (lorsque ceux-ci sont surendettés, par exemple). Elles sont assez nombreuses dans l’histoire récente et d’ampleur inégale. Les crises financières les plus graves sont porteuses d’un risque systémique, c’est-à-dire qu’elles peuvent affecter par ricochet leur environnement et se traduire par une crise économique ;

la crise économique que nous redoutons actuellement est beaucoup plus lourde de conséquences puisqu’elle peut affecter l’ensemble des acteurs économiques, les ménages, les consommateurs, les entreprises, les administrations publiques et pas seulement les épargnants, les prêteurs et les emprunteurs. La crise économique se traduit généralement par une baisse du pouvoir d’achat, la montée du chômage et des faillites du fait d’une baisse de l’activité économique (récession, voire dépression). Heureusement, elles sont moins nombreuses que les crises financières, mais leurs conséquences sont plus lourdes et particulièrement sur les acteurs économiques les plus fragiles.

La question à se poser est donc de savoir sous quelle forme de crise économique va se transformer la crise financière, mais auparavant revenons sur l’origine de la crise financière.

Pourquoi une telle crise financière ?
Les mécanismes économiques et notamment financiers sont souvent présentés comme complexes et il est souvent difficile de s’y repérer. Pour autant, tout un chacun a le droit à des explications à la portée du plus grand nombre et c’est ce que nous allons essayer de faire.

Disons tout d’abord que les marchés financiers sont le lieu où ceux qui ont de l’argent (les épargnants, leurs banques en fait) le mettent à disposition de ceux qui en ont besoin (les entreprises, les collectivités locales, les particuliers emprunteurs pour une maison, une voiture ou autre).
Tout ceci se passe bien lorsque les règles du « jeu » sont respectées et que notamment les emprunteurs remboursent régulièrement ce qu’ils doivent à leurs prêteurs.

Par contre, lorsque les emprunteurs ne peuvent plus rembourser leurs prêteurs (les banques généralement), la machine se grippe et les prêteurs ne peuvent plus prêter à d’autres qui ne peuvent plus acheter des produits à des entreprises qui ne vendent plus et donc licencient, etc.

C’est ce qui nous arrive actuellement parce qu’une grande masse d’emprunteurs américains ne peuvent plus rembourser les prêts qui leur avaient été consentis pour le moins imprudemment par des banques américaines. Imprudemment car il semble que, pour atténuer la crise financière provoquée par le drame du World Trade Center, les autorités monétaires américaines aient ouvert les vannes du crédit aux particuliers - l’idée de départ était de permettre aux plus défavorisés d’acheter leur logement - de manière importante au risque que les emprunteurs ne puissent plus payer. C’est ce qui s’est passé lorsque le coût des remboursements des prêts consentis à taux variables se sont mis à exploser sous l’effet de la hausse des taux…

Tout cela n’est-il pas contrôlé direz-vous ?
Si bien sûr il y a des règles de prudence (dites prudentielles) imposées aux banques par les accords de Bâle avec des ratios de solvabilité à respecter (le ratio Cooke remplacé par le ratio MacDonough notamment), mais la difficulté consiste en la définition même des risques et des clients à risque. En tout état de cause ce qui est arrivé démontre une insuffisance de la gestion et de la surveillance des banques en la matière (la fameuse gouvernance financière).

Enfin, c’est l’imbrication des systèmes financiers internationaux (exemple : les fonds de pension américains alimentés par les cotisations de retraite financent des entreprises européennes, mais, si les Américains rapatrient leurs fonds de pension, cela implique un manque de liquidités pour les entreprises concernées !)


Quels effets peut-on craindre de la transformation de la crise financière en crise économique ?
La science économique sait bien analyser les crises… a posteriori. Ainsi, la crise fait partie du paysage économique et les théoriciens parlent même de cycles économiques longs ou courts aux caractéristiques suivantes :

- la phase ascendante (croissance et relative prospérité économique) ;

- la crise (engendrée par une crise financière, un choc externe, de l’inflation, etc.) ;

- la phase descendante (stagnation de la croissance, récession voire dépression, chômage, faillites) ;

- la reprise (la croissance repart et avec elle l’emploi, les salaires le pouvoir d’achat, etc.).
Si donc ces phases sont bien connues bien malin est celui qui pourra en donner la durée et surtout l’ampleur.

Ce que l’on sait néanmoins, c’est que nous sommes dans une crise financière majeure qui aura des effets importants sur l’économie réelle (toute l’économie sauf la finance et la bourse) qui ont déjà commencé dans le secteur du bâtiment, de l’immobilier et de l’intérim. Ces effets touchent malheureusement plus fortement les plus fragiles économiquement (les faibles revenus, les emplois précaires, les chômeurs, etc.)

Cependant, les effets de la crise économique peuvent être plus ou moins atténués par la politique des pouvoirs publics. En effet, ces derniers connaissent bien ces phénomènes de crises et ont à leur disposition des instruments pour en limiter les effets.
 
Comment atténuer les effets de la crise économique ?

Les observateurs s’accordent pour dire qu’en réinjectant, en réalité en avançant, massivement des liquidités (ces milliards dont on n’arrêtait pas de nous rebattre les oreilles) dans le système financier ce dernier est remis sur pied. Il reste néanmoins que les problèmes structurels de gouvernance et de contrôle ne sont pas encore résolus.

Pour la crise économique, ce qui est appelé une policy mix (ou politique mixte), les pouvoirs publics disposent de deux éléments majeurs pour lutter contre les effets d’une crise à savoir :

- la politique monétaire,

- la politique budgétaire.
Ces deux éléments leur permettent d’engager des politiques contracycliques (de lutte contre les cycles) en fonction des circonstances.

La politique monétaire qui consiste à jouer sur les taux d’intérêts est intéressante pour juguler l’inflation et elle pourra accompagner une relance par des taux d’intérêt faibles. Nous ne maîtrisons que très peu la fixation des taux d’intérêt car ces derniers sont fixés désormais par la Banque centrale européenne, gardienne d’une inflation maîtrisée et d’un taux de change adapté. Il ne faut pas s’en plaindre bien au contraire car on imagine les risques de dévaluation que nous aurions pu connaître sans l’euro.

La politique budgétaire
peut permettre, dans un tel contexte, de relancer l’économie. Comment ? Soit par les achats et les investissements directs de l’Etat et du secteur public soit par des baisses d’impôts ciblées sur les contribuables les plus modestes ou de charges sur les entreprises ou encore par la majoration des revenus distribués (minima sociaux, par exemple).

C’est là que notre faiblesse française apparaît au grand jour car nous n’avons pas de marges de manœuvre pour une politique budgétaire offensive.

Ainsi nos quelque 40 milliards de déficit budgétaire risquent de peser très lourd.
Imaginons un instant que nos finances publiques aient été équilibrées nous aurions pu temporairement injecter une trentaine de milliards de fonds publics dans l’économie réelle. Que de logements sociaux n’aurait-on pas pu construire avec tout ou partie de cet argent ? Cela aurait permis par ailleurs de soutenir le secteur du bâtiment et des travaux publics souvent le plus touché par le chômage durant les crises…

Alors bien sûr des dépenses seront faites parce qu’elles seront indispensables pour limiter les effets de la crise, mais elles viendront se rajouter au déficit qui est déjà passé à plus de 50 milliards d’euros. Au final, on n’aura pas suffisamment atténué les répercussions de la crise et surtout on aura encore un peu plus creusé le déficit qui générera encore plus d’intérêts à rembourser et surtout qui obérera nos capacités futures à lutter contre une autre crise.

La priorité avant la crise aurait dû être la réduction des déficits dans lesquels les gouvernants de ces vingt-cinq dernières années sont tous plus ou moins responsables ! Maintenant, nous nous trouvons bien dépourvus.
Cette priorité devra revenir de manière encore plus impérieuse lors des périodes moins néfastes.
En attendant, souhaitons que les effets réels soient les plus atténués possibles et que les dépenses publiques qui seront engagées pour y faire face bénéficient aux plus fragiles.

Jean-Pierre MARC



5 réactions


  • frédéric lyon 31 octobre 2008 16:58

    Bon article.

    Je relève cependant une inexactitude :

    "car il semble que pour atténuer la crise financière provoquée par le drame du world trade center les autorités monétaires américaines aient ouvert les vannes du crédit aux particuliers - l’idée de départ était de permettre aux plus défavorisés d’acheter leur logement "

    .....................


    A ma connaissance ces crédits hypothécaires destinés aux ménages les plus pauvres ont été inventés par l’Administration Johnson, bien avant le 11 Septembre.

    Quant aux politiques Keynésiennes de relance par le déficit public, il faut commencer par préciser qu’elle ne sont éventuellement effectives que lorsqu’on peut ACCROITRE le Déficit Public.

    Car, en bonne théorie Keynésienne, c’est L’ACCROISSEMENT du déficit qui entraine la reprise, sous l’effet du fameux "coefficient multiplicateur" Keynésien.

    Il est donc exclu de recourir à ce genre de mesure dans les pays où le déficit est déja si élevé, qu’on ne sait même pas comment nos petits-enfants pourront rembourser la Dette Publique que l’on a accumulé pour financer ce déficit.


  • Croa Croa 1er novembre 2008 00:06

    	 	 	 	

    Tout ça est très économiquement et politiquement correct !

    Pour comprendre il y a mieux (Ce ne sont les bases mais c’est par là qu’il faut commencer !) :

    "L’argent dette" de Paul Grignon

    La crise économique cette foi avait précédée l’autre ! Dans tous les cas, avant, après, cela dépend des mécanismes mis en oeuvres et aussi des rapports de forces.

    « les prêts qui leur avaient été consentis pour le moins imprudemment  » : Doux euphémisme car il s’agissait d’une arnaque ! Les banques auraient du se payer, comme prévu, par saisie d’un bien censé prendre indéfiniment de la valeur. Bref, il s’agissait d’une forme de spéculation comme il en existe plein d’autres. Une énorme bulle avait gonflée parce que trop d’argent avait été mis sur le marché. Les prix de l’immobilier et des valeurs boursières avaient atteint des sommets. Cela ne pouvait que crever et tout le monde le savait. En 2008 c’est le prix du petit immobilier américain qui a décroché comme le ferait un avion piloté par un imbécile qui voudrait le faire grimper plus vite que ne le permet son moteur. (Je m’attendais plutôt à l’arrivée d’une crise par un décrochage des LBO.) En 29 l’industrie avait saturé ses marchés... En fait peu importe l’élément déclencheur, une bulle est toujours faite pour crever !

    La crise déclenchée, les responsables se mettent à attendre des jours meilleurs. Cela entraîne un coup de frein exagéré des mauvaises pratiques précédentes vue qu’elles ne rapportent plus. C’est cela qui peut avoir des conséquences sur l’économie réelle.

    Je ne crois pas, hélas, que les politiques voudront bien faire quelque chose pour atténuer les effets collatéraux de la crise financière. Idéalement pas de problème car le potentiel économique réel est intact. En pratique les pauvres seront sacrifiés comme d’habitude parce que le régime est ploutocratique. (Et nullement démocratique, nos élus étant tous des fantoches voire des complices déclarés du vrai pouvoir.)


  • Tzecoatl Tzecoatl 3 novembre 2008 06:06

    L’activité cyclique de l’économie permet de régénérer les comportements et les réflexions, les interrogations et les solutions.

    Alors, une petite crise de temps en temps, peut être le signe avant-coureur d’une nouvelle euphorie, ou pas.


  • David C. 5 novembre 2008 23:47

     

    L’économiste Jean-Luc Gréau dans un interview donner au Nouvel Obs du 30 octobre, dénonce le Faux Nouveau Bretton Woods de la City.

    Pour aiguiser vos convictions politiques et économique afin de rentrer dans la bataille, je vous propose la lecture du dernier tract de solidarité et Progrès, L’indispensable rupture avec l’empire financier, par Jacques Cheminade :

    « L’avantage des crises est qu’elles changent les règles du jeu. Il dépend de nous que ce ne soit pas pour le pire, mais pour le meilleur. »

    La France doit peser sur le G20, et nous, citoyens, devons tout faire pour influencer nos élites.

    La révolution passera par une réforme profonde du système monétaire et financier international, et non par de vaines révoltes violentes.

    David C.
    david.cabas.over-blog.fr
    [email protected]



    "N.O. Que peut-on attendre d’un nouveau Bretton Woods ? Quels rôles peuvent jouer les pays émergents ?
    J.-L. Gréau. - De deux choses l’une. Ou bien le nouveau Bretton Woods s’inscrit dans la lignée du précédent, qui tendait à stabiliser le monde du point de vue économique, monétaire et financier pour favoriser la prospérité, l’emploi et le progrès matériel, intellectuel et moral des populations. Ou bien il procède d’une tentative de soumettre, plus encore que ce n’était le cas au moment où la crise a surgi, les entreprises et les populations aux exigences maintenues des opérateurs financiers préalablement sauvés par les Etats. Les pays émergents ont un rôle à jouer dans la mesure où ils favoriseront la naissance de ce monde multipolaire, plus équilibré et plus stable, dont nous avons besoin. »

    Face à la situation historique et révolutionnaire que nous sommes entrain de vivre, il ne faut pas céder à la tentation de certains agitateurs qui pensent que du chaos naitra une plus belle société. Du Chaos sortira qu’une autre loi de la jungle ou le plus faible sera toujours le perdant.

    Nous devons aussi dire non au faux nouveau bretton woods proposé par Gordon Brouwn et ses amis, qui essayent d’imposer brutalement un contrôle totale sur l’économie par la haute finance international de la City et Wall street.

    Nous devons au contraire nous mobiliser autour de la mise en faillite du système actuel.
    http://solidariteetprogres.org/IMG/pdf/TRACT_2008_11_03_NBW_1_.pdf

    L’enjeux du Nouveau Breton woods est sur la table !


  • benevole 25 janvier 2010 05:05

    Un article à jeter au panier à ordures !
    Expliquer la crise financière sans un mot à propos des crédits dérivés qui en sont la cause unique est une manipulation de l’opinion et un attentat contre la vérité.
    A en croire l’auteur, les banques mettraient l’argent des épargnants à la disposition de ceux qui en ont besoin et elles n’auraient eu que le tort d’en prêter à des gens trop pauvres pour les rembourser.
    Quels mensonges ! Quelle affligeante condescendance pour les banques.
    Parler des contrôles existants alors que les Rubin, Summers et Greenspan ont tout mis en oeuvre pour obtenir de Clinton la dérégulation complète des services financiers en vue, justement, de pouvoir exploiter les crédits dérivés après pourtant que la faillite de LTFC en ait démontré la dangerosité est profondément choquant.
    Je recommande aux lecteurs d’oublier complètement cet article et de lire plutôt La face cachée des banques d’Eric Laurent..
    J’ajouterai enfin que les propriétaires américains expulsés pour non paiement remboursaient leur crédit jusqu’à ce que les taux variables (une invention des banquiers pour se faire plus de fric) ne les en empêchent.


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