Ferroviaire : la Cour des comptes vous demande de payer 13 milliards (de plus) !
Si vous suivez régulièrement mes billets, vous savez que j’essaye modestement de rétablir la "vérité des chiffres" du ferroviaire français entre la SNCF qui exprime régulièrement son autosatisfaction de gagner un peu d’argent, RFF qui fait dans l’extrême modestie pour déclarer ses pertes régulières et son endettement abyssal et vous-même contribuable qui financez sans le savoir ce gâchis monumental.
Un bref rappel ci-contre de manière visuellement frappante de ce qui s’est passé en 95/96 au moment où la SNCF frisait le dépôt de bilan. Les pouvoirs publics décidèrent à cette époque de reprendre à leur charge, c’est-à-dire à celle du contribuable, la totalité des dettes de la SNCF qui devint à partir de là le pur exploitant d’un réseau qui ne lui coûtait plus rien. Ils créèrent pour cela la SAAD, Service annexe de l’amortissement de la dette, une ligne du budget de la République que vous remboursez tous les ans et RFF, Réseaux ferrés de France, qui hérita de l’autre partie de la dette, et des missions de la gestion du réseau, de son entretien et de son développement (!). Un peu comme si on demandait à un scaphandrier de courir le 100 m. Il n’hérita pas par contre du personnel qui effectuait des travaux précédemment à la SNCF.
Autre spécificité : les redevances perçues pour services rendus entre les deux partenaires sont curieusement quasi identiques. La SNCF paye 2 856 milliards par an de péages à RFF, mais RFF paye 2 826 milliards par an à la SNCF pour la gestion des circulations et l’entretien du réseau. Elles sont fixées par l’Etat.
Résultat des courses. RFF perd tous les ans de l’argent et continue à s’endetter alors que l’Etat lui paye tous les ans deux subventions pour le remboursement de la dette et pour l’entretien du réseau. Son endettement est désormais de l’ordre de 42 milliards - une seule année de déficit budgétaire me direz-vous -, mais, surtout, elle n’a pas les moyens de développer le réseau au moment même où nos gouvernants ont pris la décision, suite au Grenelle de l’environnement, de construire 200 km de lignes de TGV supplémentaires. La SNCF va bien, merci pour elle, elle a réussi à refiler le mistigri de la charge de ses retraites au secteur privé moyennant une modeste contribution, a fait cette année des bénéfices, modestes également, mais dont les syndicats réclament l’équivalent en salaires.
Tout ceci est complètement absurde, vient de dire la Cour des comptes. Il faut assumer les responsabilités que l’Etat n’avait pas assumées en 97 et rembourser à RFF 13 milliards de ses dettes ! En rappelant que l’Allemagne en 94 avait pris en charge 35 milliards de dettes de la Deutsche Bahn.
Il faut aussi, dit-elle, clarifier les responsabilités entre la SNCF et RFF et donner à RFF les moyens de ses missions en lui transférant le personnel SNCF qui effectue finalement ses missions. Elle a fait le compte : ce sont 55 000 cheminots qui devraient ainsi devenir employés de RFF (avec le même statut, je les rassure) ou au sein d’une filiale indépendante.Voilà qui plaira à Bruxelles qui n’arrête pas de militer pour la séparation patrimoniale des réseaux des activités d’exploitations, mais qui va heurter les syndicats qui ont déjà appelé à la grève alors que je ne vois pas très bien quelle différence cela ferait pour les salariés.
Autre suggestion créer une Haute Autorité de régulation des activités ferroviaires dont je ne vois pas très bien pourquoi RFF ne pourrait pas tenir ce rôle.
Enfin donner la priorité aux choses indispensables comme le renouvellement du réseau, l’automatisation des aiguillages et l’industrialisation des opérations de maintenance sur les projets "bling-bling" comme les lignes TGV nouvelles dont la rentabilité économique est loin d’être prouvée.
Dernier point, réexaminer les fermetures potentielles des lignes les moins fréquentées.
Un programme très provocateur, mais parfaitement cohérent sur le plan industriel. Je vous en reparlerai.