Grand Emprunt : C’était bien un surcroit de dépenses....
Nos dirigeants avaient essayé de nous expliquer la différence entre le budget de l’Etat et son déficit traditionnel et le Grand Emprunt dont nous avions cru comprendre que c’était un budget d’investissement dans des infrastructures ou des programmes de développement pour préparer l’avenir du pays et pas des dépenses de fonctionnement supplémentaires à celles que l’on trouve habituellement dans le budget de fonctionnement de l’Etat. De manière à ce que le Grand Emprunt ne vienne pas rajouter des remboursement d’intérêt et de capital à ceux de la dette, il m’avait semblé que les projets à sélectionner devaient se rembourser eux mêmes en quelques années comme un projet industriel, voire aider à rembourser la dette qui colle le pays au sol
Les deux ex Premiers Ministres chargés de la sélection des programmes et de la définition des règles de fonctionnement de ce Grand Emprunt, Alain Juppé et Michel Rocard, viennent de rendre leur copie. Et là, surprise, je vois bien quelques dépenses appelées investissements, mais je ne vois pas grand chose qui, par leur nature, soit différent des programmes et des budgets que le Gouvernement établit et consomme tous les ans.
Le plus important de ces programmes est un programme de remise à niveau de nos universités pour les amener au niveau des meilleurs campus étrangers. Le tout pour la moitié du Grand Emprunt soit 16 milliards. Excusez mois, mais je ne vois rien dans ce programme qui soit de nature différente du programme d’amélioration des Universités et de la Recherche Académique qui a été inscrit dans le budget "normal" de l’Etat à la demande de Valérie Pecresse. Je ne vois pas non plus en quoi le remboursement des emprunts effectués pour ce programme sera différent de celui du programme Pecresse ci-dessus. Il viendra simplement s’ajouter à ce que l’on appelle le "service de la dette" qui est prévu au budget annuel et augmentera la déjà très lourde charge de ces remboursements.
Alors qu’à mon sens un investissement est un programme d’ordre matériel ou intellectuel qui doit très rapidement générer des revenus suffisant pour, en quelques années, permettre de rembourser la dette contractée pour le construire et générer ensuite un bénéfice annuel récurrent qui serait venu soulager la charge du paiement de la dette "normale".
Autre indication inquiétante sur la nature de ces programmes, le verbiage utilisé qui ne milite pas pour des programmes différents de ceux approuvés dans le cadre des budgets traditionnels et pas pour des programmes à retour sur investissement rapide. Les "favoriser l’émergence de...", "encourager la création de ...", "favoriser le développement de...", sont légions. En quoi est-ce différent des subventions classiques, je ne sais.
Par ailleurs ces créations de campus, de centre de recherche de ceci ou de cela, ne vont pas fonctionner sans personnel . Espérons que ce seront les chercheurs actuels réorientés vers ces développements nouveaux et pas de nouveaux postes de chercheurs qui viendront charger la mule de dépenses budgétaires. Au milieu de tout cela quelques programmes concrets, en petit nombre, comme "accélérer la rénovation thermique des logements anciens" ou "accélérer le passage au très haut débit" mais qui risquent de se traduire par des prêts bonifiés ou sans intérêts qui viendront encore charger le service de la dette.
La clé de la réussite du Grand Emprunt, parait-il, serait son comité de pilotage qui devrait s’assurer que l’argent emprunté ne vient pas se rajouter aux lignes traditionnelles du budget. On confiera un peu de l’argent emprunté aux Oseo, Adème, Caisse des Dépôts, on créera quelques agences supplémentaires, pour le numérique, pour les campus d’excellence etc et on chapeautera le tout d’un organisme présidé par le Premier Ministre et composé de parlementaires et de haut fonctionnaires. Toutes personnes incompétentes pour calculer un retour sur investissement, un DCF ou un Pay out (désolé mais je ne connais ces termes en français).
Bref, notre administration française à son meilleur niveau, qui va transformer une idée pas inintéressante mais risquée en pompe à fric pour les amateurs de beaux bureaux et de jetons de présence. Je souhaite me tromper mais tel que je lis le programme et ses objectifs dans la presse, je crains que ce ne soit qu’un "budget bis" avec un seul avantage, si la gouvernance en est bien contrôlée, c’est que l’argent n’aille qu’à et seulement à l’achat d’équipements ou de matériels.
A suivre mais en tous cas l’esprit est bien celui de se donner un surcroit de budget à dépenser et pas d’investir dans des programmes rentables. Il suffit de le savoir....