lundi 15 août 2011 - par Caleb Irri

Jusqu’où la crise peut-elle bien nous mener ?

Malgré les efforts que nos politiques déploient actuellement pour nous amadouer, la réponse qui sera apportée à la question que je me posais il y a peu ne fait aucun doute : les pauvres, une fois encore, devront payer. Malgré quelques annonces concernant de nouveaux impôts pour les riches ou la participation “volontaire” des banques aux frais de “gestion de crise”, il apparaît que ce qui nous attend maintenant fera passer le recul de l'âge légale de départ à la retraite pour une broutille : c'est désormais tout le système social français qui se prépare à être démantelé, et avec lui la solidarité envers les plus faibles, les acquis du Conseil National de la Résistance, enfin le contrat social dans son ensemble… En France, mais aussi partout en Europe.

Ce qui est étrange dans tout ça, c'est d'une part le silence des peuples, qui espèrent inconsciemment la remontée de la bourse et la perpétuation de ce système, et d'une autre la précision du timing, qui pousserait presque les mauvais esprits à croire que les mesures proposées ces derniers jours étaient déjà dans les cartons, n'attendant plus que les vacances pour apparaître au grand jour, dans le silence résigné des citoyens qui “ne comprennent rien à ces choses là”.

C'est qu'en quelques jours les choses se sont précipitées, et on nous a très vite sorti quelques mesures dont le fichier national des “profiteurs 'du bas'”, pour traquer les 2 et quelques pourcents de fraudeurs (il faudra payer combien pour mettre ce fichier en place ?), qui plus est accolé à un fichier de fraudes des entreprises (les petites hein, pas les grosses, légalement dans des paradis fiscaux) ; comme si les sacrifices qui seront réclamés au peuple devaient s'arrêter là…

Mais bien sûr tout cela n'est que poudre aux yeux : en réalité, c'est toute la solidarité, celle qui faisait il n'y a pas si longtemps encore la fierté de la France, qui s'apprête à disparaître dans le gouffre de la crise. Si on se penche un peu sur la proposition d'inscrire dans la Constitution la fameuse “règle d'or” économique empêchant les déficits futurs, on s'aperçoit qu'elle n'est rien de moins que l'arrêt de mort de l'Etat social, remettant en cause toutes les subventions accordées aux plus démunis (associations de bénévoles, réinsertion, prévention, aides sociales…) de manière définitive. Et si on ajoute à cela les dispositions imposées par la BCE à l'Espagne et l'Italie, on comprendra aisément que le pouvoir politique (ceux qu'on a élu !) ne contrôle plus grand chose…

Si on s'appuie sur ces éléments pour tenter d'appréhender les conséquences de la crise sur les populations, il apparait alors que les réformes en projet les toucheront directement dans leur vie quotidienne, et contribueront à l'énervement des liens sociaux, déjà fragilisés par une situation difficile : le climat social, en France comme ailleurs, risque alors de se tendre encore, et on ne saurait exclure totalement la possibilité d'une montée de la colère de la part des plus démunis.

Les “émeutes” en Angleterre ne seraient-elles pas d'ailleurs le symptôme d'une maladie pourtant bien connue, la misère ? La misère qui engendre la colère et la violence, comme on l'a vu déjà en Tunisie, en Egypte ou ailleurs, et qui parfois dégénère même en mouvement de révolte contre un gouvernement trop injuste… et souvent trop prompt à la répression.

C'est là qu'il s'agit de remettre les choses en perspective : car si les réformes prochaines exigées par le pouvoir financier sont effectivement mises en place par le pouvoir politique, alors il faudra s'attendre à la multiplication des violences comme à celle des “réactions” à ces violences, du fait même de la misère “logiquement” engendrée par ces réformes. C'est même à cette éventualité que nos gouvernants semblent aujourd'hui se préparer, comme on l'a vu ces derniers jours en Angleterre, et comme le prouve l'incroyable hypocrisie autour des réseaux sociaux dont « lemonde.fr » nous fait écho à travers deux articles publiés à trois jours d'intervalle (voir “ici“ et “ici“ ) : échaudés par les « révolutions arabes », internet (le seul média fédérateur susceptible de conduire à l'organisation unie d'un mouvement contestataire de grande ampleur) est la principale cible à laquelle s'attaqueront les gouvernants pour empêcher les révoltes de se transformer en révolution.

Cet exemple est également à mettre en relation avec les pourparlers actuels sur la « gouvernance européenne », car les tensions sociales qui s'ajouteront aux tensions économiques rendront certainement cette option inévitable : le « coup d'Etat » pour la prise de pouvoir de l'ensemble de l'Union européenne par le couple franco-allemand sera alors pleinement justifié, comme la fameuse « lettre ouverte » du président nous y préparait déjà il y a quelques semaines, réclamant dans celle-ci une sorte « d'union sacrée » destinée à mettre en place cette nouvelle gouvernance.

Peu à peu, on le voit bien, se dessinent les contours de cette nouvelle gouvernance (dont la crise se trouve finalement être l'élément “déclencheur”), qui fondée sur de telles bases ne laisse présager rien de bon. Car une fois cette nouvelle gouvernance engagée, il deviendra alors difficile de se séparer du joug qu'on nous aura imposé.

Si on imagine maintenant que ces mesures drastiques ne suffisent pas , on pourrait même envisager (pour les plus pessimistes) l'instauration d'une sorte « d'état d'urgence » destinée à « lutter contre les violences » qui ne manqueraient pas de se produire alors, ce qui nous conduirait à subir un régime qui n'aurait désormais plus rien à envier à ceux qui étaient encore il n'y a pas si longtemps (avant de devenir des tyrans sanguinaires) des amis fidèles…

Mais dans ce cas-là, qui les empêcheraient alors de réprimer leurs opposants ?

Caleb Irri

http://calebirri.unblog.fr



16 réactions


  • bigglop bigglop 15 août 2011 10:50

    Bonjour Caleb,
    Tu te poses beaucoup de questions sur l’avenir, comme nous tous.
    Il est essentiel d’avoir une vision mondiale et européenne sur la reconfiguration de l’UE qui se déroule.

    Rappelez-vous : le 2 avril dernier, le G20 était historique ! Le gratin mondial s’était réuni à Londres et allait prendre des mesures qui allaient non seulement sauver du krach imminent le monde mondialisé, mais aussi «  refonder le capitalisme ». Dans les faits, rien – absolument rien – n’a changé, et ce sont les mêmes fadaises, à peine remises à jour, que le « couple » Sarkozy-Merkel nous resservent aujourd’hui. En réalité, nos dirigeants ne sont jamais en rivalité avec les marchés financiers qu’ils feignent de dénoncer. Au contraire même, ils sont les meilleurs garants de leur succès.

    Selon les médias alignés, le quotidien Libération (propriété de la banque Rotschild) et Le Figaro (groupe Lagardère) en tête, Nicolas Sarkozy et Angela Merkel auraient mis « tout leur poids politique » derrière la Grèce, afin de la sauver de la défiance des marchés. Vraiment ?

    Comme nous l’avons déjà indiqué dans notre article du 10 janvier, c’est l’agence de notation Flitch Ratings, propriété du holding français Fimalac qui a été à l’origine du déclassement de la note Grecque au début du mois de décembre dernier. Ensuite la Deutsche Bank et la banque Goldman Sachs, ainsi que des hedges funds qui leur sont directement liés, ont pariés sur la baisse du prix des obligations émises par le trésor grec entre décembre 2009 et début février 2010 (source). Dans le même temps, ils se sont précipités sur les produits Credit Default Swap (voir notre article du 6 février), tout en vendant massivement des euros contre des dollars, ce a qui à entrainé une aggravation de la situation de la Grèce, qui ne pouvait plus trouver preneur pour sa dette sur les marchés à moins de 6 %.

    Mais la baisse de l’euro face au dollar bénéficie directement à l’économie française et allemande, comme l’indique cet article du NouvelObs : « La reprise suit deux axes. L’un est celui de l’Espagne et la Grèce qui s’enfoncent dans la récession alors que la croissance s’accélère dans la plupart des autres pays, menés par la France et l’Allemagne (…) Les exportations bénéficient actuellement du retrait amorcé par l’euro face au dollar en raison des craintes qui pèsent sur la dette du Portugal et de la Grèce  ». Le gouvernement allemand précipite donc les signatures de contrat à l’exportation : « la composante des commandes à l’exportation a également grimpé à un sommet de 29 mois, à 53,8 contre 53,2 en décembre et en estimation flash.  »

    Humour noir

    La Deutsche Bank est donc à la base de la manipulation, ce qui n’empêche pas son économiste en chef, Thomas Mayer, dont le cynisme laisse penser qu’il aime prendre les gens pour des imbéciles, d’indiquer : « La pression sur l’euro s’accroît. L’UE doit maintenant tout entreprendre pour stabiliser la Grèce et l’euro  » (source). « Plus le mensonge est gros, plus il passe  » disait un autre Allemand nommé Goebbels, le siècle dernier.

    Marc Ledreit de Lacharrière, le patron de Flitch Ratings n’est pas en reste. Il jouait même les pucelles effarouchées, il y a deux jours, en suppliant «  il faut aider la Grèce !  » (source).

    Résumons : le système financier des pays européens les plus puissants, avec la bénédiction de leurs gouvernements respectifs, spécule sur la faillite de la Grèce jusqu’à ce que la la situation devienne critique. Ils envoient ensuite les dirigeants politiques éteindre l’incendie qu’ils ont allumés et, au final, si la Grèce se retrouve en cessation de paiement, ce sont ces derniers qui viendront la secourir… avec de l’argent public.

    Le but de la manœuvre

    Mais l’objectif n’est pas simplement de se remplir les poches à court terme, ce serait trop simple. Ce que nous suspections dans nos précédents articles est confirmé par une note secrète du président du Conseil européen, Herman van Rompuy, révélée par The Independent.

    La Grèce est le premier pays européen à être placé sous tutelle directe de l’UE. L’Espagne, dont le déficit est comparable, puis le Portugal, l’Italie, l’Irlande, etc, suivront. Ces pays ont en commun de refuser le projet d’un gouvernement économique centralisé, comme tente de l’imposer Herman van Rompuy, Nicolas Sarkozy et Angela Merkel. « Ce dont nous avons besoin est le même genre de mécanisme que nous avons maintenant imposé à la Grèce afin de surveiller et analyser la situation de certains pays en zone Euro  » (The Indépendent)

    Comme nous l’écrivions il y a deux jours, « ce gouvernement économique ne sera pas mis en place au matin du 12 février (…) Pour contraindre les pays récalcitrants, il est nécessaire que la situation se dégrade encore  ». Mais nous assistions d’ors et déjà aux premières phases d’une reconfiguration totale de l’Union européenne, de la perte de la souveraineté économique des pays membres et de la création d’un « impôt européen ». L’article 269 (et alinéas) du Traité de Lisbonne permet cela : « L’Union se dote des moyens nécessaires pour atteindre ses objectifs et pour mener à bien ses politiques. Il est possible, dans ce cadre, d’établir de nouvelles catégories de ressources propres ou d’abroger une catégorie existante.  »

    Mais pour rendre l’économie européenne plus « compétitive  », Il faudra donc rationaliser le rapport coût/productivité des masses. « Les développements récents dans la zone euro accentuent le besoin urgent de renforcer notre gouvernement économique. Dans nos économies imbriquées, nos réformes doivent être coordonnées pour optimiser leur effet  » indique Monsieur van Rompuy. Optimiser leur effet, par la contrainte où la culpabilité, comme c’est le cas aujourd’hui avec la Grèce.

    Les élucubrations de Sarkozy et Merkel seront sans effet sur la crise en cours. Il faudra attendre lundi pour que les premiers leviers du plan de van Rompuy soient actionnés, lors de la rencontre des ministres des finances des pays de la zone euro, avec Jean-Claude Junker, patron de l’Eurogroupe et ministre des finances luxembourgeois (et ancien directeur de la Banque Mondiale).

    Notre précédent article concluait sur la mort de la démocratie européenne. Nous ne pouvons clore celui-ci sans penser, de cette Europe, qu’elle ressemble de plus en plus à un IVème Reich.

    Spain next !

    Addendum du 13 février

    Le soutien à la Grèce affiché hier n’est qu’une farce grotesque. Comme nous l’avons écris à plusieurs reprises, il est nécessaire que la situation se dégrade encore. Les chose vont sans doute aller assez vite maintenant : les bourses continueront de plonger lundi, et l’euro de chuter. C’est le but. L’Espagne va assez rapidement se retrouver dans le même cyclone que la Grèce, à qui on demande de réduire de 4% son déficit en 10 mois sans lui apporter d’aide, mais en lui imposant des réformes drastiques. C’est « marche ou crève ! ». Pour Bruxelles, il est nécessaire de mettre en place une sorte de « stratégie de tension » afin d’étendre ces réformes aux autres pays en difficultés  : révision des statuts des fonctionnaires, élévation de l’âge de la retraite, hausse des impôts, privatisation des assurances sociales, etc. Cette stratégie de tension doit trouver son équilibre pour faire passer ces réformes sans toutefois occasionner un désordre social et politique trop violent, ce qui serait contre-productif (encore qu’il puisse encore accélérer le processus en cours, mais il est économiquement préférable de s’en passer).

    La réunion de lundi de l’Eurogroupe ne changera en rien la situation des pays de la zone euro qui sont en difficultés. Ce n’est d’ailleurs pas son but. On continuera de faire la promotion de l’idée que la résolution de toutes les difficultés passe par la mise en place d’un « gouvernement économique européen ». Il est nécessaire de poser les premiers jalons techniques nécessaires à sa constitution et, surtout, qu’il fasse réagir positivement les marchés quand on énonce son nom. Ce « gouvernement économique » doit apparaître comme étant LA solution à tous nos problèmes et devenir incontestable. Les Allemands font un peu semblant d’être réticents. Sans doute que la part du gâteau qui leur est octroyée n’est pas encore assez grosse. Un détail qui sera très vite réglé à leur avantage.

    Spencer Delane, 


  • bretagne 15 août 2011 11:14

    les pauvres ne payeront pas , ni les riches , voyons : ce sont les classes moyennes qui payeront.


    • caleb irri 15 août 2011 11:26

      @ bretagne

      le problème des « classes moyennes », c’est qu’elles n’existent pour ainsi dire qu’en sursis, car comme vous dites, elles paieront ; et tellement qu’elles risquent de bientôt ne plus pouvoir prétendre à cette appellation. Ce qui reviendra donc au même...


    • lambda 15 août 2011 13:14

      @ bretagne
      nous savons tous que la classe moyenne est le rempart contre la dictature dans une nation
      Or depuis deux décennies on assiste à l’agonie de la classe moyenne
      Sans réaction du peuple, nous aurons ce que nous laissons faire
      La désinformation , très organisée permet de tenir à distance la compréhension des intentions réelles des élites de la finance soutenues par leur dévoués serviteurs que sont les chefs desgouvernements européens
      il faudra bientôt penser à reprendre les fourches !!!!!!!!!!!!!!


    • Bilou32 Bibi32 15 août 2011 15:05

      Si, si les pauvres paieront aussi ! Ils repésentent 15% de la population... 10 millions de français çà fait dix millions de contribuables, l’Etat ne peut pas les négliger ! Hausse de TVA sur les carburants, suppression de niches fiscales, ils vont participer aussi ! Quand à la classe « moyenne », sa définition est très floue... A partir de quel niveau devient on riche ?


  • Laratapinhata 15 août 2011 16:35

    Quand un système ne marche plus, il faut en changer radicalement, pas avec des mesurettes qui n’améliorent rien, mais qui divisent un peu plus une société où personne n’a envie de dégringoler plus bas... 


    Les classes moyennes , plutôt que la classes moyenne... parce que beaucoup ont des intérêts opposés...

    Votre signature est très bonne... j’adore Orwell, et ses slogans antithétiques : La guerre c’est la paix (utilisé par Jospin et cie en 1999, repris sans rougir par sarko ? )... 

    Dommage que les penseurs du contrôle social se soucient si peu de l’étudier... ils cesseraient de pondre des énormités, qui chacune révèle une réalité opposée à leur discours. Par exemple : Vivre ensemble, quelle incongruité , quand chacun pense chacun pour soi... 

  • Mor Aucon Mor Aucon 15 août 2011 17:18

    À l’auteur,

    Je crois que c’est une erreur d’insister sur la terminologie riches et pauvres car elle mène vers une dialectique du niveau de vie qui n’existe pas vraiment. On est face à la même limitation dans l’interprétation qu’a entraîné la dialectique marxiste prolétariat-capital alors qu’il est évident qu’il y a une zone tampon entre les deux, occupée par les entrepreneurs et les marchands. En tenir compte, permet de théoriser un système de rapports de forces bien plus descriptif, à mon avis, de la complexité du problème que l’opposition entre pauvres et riches dont on ne peut définir la frontière. On aurait le rapport classique entre salariés et rentiers capitalistes et agissant comme intermédiaires les entrepreneurs et les marchands établissant une nouvelle couche ( si j’ose dire ) de rapports de force avec les autres acteurs. Cela permet, par exemple, d’intégrer que dans le jeu de la finance, la rente capitaliste est formée, en partie, par l’épargne et les retraites des salariés dont la défense de la rentabilité est une des principales excuses qu’avance la spéculation financière. Ceci n’est pas une critique à votre article dont je partage l’idée générale.


    • caleb irri 15 août 2011 22:45

      @ Mor Aucon

      La question de la terminologie est une question délicate que je me suis déjà posée, et que je n’ai toujours pas résolue : si j’emploie le terme « peuple » pour évoquer les « plus faibles », on va me dire qu’il est trop vague ; si je différencie les riches, les pauvres, la classe moyenne et d’autre couches sociales, on va me dire qu’elles ne correspondent pas à la réalité ; pas plus que « oppressés » et oppresseurs" (trop connoté) , et ainsi de suite. ... pas évident, quoi. Je n’ai pas encore trouvé le terme qui convient, et je le regrette. faut que j’approfondisse la question....

      merci pour votre contribution !


    • Mor Aucon Mor Aucon 16 août 2011 03:13

      Je comprends très bien votre problème avec la terminologie puisque j’éprouve la même difficulté. Le modèle dont je parlais ( salariat, capital, entrepreneurs et marchands ) est celui que présente Paul Jorion dans Le Capitalisme à l’Agonie. Il permet de mieux représenter les rapports de forces à l’œuvre dans la société mais, par exemple et à mon sens, on ne peut lui superposer une échelle de pouvoir d’achat allant des pauvres aux riches. Si on essaye de le faire sans dogmatisme, on se rend vite compte que certains salariés sont plus riches ( en pouvoir d’achat ) que des entrepreneurs, des marchands et même des capitalistes ( petits rentiers ) et que toute personne appartient, fonctionnellement, à plusieurs catégories à la fois. De plus, le système tel qu’il est, c’est à dire consumériste jusqu’à l’excès afin d’inciter la production, tend a promouvoir la frustration donc la sensation de pauvreté indépendamment des conditions objectives. Remettre tout cela dans sur un plan rationnel demande, à mon avis, une définition des conditions économiques de base dont tout être humain devrait avoir le droit de jouir et donc l’organisation politique et économique, le devoir de lui donner. Ce serait le premier échelon, il faudrait le quantifier et appliquer un multiplicateur pour constituer une échelle.

      La chose est assez claire en ce qui concerne les libertés individuelles où l’on ne limite pas les droits des personnes au simple droit à la vie. Par contre sur le terrain économique c’est le néant. Par exemple, le seuil de pauvreté se calcule relativement alors que les besoins de base sont universellement constants. C’est pourquoi je pense qu’il serait temps de commencer à essayer d’énoncer succinctement mais très clairement les principes de base qui définiraient les droits économiques des personnes et les limites de la liberté économique comme une extension de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme. Un peu dans le genre de ce que Roosevelt essaya avec sa Second Bill of Rights aux USA, mais universelle cette fois. Je pense que l’on sous-estime, en général, le pouvoir d’une déclaration universelle de ce genre pourtant, sur le plan juridique, il est incontestable que la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme a obligé, et continue à le faire, à beaucoup de gouvernements à limiter les abus de pouvoirs sur les populations qu’ils gouvernent.


    • Mor Aucon Mor Aucon 16 août 2011 14:12

      Je dois me corriger. A force de vouloir simplifier, j’en suis arrivé à caricaturer. Ce n’est pas le néant total à l’ONU en ce qui concerne les droits économiques et sociaux sinon que l’application effective de ces droits, à mon avis, est rendue illusoire par le manque de définition des limites de la liberté économique.

      Pour la doctrine libérale de l’économie : « La liberté économique est la liberté de produire, échanger et consommer n’importe quel bien acquis sans l’usage d’une contrainte d’aucune sorte. Elle s’incarne dans la Rule of Law, les droits de propriété et la liberté contractuelle. Elle se manifeste dans une ouverture des marchés, la protection des droits de propriété et la reconnaissance de l’initiative individuelle. Elle est donc indissociable d’une économie de marché. » (source Wikiliberal http://www.wikiberal.org/wiki/Libert%C3%A9_%C3%A9conomique ) Cette vision s’appuie surtout sur les théories de Von Hayeck et de Milton Friedmann où l’État se doit de protéger cette liberté. On en arrive donc à que l’État protège la loi de l’économiquement plus fort. Tout le contraire de ce qu’est censée protéger la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme en ce qui concerne les libertés individuelles.

      Qu’en est-il dans le texte ? D’abord un considérant :

      « Considérant qu’il est essentiel que les droits de l’homme soient protégés par un régime de droit pour que l’homme ne soit pas contraint, en suprême recours, à la révolte contre la tyrannie et l’oppression. »

      puis les articles 25 et 30.

      « Article 25
      1. Toute personne a droit à un niveau de vie suffisant pour assurer sa santé, son bien-être et ceux de sa famille, notamment pour l’alimentation, l’habillement, le logement, les soins médicaux ainsi que pour les services sociaux nécessaires ; elle a droit à la sécurité en cas de chômage, de maladie, d’invalidité, de veuvage, de vieillesse ou dans les autres cas de perte de ses moyens de subsistance par suite de circonstances indépendantes de sa volonté. »

      « Article 30
      Aucune disposition de la présente Déclaration ne peut être interprétée comme impliquant pour un Etat, un groupement ou un individu un droit quelconque de se livrer à une activité ou d’accomplir un acte visant à la destruction des droits et libertés qui y sont énoncés. »

      Ces textes devraient suffire pour limiter la liberté économique du capital quand « un groupement ou un individu un droit quelconque de se livrer à une activité ou d’accomplir un acte visant à la destruction des droits et libertés qui y sont énoncés »

      Pourquoi ne parvient-on pas à développer juridiquement et internationalement ce point ? C’était l’objet de mon commentaire. Je pense que par peur de limiter la sacro-sainte liberté économique entendue comme l’absence totale d’entraves à l’activité économique du capital financier qui base sa défense sur l’argument qui dit que l’enrichissement de quelques-uns ( la croissance de l’inégalité ) n’est pas illégitime s’il conduit à l’élévation du niveau de vie des plus pauvres. Cet argument pose une logique fallacieuse qui ne correspond pas à la réalité empirique où il est facile d’observer que la concentration du capital sans contrôle provoque une spirale d’incrément de sa concentration et son détachement progressif de son principal but : financer l’activité productive. Le problème est donc idéologique avant tout, de définition de principes. C’est pour cela que les textes doivent être clairs et sans contradictions internes, comme ils le sont en ce qui concerne l’esclavage, le recours à la violence, etc... La violence économique existe bel et bien. La Déclaration sur le droit au développement n’apporte pas grand chose sur ce point, le Pacte International relatif aux droits économiques et sociaux, non plus.

      Aux détracteurs des grandes déclarations universelles deux rappels :

      - Il ne s’agit pas d’obliger les États à pourvoir aux besoins économiques des personnes sinon de les protéger contre les atteintes à leurs droits donc de développer un cadre juridique qui limite la liberté économique des plus riches pour protéger celle des plus pauvres.

      - lors de la crise des subprimes en 2008, les agences de notation brandirent la liberté de libre opinion pour justifier leurs errements. Les grandes déclarations universelles servent donc à quelque chose pour elles aussi.

      Voilà si quelqu’un veut en débattre, c’est le point de départ fondamental, à mon avis.


  • millesime 15 août 2011 20:23

    En France on nous demande d’être soit de droite (comprenant l’extrême-droite), soit de gauche .

    Or aujourd’hui, que ce soit la droite ou la gauche, l’UMP ou le PS, ils ne proposent que des solutions qui ont pour seul but de répondre au mieux aux souhaits du système.

    Il faudra encore du temps pour que les gens comprennent la manipulation dont ils sont l’objet, pour qu’enfin un majorité devienne des « citoyens » capables d’élire des gouvernants ne s’acharnant pas à vouloir perpétuer avec insistance un système qui est à l’agonie, et qui se délite sous nos yeux.

    Ce système n’est là que pour faire le bonheur de quelques uns, ceux qui ont déjà tout.. !

    Il nous faudra dans le futur élire de nouveaux gouvernants capables d’éviter d’être les complices des financiers afin de pouvoir prendre des décisions dans l’intérêt des « citoyens »
    et non des « marchands » comme c’est le cas à présent.

    http://millesime.over-blog.com


  • BA 16 août 2011 00:30
    Jeudi 11 août 2011 : un article exceptionnel écrit par Peter Oborne.

    La décadence morale de notre société est aussi mauvaise dans les classes supérieures que dans les classes populaires.

    David Cameron, Ed Miliband et toute la classe politique britannique se sont réunis hier pour dénoncer les émeutiers. Ils avaient bien sûr le droit de dire que les actions de ces pillards, de ces incendiaires et de ces agresseurs ont été odieuses et criminelles, et que la police devrait avoir plus de soutien.

    Mais il y avait aussi quelque chose de très faux et d’hypocrite dans toutes les réactions choquées et dans l’indignation exprimées par le Parlement. Les députés ont parlé des événements terribles de la semaine, comme si ils n’avaient rien à voir avec eux.

    Je ne peux pas accepter que ce soit le cas. En effet, je crois que la criminalité dans nos rues ne peut pas être dissociée de la désintégration morale dans les plus hauts rangs de la société britannique moderne. Les deux dernières décennies ont vu une baisse terrifiante dans les normes de l’élite britannique au pouvoir. Il est devenu acceptable pour nos politiciens de mentir et de tricher. Une culture quasi universelle de l’égoïsme et de la cupidité a grandi.

    Ce ne sont pas seulement les jeunes pauvres de Tottenham qui ont oublié qu’ils ont des devoirs ainsi que des droits. Il en est de même pour le sauvage riche de Chelsea et de Kensington. Il y a quelques années, ma femme et moi sommes allés à un dîner dans une grande maison dans l’ouest de Londres. Des gardes de sécurité patrouillaient le long des rues au-dehors, et nous avons beaucoup parlé de la « fracture Nord-Sud« , une expression que j’ai prise au sens littéral au début, jusqu’à ce que je réalise que mes hôtes faisaient une facétieuse allusion à la différence entre ceux qui vivaient au nord et au sud de Kensington High Street.

    La plupart des gens dans cette rue très huppée ont été tout aussi déracinés et coupés du reste de la Grande-Bretagne que les jeunes pauvres, les chômeurs et les femmes qui ont causé des dégâts terribles ces derniers jours. Pour eux, le magazine »Financial Times : comment dépenser son argent ?" est une bible. Je suppose que peu d’entre eux paient l’impôt britannique s’ils peuvent l’éviter, et que peu d’entre eux ont le sentiment de devoir quelque chose à la société, alors qu’il y a quelques décennies, ce sentiment venait naturellement chez les riches et chez les mieux lotis.

    Pourtant, nous célébrons les gens qui vivent des vies vides comme ça. Il y a quelques semaines, j’ai remarqué un article dans un journal disant que le magnat des affaires Richard Branson va déménager le siège de sa société en Suisse. Ce déménagement a été ressenti comme un coup dur pour le chancelier de l’Échiquier, George Osborne, parce que cela signifiait moins de recettes fiscales.

    Je ne pouvais pas m’empêcher de penser que dans un monde sain et décent, une telle démarche serait un coup dur pour Sir Richard Branson, et non pas pour le chancelier de l’Échiquier. Dans un monde sain et décent, les gens auraient vu qu’un important homme d’affaires ne pense qu’à éviter de payer l’impôt britannique, et ils l’auraient moins respecté. Au lieu de cela, Richard Branson est anobli et il est largement fêté. La même chose est vraie pour le brillant détaillant Sir Philip Green. Les entreprises de Sir Philip Green ne pourraient pas survivre, mais pour la stabilité sociale de la Grande-Bretagne, notre système de transport a changé ses biens et nos écoles ont éduqué ses travailleurs.

    Pourtant, Sir Philip Green, qui il ya quelques années a transféré un extraordinaire dividende de 1 000 000 000 de livres sterling dans un paradis fiscal, a l’intention de payer peu d’impôts pour cela. Pourquoi personne ne le considère comme coupable ? Je sais qu’il paie des avocats fiscalistes très cher et que tout ce qu’il fait est légal, mais est-ce qu’il fait face à des questions éthiques et morales, tout autant qu’un jeune voyou qui casse dans une des boutiques de Sir Philip Green et qui lui vole certaines de ses marchandises ?

    Nos politiciens - debout benoîtement sur leurs pattes arrière au Parlement hier - sont tout aussi mauvais. Ils se sont montrés prêts à ignorer la décence commune et, dans certains cas, prêts à enfreindre la loi. David Cameron est heureux d’avoir certains des pires contrevenants dans son cabinet. Prenons l’exemple de Francis Maude, qui est chargé de lutter contre les gaspillages du secteur public - dont les syndicats disent que c’est un euphémisme pour faire la guerre aux travailleurs faiblement rémunérés. Pourtant, M. Maude gagne des dizaines de milliers de livres sterling en violant l’esprit, mais pas la loi, entourant les indemnités des députés.

    Beaucoup de choses ont été dites au cours des derniers jours sur l’avidité des émeutiers pour les biens de consommation, notamment le député travailliste de la circonscription de Rotherham Denis MacShane, qui précisément fait remarquer : « Ce que les pillards voulaient, c’était pendant quelques minutes entrer dans le monde de la consommation de Sloane Street. » Cette phrase est d’un homme qui a reconnu avoir dépensé 5900 livres sterling pour acheter huit ordinateurs portables. Bien sûr, en tant que député, Denis MacShane a obtenu ces huit ordinateurs portables en notes de frais payées par l’argent des contribuables.

    Hier, le député travailliste Gerald Kaufman a demandé au Premier ministre d’examiner comment ces émeutiers peuvent être « récupérés » par la société. Oui, c’est bien le même Gerald Kaufman qui s’est fait rembourser 14,301.60 livres sterling en notes de frais payées par l’argent des contribuables, dont 8865 livres sterling pour une télévision haut de gamme Bang & Olufsen .

    La députée travailliste Hazel Blears a appelé bruyamment à une action draconienne contre les pillards. Je trouve très difficile de faire une distinction éthique entre la tricherie sur les notes de frais et l’évasion fiscale commises par Hazel Blears, et les vols commis par les pillards.

    Le premier ministre ne montrait aucun signe qu’il avait compris que quelque chose puait lors du débat au Parlement hier. Il a parlé de la morale, mais seulement comme quelque chose qui s’applique aux pauvres : « Nous allons restaurer un sentiment plus fort de la morale et de la responsabilité, dans chaque ville, dans chaque rue et dans chaque domaine ». Il semblait ne pas comprendre que cela devrait s’appliquer également aux riches et aux puissants.

    La vérité tragique, c’est que M. Cameron est lui-même coupable de ne pas réussir ce test. Il y a six semaines qu’il s’est présenté à la fête d’été de News International, même si ce groupe de médias a été l’objet de deux enquêtes de la police. Encore plus notoirement, il a embauché au 10 Downing Street l’ancien éditeur du journal News of the World Andy Coulson, même s’il savait à l’époque que Andy Coulson avait démissionné après des actes criminels commis sous sa direction. Le Premier ministre a expliqué son erreur de jugement en proclamant que « tout le monde mérite une seconde chance ». Il a été très révélateur, hier, qu’il ne parlait pas de deuxième chance pour les émeutiers et pour les pillards.

    Ces deux poids, deux mesures de Downing Street sont symptomatiques de doubles standards répandus au sommet de notre société. Il convient de souligner que la plupart des gens (y compris, je sais, les lecteurs de The Telegraph) continuent à croire en l’honnêteté, en la décence, continuent de travailler dur, et de donner à la société au moins autant qu’ils en reçoivent.

    Mais il y a aussi ceux qui n’ont pas de morale. Certes, les jeunes pauvres semblent ne pas avoir la conscience de la décence et de la moralité. Mais parmi les personnes immorales, vénales et cupides, il y a un trop grand nombre de nos banquiers, de nos footballeurs, de nos hommes d’affaires et de nos politiciens.

    Bien sûr, la plupart sont assez intelligents et assez riches pour s’assurer qu’ils respectent la loi. On ne peut pas en dire autant des hommes pauvres et des femmes pauvres, sans espoir ni aspiration, qui ont provoqué le chaos de ces derniers jours. Mais les émeutiers ont cette excuse : ils suivent l’exemple donné par les classes supérieures et respectées dans la société. Gardons à l’esprit que beaucoup de jeunes dans nos centres-villes n’ont jamais été formés à des valeurs décentes. Tout ce qu’ils ont jamais connu est la barbarie. Nos politiciens et nos banquiers, en revanche, ont été dans les bonnes écoles, dans les bonnes universités, et ils ont eu toutes les chances dans la vie.

    Quelque chose va terriblement mal en Grande-Bretagne. Si nous ne sommes pas capables d’affronter les problèmes qui ont explosé dans la dernière semaine, il est essentiel de garder à l’esprit que ces problèmes n’existeront pas seulement dans les cités.

    La culture de la cupidité et de l’impunité à laquelle nous assistons sur nos écrans de télévision s’étend jusque dans les conseils d’administration des grandes entreprises et à l’intérieur du Gouvernement. Cette culture touche la police et de grandes parties de nos médias. Ce n’est pas seulement sa jeunesse abimée, mais la Grande-Bretagne elle-même qui a besoin d’une réforme morale.

    Peter Oborne.


    • Bilou32 Bibi32 16 août 2011 09:07

      Très bon article en effet. La société actuelle est en effet bien pourrie, pas seulement au Royaume Uni . Ces évenements qui se sont déroulés ne sont qu’un début. Quand des voyous dirigent le monde, tout le monde devient voyou...


  • Winston Smith 16 août 2011 09:23

    Baratin que tout cela : votre social n’est que du gaspillage démagogique d’une lourdeur totalement délirante et qu’aucune économie au monde ne peut financer (ca fait des décennie qu’on vous le dit).


    A part créé massivement des chômeurs, des fonctionnaires et des dette, on ne voit pas qu’il ait le moindre intérêt : on se soigne aussi bien, on est mieux éduqué pour moins cher ailleurs !

    Comprenez bien que le contrat social, c’était pas « en plus », c’était « à la place » : à la place d’une parti de votre salaire, l’Etat cotise pour vous à une assurance santé. Ce qui en terme moins hypocrite signifie qu’il vous prend pour un gros con, qui va boire sa paye et est incapable de choisir comme un grand une assurance (cf « Germinal »). 

    Bien. Mais depuis plusieurs décennie, vous refusez de payer ! Vous voulez faire payer les autres ! Trop facile et il n’a jamais été question de cela : c’est totalement irréaliste. Alors accuser après vos victimes de refuser de se faire spolier, elle est bien bonne ! C’est vous (les gens comme vous) les voleurs ! La légitime défense, vous connaissez ? Face à la majorité d’une meute de loups avides, on ne voit pas pourquoi la minorité aurait des complexes : il y a va de la survie de son statut sociale. Plus largement, ce puit sans fonds de social et d’impôts ne peut conduire qu’à leur ruine totale, et donc.. à la fin inéluctable de votre système. Il est donc condamné, et ils ne font qu’accélérer un peu les choses, étant donné que les voleurs ne sont pas assez intelligents pour se réformer sans qu’on les colle face au mur brute de la réalité..

    Vous vous êtes comporté comme les voyous des cité, qui pillent, insultent et leur voisin (« des bouffons »), leur font payer plein de charge, de réparation qu’ils provoquent, de service dont il s’exemptent et s’étonne 10 ans plus tard qu’il n’y a pas de mixité social, ethnique, etc..
    Et que leur cité est en ruine.



  • lesdiguières lesdiguières 17 août 2011 03:33

    La Fin est proche : Haro sur les bourses ;

    http://www.inlibroveritas.net/lire/oeuvre36868.html


  • FritzTheCat FritzTheCat 21 août 2011 22:12

    Jusqu’où la crise peut-elle bien nous mener ? .... c’est très simple : WW III !!


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