jeudi 20 mai 2010 - par denis cotte

Le crédit « Père Noël »

Pourquoi et comment le crédit revolving proposé peut entraîner la constitution d’une nouvelle bulle financière qui, inéluctablement, éclatera un jour.

Le crédit à la consommation est vital pour la bonne marche et le dynamisme de l’économie. Il devrait même être l’un des moteurs de la future croissance tant espérée. Or, ce secteur est actuellement malade, et çà et là, des châteaux de cartes s’écroulent, libérant des armées de surendettés.
 
De quoi souffre donc ce secteur ?
 
Il est en fait victime d’un empoisonnement, causé par un produit potentiellement hautement toxique : le revolving, qui par son mode de fonctionnement actuel, peut trop facilement créer des addictions.
 
Christine Lagarde dit souvent que ’le crédit, c’est comme le cholestérol ; il y a le bon et le mauvais’. Pour notre part, nous pensons qu’une précision pourrait être apportée à la formule de Mme Lagarde. Nous sommes en effet convaincus que le prêt personnel amortissable, pour peu qu’il soit distribué de manière responsable, est par construction un bon crédit, tandis que le crédit revolving, c’est comme le cholestérol, il y a le bon et le mauvais.
 
En effet, l’unanimité s’est faite pour reconnaître que le revolving actuel est très largement responsable du surendettement. Cette affirmation est vraie, mais il n’en demeure pas moins qu’il existe aussi un bon revolving, fort utile comme soutien de la consommation et fort pratique pour celui qui l’utilise ; il ne faut donc pas interdire le revolving. Il faut juste que certains principes éthiques soient affirmés dans le projet de loi Lagarde (comme la durée maximale de remboursement), mais aussi précisés par des gardes-fous techniques, de manière à ce qu’il soit impossible à quiconque de les contourner.
 
Le revolving actuel repose sur un principe qui nie les bases même de la réalité économique : le principe de la mensualité de crédit ’ronde’, que rien ou presque ne peut augmenter.
 
En revolving, que le client ait ou non signé l’assurance emprunteur, son échéance sera du même montant (un peu comme si l’assurance était gratuite). En revolving, si le client réutilise son compte dans la limite de son utilisation initiale, ce nouveau tirage n’entraînera pas d’ajout prochain d’une nouvelle échéance de crédit (ou de hausse de son échéance actuelle).
 
La seule variable d’ajustement en crédit revolving est la durée de remboursement, qui, si elle est trop fréquemment ’remise à zéro’, peut facilement tendre vers l’infini.
 
Les conséquences de ce principe anti-économique peuvent être particulièrement sournoises dans les deux cas cités, et l’on peut même s’interroger sur la conformité de ce mode de fonctionnement (ou de l’explication qu’il est prévu d’en fournir aux consommateurs) avec l’esprit de la directive européenne que la loi Lagarde est censée transposer.
 
Cas de l’assurance emprunteur.
 
En revolving, contrairement à toutes les autres techniques de prêt, la souscription d’une assurance facultative ne vient pas augmenter le montant de la mensualité de crédit, ce qui serait pourtant logique puisque l’assurance n’est pas offerte par le prêteur.
 
Cette souscription vient donc perturber l’amortissement de la dette et allonger de manière très significative la durée de remboursement de cette dernière.
La souscription de l’assurance, indolore pour le client en termes de montant à rembourser mensuellement, est donc de fait une souscription à crédit (dont la conséquence est une insuffisance d’amortissement liée au débit de la prime d’assurance, qui génère des intérêts composés), et le coût total de ce ’sous-crédit’ n’est évidemment jamais communiqué aux consommateurs (pour plus de détail sur ce point, se reporter à l’article Alerte - Assurance sur le site http://moncreditpropre.com).
 
Or, l’objectif de la directive européenne (que partagent les pouvoirs publics français) est d’améliorer la transparence envers les consommateurs. Le projet de loi Lagarde doit donc préciser comment traiter ou supprimer ce sous-crédit pour être conforme à l’esprit de cette directive.
 
Cas des réutilisations ’sans changer le montant de l’échéance.
 
Dès réception du relevé qui suit son premier remboursement, le client revolving est invité, en première page de son relevé, à réutiliser son compte ’sans changer le montant de son échéance’  ; cette invitation commerciale est même fréquemment accompagnée d’un coupon de demande de réutilisation.
 
Tous les mois, cette sollicitation commerciale sera présente dans son relevé de compte.
 
La tentation est grande de renvoyer le coupon de ’demande de virement sans changer mon échéance’ car cette opération, qui pourtant équivaut à la souscription d’un nouveau crédit, ne génère pas d’obligation de remboursement dès le mois suivant, mais ... en fin du crédit précédent.
 
Le client succombant à la tentation une première fois entre dans un cercle vicieux dont il sera très difficile de sortir : certains en arriveront même à réutiliser tous les mois leur compte, pour un montant égal à l’amortissement compris dans l’échéance qu’ils viennent de payer. (pour plus de détail sur ce point, se reporter à l’article Alerte - Addiction sur le site http://moncreditpropre.com).
 
Au yeux de ces consommateurs, le revolving est vraiment formidable : leur propre échéance de crédit peut, de manière tout à fait légale, être payée à crédit. Avec un produit pareil, c’est Noël tous les mois, et ce jusqu’à la fin de la vie, puisque le crédit ne s’amortit absolument jamais.
 
 
Malheureusement, dans la réalité, cette belle mécanique ne tiendra que jusqu’au moment où un grain de sable viendra l’enrayer. Ce grain de sable porte un nom, qui permet à tout le monde de fuir ses responsabilités. L’euphémisme couramment utilisé est le suivant : le client a été victime d’un ’accident de la vie’, que seule la fatalité vient alors expliquer.
 
En théorie financière, ce système qui porte le nom de cavalerie est en général prohibé. Dans la pratique, cette cavalerie est facile à mettre en oeuvre, de manière tout à fait légale, dès l’ouverture d’un seul compte revolving, dans un seul établissement.
 
Et, comme il est bien sûr possible d’ouvrir plusieurs comptes revolving dans plusieurs établissements, les effets peuvent s’ajouter et le désastre devient vertigineux.
 
Ne serait-il pas temps d’apporter quelques précisions techniques au projet de loi, quelques garde-fous permettant de mieux définir les principes de transparence dans la communication et de durée maximales de remboursement ?
 
Le projet de loi Lagarde comporte de réelles avancées. Toutefois, certains principes éthiques, pourtant inscrits dans la loi, sont encore trop facilement contournables du fait d’un manque évident de garde-fous les précisant.
Enfin, certaines ambiguïtés sont toujours présentes dans le débat, dont la conséquence est l’absence de prise en compte de certaines réalités, pourtant guère reluisantes, dans le projet de loi (pour plus de détail sur ce point, se reporter à l’article Alerte - Ambiguïtés sur le site http://moncreditpropre.com).
 
Ce projet de loi, même s’il va dans le bon sens, est encore insuffisant sur certains points sensibles et ne combat que peu de causes expliquant la montée du surendettement : il doit donc être renforcé lors du passage en seconde lecture au Sénat et à l’Assemblée Nationale
 


5 réactions


  • Ploucman 20 mai 2010 10:43

    le crédit revolving est quasi systématiquement du mauvais cholestérol.
    De même pour la plus par des crédits a la consommation destiné aux « loisir », ils vous permettent de « sur »-vivre par rapport a vos moyen, mais un temps seulement... après il faut rembourser avec intéret !

    et si vous n’aviez pas les moyens d’acheter cache au jour J... je ne vois pas prk a J+i vous auriez subitement les moyens de payer des intérrets supplementaire ... beaucoup d’intéret ! TEG 20% !

    Un credit c’est louable pour acheter une maison, une voiture... mais pour vivre.


  • jymb 20 mai 2010 13:06

    Mettez vos économies sur un compte à terme à la banque, ou un livret lambda : rémunération 1 à 2 % l’an

    utilisez une carte de crédit à la consommation : TEG 17, 18 , 20 % donc des taux absoluments supersoniques et déconnectés de la réalité

    taxer très durement ceux qui se gavent sur la misère ( et aussi un peu il est vrai sur la bêtise humaine) ne me choquerait pas...


  • HELIOS HELIOS 20 mai 2010 13:14

    Ce que je viens de lire est un texte hypocrite et dogmatique, et laisse supposer d’une part que le « client » est completement idiot, et melange l’outil economique et l’usage qu’il en est fait.

    Le risque du credit revolving provient de sa liberté d’usage et surtout du libre choix de la mensualité. Mais c’est le risque de l’outil... utiliser une tronçonneuse est dangererux ce n’est pas pour autant qu’on les elimine.

    Pour eviter l’accident il faut s’assurer que la mensualité choisie pour rembourser permet la « convergeance » c’est a dire que la dette globale diminue —partie capital+ interets— en fait qu’on rembourse au moins du capital, et le plus possible.

    Pour le reste, assurance ou pas - ce qui n’a rien a voir avec le credit revolving - n’est que speculation integriste.

    Quand a la qualification de la bonne dette ou de la mauvaise dette, c’est une vision tordue qui n’a rien a voir avec type de credit. Acheter un lave-linge en revolving serait un bon credit, alors qu’acheter le beefsteak en serait un mauvais ? 
    D’abord, c’est ignorer la fongibilité de la monnaie sur un compte en banque et ensuite c’est un probleme de valeur morale et non pas un probleme economique.

    Enfin, ne me faites pas ecrire ce que je n’ai pas ecrit ! Financer à credit des couts de fonctionnement, ce n’est evidement pas viable, mais ce n’est pas l’instrument de credit qui en est responsable, mais les conditions economiques (salaire, pouvoir d’achat) qui en sont les principales responsable... le dos au muir on tente encore de survivre....

    Alors, s’il fallait faire quelque chose, c’est se depecher d’attendre et de proposer, sur le relevé de compte mensuel -ou sur internet- un tableau des mensualités conseillées en fonction des montants emprunptés sur une durée raisonnable, 12, 18 mois etc.


  • Spip Spip 20 mai 2010 13:18

    L’éclatement de la bulle des cartes de crédit est annoncée depuis un moment aux USA, et là-bas on n’en n’a pas qu’une, plutôt une dizaine (il suffit de voir comment est fait un portefeuille US)

    Comme pour les sub-primes, le risque a été lui aussi titrisé et quand ça éclatera nous en subirons les mêmes conséquences.

    L’emploi généralisé du terme « addiction » commence à m’agacer sévère
    . De quoi s’agit-il ? A part les acheteurs compulsifs qui ont quelques moyens au départ, quid des ménages qui n’ont plus que cette solution (pourrie) pour boucler le mois, faut-il les considérer comme des malades ? La pauvreté est-elle une maladie ? Ou est-ce plutôt notre système qui l’est ?

    Comment oser le mot d’éthique quand le taux d’intérêt frôle l’usure ?

    Si j’ai bien compris l’auteur, le revolving ne poserait pas vraiment de problème à condition d’y faire figurer clairement le taux d’assurance. C’est vraiment voir par le petit bout de la lorgnette si ce n’est s’aveugler carrément !
    Il faudrait tellement « encadrer » que ça n’intéresserait plus les banques, elles l’ont fait clairement savoir.

    Avec ce système, nous allons droit dans le mur. C’est de la cavalerie et là, nous sommes bien d’accord.


  • Yann Gré Yann Gré 20 mai 2010 21:37

    Les contrats de crédit revolving constituent un véritable fléau et devraient être interdits.


    Le projet de loi actuellement en cours d’examen contient des innovations importantes.

    Il est cependant tout à fait insuffisant.


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