lundi 30 novembre 2009 - par Francis Pisani

Récession, esprit freelance et réseaux sociaux

Récession oblige, les freelance (autonomes, indépendants, francs-tireurs) sont à la mode. Se mettre à son compte et travailler seul est en effet une des solutions les plus attrayantes pour tous ceux qui perdent leur emploi.

Cela vient en fait renforcer un mouvement – une “prise de conscience” serait peut-être plus juste – lancé en 1997 par un article (suivi d’un livre) de David Pink : “Free Agent Nation “. L’idée était simple : un Américain sur 6 travaille déjà de façon autonome. La technologie renforce cette tendance alors qu’au plan social le contrat qui voulait que nous soyons loyaux à nos employeurs en raison de la sécurité qu’ils nous fournissaient est rompu par ces derniers. Il s’agit d’un basculement social de fond.

La récession ne fait que renforcer cette tendance manifeste depuis plus de 10 ans. Mais Gina Trapani (dont j’ai parlé dans mon précédent billet sur Google Wave … d’où l’intérêt du ricochet ) ajoute un élément quand elle dit que “l’esprit freelance” peut être utile à tout le monde en ces temps de crise, en particulier à ceux qui se battent pour ne pas perdre leur boulot.

Les indépendants savent mettre le pied dans la porte, forcer les autres à les entendre (sans quoi ils ne feraient pas grand chose). Ils ont une conscience très claire de ce que veut dire chaque minute de leur temps (leur gagne-pain en dépend). Ils mettent en jeu leur réputation dans chaque boulot, dans chaque contrat. Ils ne travaillent pas que pour l’argent. Pink insiste sur la dimension ludique du travail des indépendants, Trapani sur le fait qu’ils acceptent aussi des boulots parce qu’ils sont intéressants, parce qu’ils ouvrent de nouvelles perspectives ou permettent de se connecter à de nouveaux réseaux.

Le “networking” est essentiel pour les freelances rappelle Trapani. N’appartenant pas à des institutions, ils se connectent à des groupes ouverts et es réseaux sociaux fonctionnent comme des outils essentiels pour tous ceux qui ne veulent pas perdre la dimension collective.

Certains autonomes, cependant, choisissent ce statut pour des raisons presque philosophiques, existentielles et pas seulement parce que la technologie leur facilite cette vie. Plus ouverts, en principe, que les institutions, les réseaux se présentent comme des cadres collectifs plus acceptables. Mais la tendance actuelle qui consiste à vouloir tout transformer en “communauté” fait que, pour certains d’entre eux en tous cas, l’intégration, la participation à des réseaux sociaux ne soit pas si évidente qu’on ne semble croire.

Je n’ai fait que lancer le sujet dans ce billet mais c’est, vous l’avez compris, une question que je me pose et qui me touche de près. Je suis curieux de savoir ce que vous en pensez.

[Photo Flickr de Chris Koerner ]



9 réactions


  • herve herve 30 novembre 2009 21:36

    « Récession, esprit freelance et réseaux sociaux ». Vous avez le sens du raccourci et une certaine lucidité (si ce n’est une clairvoyance) sur les changements à l’oeuvre dans notre société. Je partage entièrement votre analyse.

    Mais il faut aussi dire que le rêve de l’auto-entrepreneur (ou freelance, indépendant...) se termine souvent en cauchemar. Parce qu’il lui faut trouver sans cesse de nouveaux clients... Une ébauche de solution peut être : http://www.boursomissions.fr, pour que le rêve devienne pour un plus grand nombre d’entre-nous réalité...

  • ObjectifObjectif 1er décembre 2009 10:30

    A l’auteur :

    Il y a aujourd’hui 2 classes d’humains : ceux dont le travail est rémunéré au forfait (« additif »), et ceux dont le travail est rémunéré par une multiplication (pourcentage) du bénéfice voire du chiffre d’affaire.

    Comme le forfait n’est pas réévalué, tous les « additifs » perdent.

    Les « multiplicatifs » suivent naturellement le rythme de l’inflation, voire la précède et le crée.

    Comme le capitalisme actuel ne rémunère pas le capital humain, ce qui transformerait les « additifs » en « multiplicatifs », les employés créent leur propre entreprise et deviennent « multiplicatifs ».

    Les coopératives aussi intègrent leur capital humain dans leur capital.

    Si les grands entreprises veulent encore exister, il faudra qu’elles rémunèrent leur capital humain au même titre que leur capital financier, sinon elles n’auront plus que les apeurés de liberté comme employés...


  • Armog 1er décembre 2009 10:49

    Freelance depuis 6 ans maintenant, je dois bien avouer que je n’ai connu que très peu de période d’inactivité. Ma branche étant peut-être porteuse. Je suis dans l’informatique.

    Il y a effectivement de nombreux avantages à être freelance, mais aussi bon nombre d’inconvénients.

    Je peux par exemple choisir ma mission, mais une fois engagé, je joue ma réputation et contrairement à ce que l’on croit, un freelance n’est pas si libre que cela. En effet, il y a une obligation de résultats, un devoir de faire plus que les salariés traditionnels. Une mission peut s’achever du jour au lendemain (en général, je signe un contrat qui me donne le temps de me retourner). Une mission qui se passe mal et c’est la réputation qui en prend un coup.

    Mais il y a aussi des inconvénients. Les charges sont lourdes. Je paie prés de 12000€ de cotisations sociales dont je ne bénéficie pas pour certaines (CAF par exemple). Les remboursements par exemple du RSI sont très bas, il faut donc prendre une mutuelle en plus qui coûte très chère. Les impôts se défendent pas mal aussi. Ce serait encore mieux si je pouvais ne plus payer le RSI et choisir ma propre sécurité sociale.

    Depuis que je suis indépendant, j’applique la règle des 3 : un tiers pour moi, un tiers pour les impôts et un tiers pour les charges sociales. Cette politique me permet de vivre sereinement. 
    Quand tout va bien effectivement. Car quand aucune mission ne se profile à l’horizon, le cauchemar peut commencer. Quelques uns de mes amis ont décidés d’abandonner ce statut et de redevenir de simples salariés. Ce qui est bien dommage quand on a un esprit d’entrepreneur.


  • french_car 1er décembre 2009 11:30

    Je n’ai rien contre les Freelance - ils n’ont souvent pas eu le choix comem le souligne l’auteur - mais plus ils sont nombreux plus le monde du travail régresse dans le sens d’une sorte de Bourse du Travail où chacun viendrait quotidiennement voir quelle tâche il pourrait prendre en charge pour la journée.
    Les contrats de projet à la Virville dont on ne parle heureusement plus ressemblaient un peu à celà.


    • manusan 1er décembre 2009 11:47

      Comme je le dis plus bas, c’est un statu très bien adapté pour certaines branches d’activité. Je suis cependant d’accord avec vous, il ne faut pas que cela deviennent la norme. Et c’est le risque hélas.


  • manusan 1er décembre 2009 11:43

    Comme Armog je suis en Freelance, dans les telecom depuis 2004 dans l’international. L’informatique et les telecom sont très bien adaptées au freelance, le marché des nouvelles techno suit une évolution en dent de scie, on a donc régulièrement des plan sociaux tous les 5 a 10 ans, une évolution de carrière est impossible à planifier. Entre avoir un CDI et un salaire de misère qui ne protège de rien dans cette branche, j’ai choisi comme beaucoup de personne après la crise de 2002-2003 de me mettre à mon compte. Je donne un pourcentage à une entreprise (basée à l’ile Maurice) en échange de logistique (réservation de voiture et billet d’avion, habilitation, secu, chomage ..). Pour avoir droit au chômage en international, tu dois avoir travaillé et cotisé 18 mois sur 24. Bref c’est du sérieux, pas question de cotiser 3 mois quand la crise est à la porte et passer ensuite 2 ans de vacances.

    L’avantage de ce status c’est le choix et la liberté qu’on te donne, la retraite, la secu, le chômage ..., si tu veux tu payes, si tu veux pas, vient pas pleurer ensuite. La facture peut être lourde car on paye à la fois la participation employeur (que l’on ne vois pas dans un bulletin de paie) et employé.

    En payant toutes les cotisations et les impôts, tu te retrouves avec un revenu annuel supérieur aux employés de même catégorie du fait de « griller » les intermédiaires (SSII ...), beaucoup moins de pression (on va dire une pression saine et non hiérarchique).

    Indispensable : se faire des contacts.


  • Jean-paul 1er décembre 2009 13:35

    Aux USA les Independant contractors sont effectivement nombreux .Mais c’est oublie qu’il n’ya pas pas de lois sur le travail comme en France et que les impots et charges sociales sont beaucoup moins lourds ,sans parler de la bureaucratie francaise.


  • Jean-paul 1er décembre 2009 13:42

    Aux USA ,TVA entre 5 et 6 % ,
    Certains etats n’ont pas d’impots sur le revenu .
    Pas besoin d’expert comptable ,bureaucratie hyper simplifiee .
    En general 10 % de charges sociales salariales et 10% de charges patronales .


  • Yannick Harrel Yannick Harrel 1er décembre 2009 15:57

    Bonjour,

    Quel dommage que l’article n’approfondisse pas davantage la relation du statut d’indépendant et des réseaux sociaux tant le sujet est porteur.

    Pour ma part, l’aventure (car c’en est une, avec ses moments de félicité comme de difficulté) de l’indépendant est dorénavant liée en très grande partie par sa connaissance du système informatique en général et des réseaux sociaux en particulier. Cet emploi de l’outil informatique n’élude en rien le contact personnel, physique, mais il devient de plus en plus indispensable et préalable. Du reste, il facilite énormément la veille sur les questions relatives au domaine professionnel, mais réclame cependant une réelle méthodologie et de la rigueur à peine de croûler sous le poids des informations (la compilation ne saurait faire acte d’information).

    Cordialement


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