mardi 11 avril 2023 - par Spox

Aménagements routiers : un fiasco écologique ?

 

Aménagements routiers : un fiasco écologique ?

Pressées par les chiffres de la pollution et de la sécurité routière, les communes de France ont massivement investi dans leurs aménagements routiers. Censés résoudre tous les problèmes, les automobilistes ont ainsi vu fleurir sur leurs trajets nombre de ralentisseurs, dos-d’âne ou chicanes. Privilégiant la sécurité, un passage piéton est-il bon pour notre planète ? Les aménagements routiers : un fiasco écologique ? 

L’automobile pour unique bouc émissaire

Dans son avis mis à jour en mai 2018, l’ADEME (Agence De l’Environnement et de la Maîtrise de l’Énergie) résume clairement le problème :

“En France, il est estimé que l’exposition aux seules particules fines (PM2,5) est à l’origine de 48 000 décès prématurés chaque année. La pollution de l’air a également un impact économique : les coûts de santé liés à la pollution atmosphérique représentent chaque année entre 20 et 30 milliards d’euros (…)”. 

Pourtant, dans ce même rapport, l’ADEME reconnaît que seul un quart des émissions de particules fines sont à attribuer au transport routier. Cette proportion chute même à 16% pour l’Île-de-France, le reste incombant au secteur résidentiel, en grande partie aux feux de bois à foyer ouvert. 

46% des émissions de particules sont dues aux feux de bois, 16% pour le trafic routier.

© DRIEAT Ïle de France - 2019 / (mis à jour 2023) 

Si une interdiction de ce type de chauffage a bien été promulguée en 2015, elle ne concerne qu’une centaine de communes de la région parisienne. Sur le reste du territoire, c’est bien une chasse à l’automobile qui a été prioritairement ouverte.

Les ZFE, une bonne idée tardive et trop localisée

Au premier rang des véhicules ciblés figurent ceux équipés de moteurs diesel, sans filtre à particules (FAP). Il est incontestable que ces véhicules, majoritairement construits avant 2011, sont de gros émetteurs de particules PM2.5 et inférieures. À ce stade, il convient de présenter la classification des particules fines : 

  • PM10 : moins de 10 microns (pénètrent dans les bronches) ;
  • PM2.5 : moins de 2,5 microns (pénètrent dans les alvéoles pulmonaires)
  • PM1.0 : moins de 1 micron (très fines - pénètrent dans les alvéoles pulmonaires)
  • PM0.1 : moins de 0,1 micron (ultra fines - peuvent pénétrer dans le sang)

On comprend alors que les « ZFE » sont un grand bénéfice pour les communes qui les mettront en place, à partir de 2025. Ces zones à faibles émissions excluent des centres urbains les véhicules de classification inférieure ou égale au fameux « Crit’Air 3 » soit, principalement, les diesels sans filtre. Paradoxalement, si ces exclusions concernent une trentaine de villes de plus de 150 000 habitants, l’avis de l’ADEME stipule bien que la pollution aux particules fines touche également des agglomérations moins peuplées. Pour celles-ci, faute de pouvoir éliminer une partie du parc automobile, les seules mesures possibles touchent indistinctement tous les véhicules. Au premier rang de l'arsenal, des grandes comme des petites villes, on trouve la limitation à 30 km/h.

La limitation à 30 km/h est écologiquement inefficace

Originaires des Pays-Bas puis d’Allemagne, les zones de limitation de la vitesse à 30 km/h foisonnent en France. Ces zones ont, en premier lieu, une vocation sécuritaire et apaisante, notamment au niveau sonore. L’argument écologique est aussi fortement appuyé pour faire passer la pilule aux automobilistes. Or, si les chiffres accordent un bénéfice incontestable à la sécurité routière, force est de constater que les autres critères prêtent à discussion. Pour s’en tenir à l’aspect sanitaire, compte tenu du cycle de rendement d’un moteur thermique, le bénéfice est relatif.

Les émissions sont moindres entre 60 et 90 km/h

© CEREMA

Comme on le comprend sur le graphique, à 30 km/h, un moteur thermique ne délivre pas un rendement maximum. Essence ou diesel, il dégage davantage de CO2 (et de particules fines) qu’à 50 km/h. La meilleure allure pour l’écologie se situe même aux alentours des 60 à 80 km/h. Et quels que soient les progrès envisagés jusqu’en 2050, ce constat reste le même. Seul motif de satisfaction : rebutés, quelques automobilistes ont renoncé à leur véhicule pour les trajets courts. Un piètre résultat pour une mesure qui, inévitablement, en a appelé d’autres.

Chasser les voitures des villes, coûte que coûte

Partant du principe que la circulation dans leurs villes devait diminuer, les édiles ont tout fait pour rendre la vie de l’automobiliste plus difficile. L’argument est clairement annoncé et assumé. Les centres-villes et leurs abords, ont vu diminuer drastiquement la place laissée aux véhicules particuliers. Des artères pénétrantes à deux voies se sont vues amputées de moitié afin de laisser, dans le meilleur des cas, de larges files pour les transports en commun ou la « mobilité verte ». Le nombre de véhicules n’a pas diminué. Pire, lorsque les artères sortantes se sont vues infliger le même traitement, les automobiles se sont retrouvées piégées au cœur des villes. Arrêtés de longues minutes et avançant par à-coups, les véhicules émettent plus de fumées ; la pollution augmente. Et quelles que soient les décisions prises (parkings relais, coût de stationnement prohibitif, incitations au covoiturage, etc.), le constat est toujours le même : le nombre de voitures ne diminue pas suffisamment pour atténuer la pollution. 

Ralentir les véhicules, c’est accélérer la pollution

Après avoir sclérosé les centres-villes, la chasse s’est étendue aux zones péri-urbaines. Avant de faire l’inventaire des armes déployées, revenons un peu à la technique. Comme évoqué plus haut, un véhicule est « chaste » lorsqu’il roule de façon régulière à une vitesse suffisante. Lorsqu’il freine, les plaquettes se désagrègent sur les disques de frein et dégagent des particules fines. Lorsqu’il accélère, le moteur monte en régime et émet davantage de Nox et, là encore, de particules fines. Cet aparté terminé, étudions maintenant les aménagements urbains les plus courants.

  • Les ralentisseurs ou dos d’âne : en plus du bruit qu’ils génèrent, ils obligent à un freinage et à une ré-accélération immédiate.

  • Les chicanes : ces rétrécissements de voies obligent à un arrêt complet si un autre véhicule est croisé au mauvais moment. La plupart du temps, ils sont aménagés sur des lignes droites qui permettraient d’éviter ce surcroît de pollution. Placés juste avant ou après une intersection, ils parviennent même à générer des blocages.

  • Les priorités à droite : alors qu’un stop sécurise raisonnablement l’automobiliste, la priorité à droite anxiogène le fait ralentir, voire freiner, puis accélérer de nouveau, souvent pour rien.

  • Les passages piétons : bien sûr, d’un point de vue sécuritaire, il est normal qu’un piéton soit prioritaire sur un véhicule lourd. D’un point de vue écologique par contre, c’est illogique.

Cet inventaire, non-exhaustif, montre à quel point tous les aménagements réalisés dans nos villes sont écologiquement catastrophiques. Sans décourager totalement les automobilistes, ils les amènent à adopter le style de conduite idéal pour émettre le plus de pollution possible.

Fluidifier le trafic et assurer la sécurité, c’est possible !

Alors, que faudrait-il faire ? Le maître-mot pour diminuer la pollution d’un véhicule à moteur est la fluidité. Pour l’heure, c’est l’inverse qui lui a été imposé. D’un point de vue sécuritaire comme sanitaire, les problèmes se posent essentiellement aux intersections. Il faut simplement les éviter. Bien sûr, des aménagements comme des ponts, passerelles ou tunnels sont onéreux. Si l’on considère les coûts cumulés de la pollution et de la sécurité routière, ils sont finançables. Il faut amener les véhicules sans heurts jusqu’au plus près des centres-villes et leur permettre de repartir dans les mêmes conditions. Plutôt que d’essayer de faire cohabiter des véhicules disparates, de la trottinette au camion, la spécialisation des voies serait largement préférable. Il faut garder les ZFE, créer des zones totalement piétonnes et aménager les autres voies en couloirs homogènes pour assurer la régularité du trafic.

Dresser un bilan a posteriori est facile. Les moteurs thermiques, même si des pays comme l’Allemagne et l’Italie n’en sont plus très convaincus, disparaîtront des catalogues en 2035. Ils rouleront sans doute jusqu’au milieu du 21e siècle mais petit à petit, l’électrification et les progrès technologiques diminueront les émissions de particules fines. Les coûts nécessaires à la réalisation des bons aménagements routiers sont aujourd’hui disproportionnés par rapport à leur durée d’utilité. S’il est trop tard pour atténuer la pollution de nos bon vieux moteurs à explosion, souhaitons que les autorités y parviennent pour leurs homologues à neutrons. Il serait regrettable que la multiplication de leurs encombrantes batteries place l’humanité devant des conséquences encore plus néfastes.

Sources : 

  • ADEME - Rapport : Émissions de particules et de NOx par les véhicules routiers - mai 2018
  • CEREMA - Émissions routières des polluants atmosphériques : Courbes et facteurs d’influence - août 2021


16 réactions


  • Et hop ! Et hop ! 11 avril 2023 22:06

    «  Cette proportion chute même à 16% pour l’Île-de-France, le reste incombant au secteur résidentiel, en grande partie aux feux de bois à foyer ouvert. »


    Ces dénonciations fanatiques de la pollution par les cheminées à feu ouvert sont complètement mensongères, leur utilisation a été réduite de 99,99 %, par exemple par rapport à l’année 1900 où il y avait :

    des cheminées dans toutes les maisons et dans toutes les pièces, sans parler des poêles, des cuisinières et des chaudières à bois.

     toutes les chaudières, les trains, les aciéries, les conserveries, les usines, les paquebots, les batteuses, les usines de gaz de ville, les chauffages centraux d’immeubles, d’hôtels, d’administrations,etc.. fonctionnaient au bois ou au charbon.

     toutes les feuilles mortes, chaumes, sarments de vigne,... étaient brûlés.


    En 1900, il n’y avait pas de réchauffement climatique, toutes les cultures étaient biologiques, il n’y avait pas de pollutions chimiques, ni de circulation automobile avec des moteurs diesel, mais beaucoup de tuberculoses dues aux carences alimentaires.

    Il ne reste en 2023 que quelques feux d’agrément faits quatre ou cinq fois par an (en particulier le jours de Noël) par certaines familles qui possèdent une cheminée, ce qui est totalement insignifiant et sans aucun effet sur l’environnement.


    Ce discours contre les feux de bois et la viande relève du puritanisme et du fanatisme.


    • Aita Pea Pea Aita Pea Pea 11 avril 2023 22:16

      @Et hop !
      Cette lutte est surtout faite en périurbain et rural contre les ceusses qui osent encore débiter du bois pour faire des stères dans le bois de tatie Ginette ou du voisin Georges pour quelques euros en liquide.


    • Spox Spox 12 avril 2023 08:56

      Bonjour @Et hop !,

      Les chiffres avancés émanent de la DRIEAT Île-de-France (Direction régionale et interdépartementale de l’environnement, de l’aménagement et des transports) qui les tient de AirParif. Ils datent de 2019 et AirParif a été créé en 1979.
      Il est effectivement probable que la part des émissions par des feux de cheminée à foyer ouvert soit en grande diminution à l’heure actuelle, mais il y a donc 4 ans, c’était tout de même bien près de 46% des PM2.5 émises en région parisienne qui provenaient de ces foyers.


    • Et hop ! Et hop ! 12 avril 2023 17:29

      @Spox : «  Il est effectivement probable que la part des émissions par des feux de cheminée à foyer ouvert soit en grande diminution à l’heure actuelle »

      C’est pas probable, c’est certain, ils ne sont pas en grande diminution : ils ont presque complètement disparu de 99,99%, et ce n’est pas actuel, c’est depuis 80 ans, depuis qu’on a commencé à remplacer le bois et le charbon par du fuel, du gaz naturel et de l’électricité.

      Les faux de cheminés récréatives sont devenus complètement anecdotiques, en parler comme source de pollution c’est un mensonge absolu, encore plus quand c’est une source officielle.

      Ça évite de parlers de la pollution des super tankers, un seul porte centeneur pollue plus toutes les voitures diésel de la région parisienne, de parler des avions cargos, de remettre en question les délocalisations, de parler des chars Abrams qui consomment 1 800 litres de kérozène aux 100 km, des 200 porte-avions et des 900 bases militaires US.


  • marcsim 12 avril 2023 07:02

    Les particules viennent majoritairement des pneus. Phénomème qui s’aggrave avec le poids des véhicules notamment électriques.


    • Spox Spox 12 avril 2023 09:06

      Bonjour @marcsim,

      C’est exact. Près de 60% des particules fines émises aujourd’hui le sont par abrasion, soit des freins, soit des pneus sur la route.
      Si cette part augmente, c’est aussi parce que celle émanant des moteurs diminue, attention aux raisonnements par pourcentage.

      Toutefois, et c’est encore l’ADEME qui l’écrit : 

      « On ne note pas un écart significatif des émissions totales de particules entre les véhicules électriques à forte autonomie et les véhicules thermiques neufs actuels, qui n’émettent quasiment plus de particules à l’échappement »

      Oui, le poids des batteries et la masse totale des véhicules électriques font que leurs pneus se désagrègent plus vite et que les efforts de freinage sont plus importants.

    • Et hop ! Et hop ! 12 avril 2023 17:35

      @marcsim :

      Oui, l’augmentation du poids des voitures électrique émet plus de particules fines que les moteurs diésel qui sont supprimés par l’électrification.

      La seule réduction réelle de la consommation énergétique et de l’impact écologique d’une voiture est de baisser son poids, or il augmente chaque année depuis 40 ans.


    • Spox Spox 12 avril 2023 17:55

      @Et hop !

      C’est exact et en grande partie causé par les dispositifs et renforts de sécurité des voitures modernes. Un bien pour un mal ?

      En ce qui concerne les voitures électriques, ce sont les batteries, dont dépend l’autonomie, qui détermine le poids total.
      La plus vendue en France, la Tesla Model Y, pèse près de 2 tonnes pour 500 km d’autonomie (WLTP). La seconde, la Dacia Spring, 900 Kg pour... 230 Km (WLTP).

      Faut-il instaurer un malus au kilo pour les voitures électriques ?
      J’ai vu passer la question à plusieurs reprises il me semble...


    • Et hop ! Et hop ! 12 avril 2023 22:03

      @Spox

      Le poids n’augmente pas à cause des dispositifs de sécurité, mais surtout à cause de la mode de faire plus gros, la longueur qui passe ainsi pour une Polo de 3,60 à 4,15 m, la largeur, et la hauteur qui augmentent à chaque nouvelle version, ce qui donne les SUV.

      Les voitures courantes des années 1980 : Ax, 205, Mini, Fiat 500, Twingo, paraissent vraiment minuscules, elles étaient légères.

      Une Renault 4cv (de 1947) consommait 5,7 litres d’essence ordinaire aux100 km, on a fait très peu de progrès de consommation en 80 ans, on a gagné 1 litre aux 100.

      L’augmentation du poids oblige à renforcer le châssis, la largeur des pneus, les suspensions, les freins, et aussi la puissance du moteur, etc... ce qui augmente encore le poids, oblige à de nouveaux renforcement, etc... 


  • Montdragon Montdragon 12 avril 2023 08:29

    ZFE bonne idée à la base ?


    • Spox Spox 12 avril 2023 09:14

      Bonjour @Montdragon

      Pour moi oui, mais c’est évidemment un vrai sujet de tension, voire de discrimination. C’est plus franc qu’un péage prohibitif mis en place dans certaines villes comme Londres.
      Clairement, le problème ne vient pas de ces zones, qui pourraient même être totalement « vertes » pour faire des centres-villes des endroits plus apaisés.
      Il provient surtout des voies qui permettent d’y accéder !


  • lecoindubonsens lecoindubonsens 12 avril 2023 10:26

    Article intéressant qui remet bien en cause quelques fausses évidences.

    Mais pas ok sur le principe des ZFE = discriminatoire ! favorable à une amélioration globale des véhicules, et ceux ci n’étant pas éternels, les plus anciens disparaitront naturellement sans besoin de discriminer.

    Par ailleurs, quand même un peu surpris par la pollution en Ile de France  : 16% par les véhicules et 46% par les poêles à bois !!! Si nous voyons sans problème les milliers de véhicules, j’ai un peu de mal a voir les citoyens faisant leur plein de bois pour leur poêle smiley


  • jymb 12 avril 2023 12:38

    Bravo pour cet article

    Certains villages sont devenus une succession ininterrompue de casses-voitures hypertrophiés, véritables trottoirs transversaux archi dangereux, hors normes et polluants à l’extrême par la succession de freinage/ arrêt/ redémarrage...et les premiers en général en rase campagne, dans les champs, sans la moindre habitation à proximité 

    Etonnamment aucune autorité régulatrice, aucun contrôle technique, aucune ecotaxe ne viennent mettre leur nez dans ce fatras anarchique, souvent constellé de débris de plastique témoignant des effets ravageurs 


    • Spox Spox 12 avril 2023 17:39

      Bonjour @jymb,

      Là, vous touchez du doigt une autre source de polémique : la légalité et la normalisation des ralentisseurs. 
      Par exemple, et vous devez l’évoquer, le « coussin berlinois », sorte de rectangle biseauté dont le manque de solidité et le caractère glissant auraient pu justifier l’interdiction. Il est en effet très dangereux, surtout pour les motards. Il est toujours installé, avec uniquement une nouvelle norme anti-glissance imposée. Les anciens n’ont pas toujours été retirés, ils se désagrègent doucement.
      D’autres sont trop hauts, trop courts, etc. ; quand vous en rencontrez, vous pouvez les signaler à la plus connue des associations d’automobilistes.


    • jymb 13 avril 2023 13:08

      @Spox
      Je crains que les maires s’en f... il n’y a aucune coercition pour les ramener à la raison, là où un simple signalement devrait faire initier automatiquement une enquête indépendante 
      J’admire le silence des écolos devant l’évidence de cette sur-pollution évitable
      Et entamer une procédure pour faire rembourser son pare choc ou sa jante brisée signifie expertise, huissier, contre expertise, procès, appel ...


  • cétacose2 12 avril 2023 21:52

    Sans oublier que les maires sont souvent vendus ...ou achetés et que les ralentisseurs accélérent quelques rentrées d’argent personnelles...


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