Consensus, corruption, et autoconfirmation « climatiques »
Grâce à l'un des participants du groupe de discussion, Paul Aubrin a relu la
déposition du professeur de climatologie Judith Curry devant le comité
pour les sciences, l'espace et la technologie de la chambre des
représentants des USA en mars 2017. Ses explications sur la formation du
consensus du GIEC (comité international des experts gouvernementaux pour
le climat) méritent d'être soulignés.
À L'INTENTION DU
COMITÉ DES SCIENCES, DE L'ESPACE ET DE LA TECHNOLOGIE
DE LA CHAMBRE DES REPRÉSENTANTS DES ÉTATS-UNIS
Audition sur la science du climat : Hypothèses, implications politiques
et méthode scientifique
9 March 2017
Judith A. Curry
Climate Forecast Applications Network
Georgia Institute of Technology
Extraits traduits :
Je suis de plus en plus préoccupée par le fait que le problème du
changement climatique et sa solution ont été largement simplifiés à
outrance. Le résultat de ce cadrage simplifié d'un problème complexe et
méchant est que nous manquons d'informations pour comprendre plus
largement la variabilité climatique et les vulnérabilités sociétales.
Motivée par le mandat de la Convention-cadre des Nations Unies sur les
changements climatiques (CCNUCC) de s'attaquer aux changements
climatiques dangereux causés par l'homme, la communauté climatique a
travaillé pendant plus de 20 ans pour établir un consensus scientifique
sur les changements climatiques causés par l'homme, ce qui a fait monter
prématurément l'hypothèse sur le niveau des émissions de gaz à effet de
serre d'une hypothèse scientifique à une théorie avérée. Les théories
prématurées mises en application par un consensus explicite nuisent au
progrès scientifique en raison des questions qui ne sont pas posées et
des recherches qui sont effectuées. ne sont pas entrepris.
Comment les scientifiques s'abusent eux-mêmes.
Avant 2010, j'acceptais et je soutenais les conclusions consensuelles du
rapport d'évaluation publié par le groupe intergouvernemental sur le
climat (GIEC). Mon impression était que c'était une attitude responsable.
Toutefois, après les révélations du climategate, je m'aperçus que j'avais
été victime d'un pensée de groupe, un type de pensée caractérisé par la
conformité aux valeurs d'un groupe et la fabrication d'un consensus qui a
pour résultat de nous abuser nous-même. Je me lançai alors dans une
recherche sur les façons dont les scientifiques peuvent s'égarer eux-
mêmes, en examinant les précédents de tromperies dans d'autres domaines
scientifiques et en lisant des analyses faites d'un point de vue de la
psychologie et de la philosophie des sciences.
[...]
En raison de la complexité du problème climatique, les scientifiques
utilisent différents modèles mentaux pour évaluer les éléments de preuves
reliés entre eux. Les biais peuvent abonder quand on raisonne et que l'on
tranche sur des problèmes d'une telle complexité. Des biais peuvent
résulter d'une importance excessive donnée à une seule information
probante, l'existence de raccourcis dans les raisonnements, l'incapacité
de tenir compte de l'ignorance et des indéterminations, ainsi que les
sophismes et les erreurs incluant le raisonnement circulaire.
Les biais cognitifs sont en relation avec la capacité à se tromper soi-
même. Les biais cognitifs les plus rencontrés dans les sciences du climat
incluent la liste suivante :
• Le biais de confirmation : c'est la tendance qu'ont les gens de
rechercher ou d'interpréter les informations dans un sens qui confirme
leur préjugés ;
• Le biais d'auto-promotion : c'est la tendance à évaluer les
informations dans un sens qui est sert leurs intérêts propres ;
• Le biais de croyance : il consiste à évaluer un argument selon
ce que l'on croît être la bonne conclusion ;
• La restriction : il consiste à utiliser un point de vue étroit
qui mène droit à la conclusion prévue ;
• L'excès de confiance : il consiste en une croyance excessive et
non justifiée ;
• Les corrélations intempestives : c'est l'identification à tort
de relations qui dont en fait seulement des événements rares ou nouveaux.
Un récent article du statisticien Regina Nuzzo dans la revue Nature
résume le problème :
C'est le gros problème en sciences que personne ne souhaite aborder : même
une personne honnête est un maître en auto-illusion. Dans l'environnement
actuel, notre talent pour sauter droit à la conclusion rend bien trop
facile de remarquer des motifs, en fait inexistant, dans les figures du
hasard, d'ignorer les explications alternatives qui expliqueraient aussi
le résultat, ou d'accepter des explications "raisonnables" sans se poser
de question - c'est à dire de sans cesse nous leurrer nous même sans même
nous en rendre compte.
Théories prématurées et consensus fabriqués.
Un débat scientifique peut évoluer prématurément en une théorie acceptée
si les forces culturelles sont suffisamment fortes et toutes dirigées
dans le même sens. L'expert en politique des sciences Daniel Sarewitz
décrit le processus ainsi :
"Comme un champ magnétique qui force la limaille de fer à s'aligner, une
croyance culturelle puissante est capable d'aligner de multiples biais
scientifiques dans la même direction. La croyance ici est que le progrès
de la science est équivalent à la production continuelle de découvertes
positives. Les scientifiques sont récompensés à la fois
intellectuellement et professionnellement, les administrateurs
scientifiques en reçoivent plus de pouvoir et le public désir d'un monde
meilleur est rempli."
J'ai argumenté que les biais cognitifs dans le contexte de la
construction du consensus du GIEC autour du réchauffement climatique
anthropique résultèrent dans l'auto-confirmation de plus en plus affirmée
du consensus au détriment de l'application de la méthode scientifique.
Fin de citation de Judith Curry, climatologue.