samedi 27 octobre 2018 - par
Le ridicule, anti-démocratique mais aussi très intéressant rejet du budget Italien
Tout de même, il fallait l’imaginer : confier à Mocovici le soin de rejeter le budget italien dépasse les limites de l’absurde. Voici donc un ancien ministre du budget, qui assurait en 2012 tenir les 3% du PIB de déficit dès 2013, puis qui a repoussé l’objectif à 2015, avant de le rejeter à 2017, qui interpelle un pays qui reste sous ce seuil ! Nouvelle démonstration éclatante de la folie de l’UE…
Règles folles, arbitraire effarant et agenda caché
Déjà, pour qui prend un peu de recul, le rejet du budget Italien est proprement abracadabrantesque. Non seulement, Rome reste sous la barre arbitraire des 3% du PIB de déficit, mais évoquer le fait que l’équipe précédente avait promis un déficit de 0,8% du PIB est ubuesque. D’abord, on pourrait renvoyer à Moscovici deux années de promesses non tenues, qui n’ont pas provoqué de rejet du budget Français, malgré un niveau supérieur à 3% du PIB alors… Ensuite, mais c’est sans doute un détail peu compréhensible pour les hiérarques européens, n’est-il pas normal démocratiquement que les projets d’un gouvernement défait à des élections n’engagent pas les opposants élus à sa suite ?
Au moins, cela démontre à nouveau à ceux qui en auraient encore besoin le caractère profondément anti-démocratique de cette construction européenne, qui prétend imposer les choix d’une majorité défaite dans les urnes à la nouvelle majorité toute juste élue, qui n’aurait pas le droit d’appliquer le programme choisi par les électeurs ! En revanche, la France de Hollande, qui avait promis d’atteindre les 3% de PIB en 2013 peut ne pas tenir sa promesse pendant quatre ans, sans voir son budget rejeté. Et parallèlement, la France de Macron peut augmenter son déficit en 2019 en transformant le CICE en baisse de cotisations sociales permanentes. Un deux poids deux mesures effarant.
Et comme le rappelle Benjamin Masse-Stamberger dans Marianne, on peut également rappeler que ces règles ont eu des conséquences économiques calamiteuses pour les pays de l’UE, qui ne sont pas parvenus à véritablement sortir de la crise démarrée il y a dix ans. Ces règles effarantes ont présidé à une décennie calamiteuse, et notamment à un PIB Italien toujours 5% plus bas qu’avant la crise. Même le FMI donne des arguments contre les euro-austéritaires, et les choix du nouveau gouvernement Italien, même s’ils restent critiquables à bien des égards, semblent bien plus raisonnables que les potions amères éternelles imposées par cette folle construction monétaire.
Qui plus est, comme le soutient Steve Ohana dans le FigaroVox, « la commission joue un jeu dangereux ». En effet, le nouveau gouvernement Italien ne semble pas être dans l’état d’esprit de Tsipras et il semble totalement inpensable qu’il revienne sur son budget. L’épreuve de force semble donc inéluctable et il est probable que Rome ne cèdera pas. Du coup, la Commission pourrait bien ouvrir la boite de Pandore : soit elle finit par transiger pour pas grand chose et affaiblit son autorité, soit elle refuse les compromis, mais il semble alors très possible que Rome aille à la rupture : de nombreux membres proéminents de la majorité sont ouverts à la sortie de l’euro, contrairement à la Grèce.
Ce faisant, cette semaine pourrait bien être historique en ce qu’elle pourrait représenter le début de la fin de la monnaie unique européenne. L’ordre euro-austéritaire s’est mis dans une situation où il pourrait bien avoir à choisir entre le début de sa fin, ou céder à Rome, car finalement, ces chaines européennes ne sont que des chaines de papier, qui peuvent être foulées au pied, comme l’a bien montré un élu Italien.