Miracle ou mirage du modèle économique et social des pays scandinaves ?
Le contexte
La Scandinavie, ensemble géographique de l'Europe septentrionale regroupe le Danemark, la Finlande, la Norvège et la Suède. Les restrictions imposées par les rigueurs du climat ont entretenu chez leurs habitants un altruisme dont les effets sociaux demeurent. On y observe, hors Islande une population de 28 Millions d'habitants en 2024 : le Danemark regroupe environ 6 millions d'habitants pour une densité de 120 au kmcarré, la Finlande 5,7 millions, la Norvège 5,8 Millions pour une densité de 11 au kmcarré. Le PIB par habitant est partout plus élevé qu'en France.
Ce sont des pays où la démographie est de faible densité dans un environnement physique très étendu, les populations bénéficiant d'un pouvoir d'achat parmi les plus élevés au monde. Les entreprises y sont attractives et très compétitives, soutenues par des politiques industrielles menées par les Etats. Dans ces systèmes Sociaux-démocrates, ont été mis en place une flexibilité du marché du travail largement compensée par des amortisseurs sociaux : forte indemnisation et suivi des chômeurs visant à les exclure de la précarité. Ce sont des sociétés homogènes, avec un niveau d'instruction élevé , et une quasi absence de pauvreté. L'éventail des salaires y est réduit par rapport à ce que l'on observe en France. Soulignons que l'hexagone est englué dans une politique de l'offre “ probusiness ” chantre de la « start up nation » mise en place en 2017 par Emmanuel Macron qui a conduit comme on peut l'observer à à une paupérisation des travailleurs. C'est ainsi que cette politique n'a pas réussi à générer assez d'activité et d'investissements, et que la productivité du travail et la productivité globale des facteurs ont reculé.
Entreprises compétitives et fort niveau d'innovation
Selon des données publiées par la Direction Générale du Trésor, le Danemark qui consacre 2,9% de dépenses en R& D en % du PIB, la Suède 3, 4%, la Finlande 3%, occupent les trois premières places des Etats membres de l'UE les mieux placés en termes d'innovation, ce qui contribue au dynamisme de ces économies. Les entreprises bénéficient d'un cadre législatif souple et de simplification administrative. ( Dépenses en R& D en % du PIB Source Banque Mondiale ).
Le Danemark et ses 6 millions d'habitants est le point d'entrée de la demande des pays nordiques au travers du port de Copenhague, place maritime très importante en Mer du Nord qui accueille l'armateur Maersk ( deuxième armateur mondial ). Une base logistique de fret aérien et maritime y est aussi présente. Ce pays très prospère regroupe aussi un ensemble d'entreprises innovantes des secteurs de la pharmacie avec Novo Nordisk, de l'éolien et du son. Il est aussi autosuffisant sur le plan énergétique ( pétrole et gaz , parcs éoliens). A Copenhague, l'eau et la végétation viennent s'insérer dans le paysage urbain et créent une grande diversité des paysages.
En Finlande, pays aux mille lacs et peuplé de 5,7 millions d'habitants, la population est marquée par une grande conscience écologique. On retrouve à Helsinki, fille de la baltique, une symbiose avec les éléments naturels que sont les criques et les iles avoisinantes. Le pays est devenu une « start-up nation », avec une politique de stimulation de l'innovation dans tous les secteurs. Les technologies de l'information de de la communication ( TIC) y sont très développés, l'électronique, l'économie numérique, ainsi que la production d'énergie éolienne et hydraulique. Enfin l'immense ressource forestière, qui couvre plus des trois quarts du territoire et les technologies propres y sont valorisés au travers de l'industrie du papier et de la pâte à papier.
La Suède et ses 10,5 millions d'habitants a pour capitale Stockholm, Venise du Nord au coeur de la Mer Baltique. Le gouvernement a consacré en 2024 10,8 Milliards d'Euros au budget de la défense, soit 2, 2% de son PIB, dans le cadre de vives tensions internationales dans la région qui perdurent avec le sabotage de câbles de communication. A l'issue d'une grave crise financière dans les années 1990, le consensus politique a permis de mener des réformes dans la durée ? Son activité regroupe des produits haut de gamme que sont la construction automobile avec Volvo, première entreprise scandinave, l'aviation, l'énergie nucléaire, l'accélération des innovations dans les technologies numériques. L'industrialisation verte a été récemment remise en cause à la suite de la décision du gouvernement de rejeter des projets de parcs éoliens et d'encourager la construction de nouvelles centrales nucléaires.
En Norvège la population de 5,8 millions d'habitants réside au bord de la mer du Nord. Les villes toutes de taille moyenne sont situées sur les côtes, incluant d'innombrables fjords et iles. La pêche et l'aquaculture sont des industries historiques en plein essor, tout en promouvant le respect des espaces naturels. Le plateau continental regroupe d'importantes réserves d'hydrocarbures ( pétrole et gaz) les opérations offshore réalisées par les compagnies pétrolières y sont d'une très grande technicité et nécessitent des investissements considérables. En 2024, le secteur des énergies fossiles représente encore 36% du PIB et 64% des exportations. Ce pays hors UE le plus riche d'Europe par habitant, est aussi une référence en matière d'égalité homme-femme au coeur de l'identité nationale et dans le monde du travail.
Marché du travail et fiscalité
Les scandinaves, peu nombreux ont un très grand esprit civique, ce qui rend leur modèle non transposables dans nos systèmes libéraux. Les salaires minimum sont déterminés par branche et par négociation entre les partenaires sociaux, et l'éventail des salaires et des revenus est réduit, allant de 1 à 3. il existe un consensus entre patronat et syndicats conduisant à la minimisation des inégalités sociales par leur participation efficace au marché du travail et à la formation en continu. L’impôt sur le revenu est fortement progressif et représente au Danemark 24, 5% du PIB, en Suède 12,3%, en Finlande 12,8%, chiffre qui tombe à 9, 5% pour la France. ( Source : Toute l'Europe )
Modèle de transition énergétique ? Il n'en est rien
De par leurs ambitions écologiques croissantes, la part des énergies renouvelables y sont très élevées dans l'éolien, le solaire, la biomasse, mais les pays scandinaves exploitent toujours intensément les énergies fossiles et nucléaires. Ces pays consomment beaucoup d'énergie électrique de par leur haute latitude et leurs émissions de CO2 par habitant sont élevées : 7,1 t / hab pour la Norvège et 8,7 t /hab en moyenne européenne. Abandonner les investissements en énergies fossiles perturberait leur modèle économique encore très dépendant de la rente pétrolière et gazière. Enfin, dans le domaine industriel les transports routiers en Europe du Nord sont toujours liés aux produits pétroliers. (Source : Geoconfluences. ens / Lyon )
En résumé, Emmanuel Macron et ses conseillers ont vanté dès 2017 les vertus du modèle scandinave, plus précisément de la flexisécurité danoise. Rappelons que la flexibilité du marché du travail y est compensée par la qualité du dialogue social, un éventail des salaires réduit, une fiscalité progressive, une population peu nombreuse, un puissant esprit civique, des entreprises compétitives, un Etat stratège un fort niveau d'innovation, un PIB par habitant très élevé, rendant ce schéma non transposable en France et dans les autres pays de l'UE dans la configuration actuelle.
Eliane JACQUOT