Attentats du GSPC en Kabylie
Le président Bouteflika en sera pour ses frais ! Le dispositif légal et réglementaire qu’il a mis en œuvre pour faire amnistier tous ceux qui ont plongé l’Algérie dans un bain de sang se révèle désormais inopérant. Il a suffi qu’un groupe de gens armés, le GSPC en l’occurrence, fomente une série d’attentats à la bombe dans les Wilayates de Tizi Ouzou et de Boumerdes, aux portes d’Alger, pour que la peur se réinstalle dans tout le pays. L’évènement qui aurait fait 8 morts et une trentaine de blessés, en majorité des victimes civiles, a été repris en boucle par toutes les chaînes de télévision qui comptent. La presse écrite lui consacre également la Une de ses journaux et les journalistes « spécialisés » dans l’Algérie, celle de la violence et du chaos, qui avaient rangé leurs stylos depuis quelque temps, reprennent du service. Lorsque le processus d’une amnistie qui se refusait de dire son nom, parce qu’il obéissait plus à une stratégie politicienne qu’à une volonté de réconciliation et de pardon, avait été enclenché, de nombreuses voix, particulièrement celle des familles de disparus, avaient fustigé ce qu’ils ont qualifié d’auto amnistie. Parce que les milliers de personnes qui avaient été enlevées, le plus souvent par des forces de sécurité, ne pouvaient, de cette manière, être passés en pertes et profits. Parce que leurs parents gardaient l’espoir qu’ils étaient encore vivants, parce qu’ils pouvaient être exécutés à posteriori pour ceux d’entre eux qui étaient encore vivants, pour effacer toute trace de l’implication des services de sécurité dans les exactions. Les familles de disparus, qui ont refusés de se laisser acheter, qui continuent à ce jour d’exiger que la vérité soit faite et que leurs morts leurs soient rendus, ont été menacées, persécutées, réduites au silence, empêchées de se réunir, qualifiées d’ « anti nationalistes ».
Des moyens exorbitants et toute la puissance publique seront ainsi consacrés à mettre aux oubliettes une guerre atroce contre les civils qui a fait 200 000 morts, pour reprendre le chiffre du chef d l’État, plusieurs dizaines de milliers de disparus, avec tout ce que cela a engendré de veuves et d’orphelins, et tous ceux qui ont survécu à une torture instituée en pratique systématique d’interrogatoire. Ceux qui avaient provoqué délibérément cette immense tragédie, qui l’avaient mise à profit pour engranger des milliards de dollars et qui avaient pris en main les leviers principaux d’un pouvoir de la rente, avaient fini par prendre au sérieux les risques de pouvoir répondre, un jour ou l’autre, pour crimes contre l’humanité devant des institutions internationales. Ils décidèrent donc de négocier avec le candidat Bouteflika, qui était le Président sortant, d’une stratégie qui pouvait les absoudre, en contrepartie de leur bénédiction pour un deuxième mandat. Et c’est ainsi qu’ils réussirent à se faire pardonner, le mot est faible, par le « peuple souverain » qu’ils ont supplicié. La consultation eut lieu dans des conditions honteuses. Jusqu’à un matraquage médiatique subliminal qui ne laissait pas d’autre choix aux électeurs qu’entre continuer de se faire massacrer ou d’accepter de fermer leurs bouches et leur mémoire. La Charte pour la réconciliation nationale et ses textes d’application allèrent jusqu’à aménager dans leurs dispositions des passages où les bourreaux, « agents honorables de l’Etat », furent sublimés, portés aux nues, considérés comme les sauveurs de la République. D’autres dispositions y précisent qu’il est interdit de les accuser, de les poursuivre et même, dans le fond, d’entreprendre tous travaux de recherche sur leur implication dans la tragédie. Ce fut donc une auto amnistie au vrai sens du terme .
Les Généraux algériens qui furent à l’origine du malheur de tout un peuple furent ainsi soustraits à toute forme d’investigation sans autre forme de procès et même sans que leur implication fut seulement évoquée, dans cette charte qui restera dans l’Histoire comme un monument de fausseté et de scélératesse. Dans le lot furent absous par la même occasion tous ceux, islamistes armés, qui furent les instruments aveugles et zélés de ceux qui leur concoctaient des fetwas d’assassinat depuis leurs bureaux des Tagarins de Ben Aknoun et d’ailleurs. Il le fallait bien, pour neutraliser en un seul coup tous ces illuminés de bas étage, ces hommes de main sanguinaires. Ils n’étaient plus d’une quelconque utilité si ce n’est de servir de prétexte pour ramener les compteurs à zéro et permettre aux nouveaux milliardaires de faire fructifier leurs trésors de guerre. La flambée des prix des hydrocarbures aidant, le Président BouteflikaBouteflika croyait avoir enfin la possibilité de donner la pleine mesure de son destin national. L’Histoire n’a pas d’État d’âme, croyait il. Qu’importent les moyens utilisés si en fin de compte il pouvait renvoyer tous ces " chefs de guerre " à leurs casernes ou à leurs foyers et faire accéder de plain pied le pays au rang qu’il voulait pour lui. Dans quelques années, devait il penser, les plaies seront cicatrisées, les morts oubliés et l’Algérie hissée au niveau de prospérité et de paix retrouvée que lui permettent ses moyens et sa position. L’Histoire se souviendrait de lui, croyait il, comme de l’Homme providentiel, celui qui a sorti l’Algérie du chaos. Mais c’était compter sans l’ambition maladive et démesurée des décideurs qui sont tapis dans l’ombre du Pouvoir. Si certains d’entre eux, à l’instar du Général Major Mohamed LAMARI, ont accepté juste après l’adoption de la Charte nationale pour la réconciliation, de se retirer et de se consacrer à leurs affaires, en contrepartie de privilèges tenus ultra secrets jusqu’à aujourd’hui, il n’en a pas été de même des chefs du DRS. Ceux-ci, qui ont réussi, à la faveur de la décennie rouge, à bâtir une organisation tentaculaire qui noyaute tous les cercles vitaux du Pouvoir, et qui sont conscients qu’ils continuent de tenir entre leurs mains, non seulement les mannes de toutes les rentes et particulièrement celle des hydrocarbures, mais surtout l’essentiel du Pouvoir. Ils sont bien plus puissants, en terme de nuisance, que le Président de la République lui même, quoique celui-ci ait réussi, pour des considérations diverses et contrairement à ses derniers prédécesseurs, à réintégrer de très larges espaces décisionnels. Les chefs du DRS ont donc refusé net de se consacrer à leurs seules prérogatives, seraient elles exorbitantes. Ils pouvaient pourtant continuer à agir dans la vie publique comme le font leurs homologues du SDECE, de la CIA, du M16, c’est-à-dire dans toutes les missions habituellement dévolues aux services spéciaux en matière de sécurité du territoire. Mais en étant placés sous la houlette du Chef de l’État, qui a toute latitude de les congédier. Or c’est cet aspect des choses qu’ils refusent d’envisager. Non seulement ils n’acceptent pas de se conformer à une vision républicaine de leurs prérogatives, ils ne veulent pas remettre éventuellement à quelqu’un d’autre la formidable pieuvre qu’ils ont conçue, mais ils ne veulent surtout pas sortir du noyau de la Décision politique. Surtout pas maintenant que les Néo Cons américains les ont embrigadés dans leur politique planétaire de « Lutte contre le terrorisme islamiste » Les Américains connaissent plus que quiconque la réalité de la tragédie algérienne. Ils connaissent les moindres détails du vaste complot du DRS et d’autres généraux sur la manipulation des groupes armés, sur la guerre psychologique qui a été menée contre le peuple algérien, sur la parfaite maîtrise de la torture, des massacres de masse, sur les enlèvements et sur tout l’effroyable cortège de techniques de guerre subversives qui ont été utilisées pour arriver à leurs fins. Ils savent et ils n’ont pas tort de le penser, que le DRS a vaincu le FIS. Il l’a annihilé ! Aux yeux des Américains qui ont suivi avec attention le formidable succès du FIS au sein de la population, pour s’être servis eux même de nombreux de ses dirigeants dans le « Djihad » en AfghanistanAfghanistan, l’ascension de l’islamisme politique en Algérie était irréversible. L’interruption du processus électoral après la victoire du FIS et les évènements qui s’ensuivirent avaient laissé penser à de l’improvisation et à des sursauts de désespoir d’une junte qui voulait sauver sa peau. La suite des évènements n’allait pas tarder à démontrer que ceux qui avaient pris les évènements en main étaient passés maîtres dans la subversion de haut vol. Ils avaient été formés sur le tas. Sur un tas de cadavres. Mais de fil en aiguille, de massacre en élaboration de Fetwas, et d’infiltration d’islamistes en création de toutes pièces de groupes armés, le DRS et des Généraux d’autres corps, allaient découvrir, chemin faisant, que tout était possible, puisque tout était permis, y compris par celles d’entre les démocraties occidentales qui se posaient en champions des Droits de l’Homme. Les Américains qui ne cachent pas leur admiration pour les régimes forts et déterminés, surtout lorsque ceux-ci se révèlent aussi efficaces, ont trouvé en le DRS un partenaire rêvé. Le Président américain lui-même serait sous le charme. Ils ont publiquement et en diverses occasions fait l’éloge de « ces services qui ont su et pu vaincre le Terrorisme » C’est pour cela que depuis quelques mois des contacts de plus en plus fréquents ont eu lieu entre des représentants du Pentagone et ceux de l’Armée algérienne. Il y a même eu des contacts informels sans que le Président en soit informé, en violation des principes les plus élémentaires de la diplomatie. Mais les Américains qui connaissent la réalité du régime algérien et le culte du secret qui le personnifie, ne s’embarrassent pas de protocoles et préfèrent taper à la bonne porte. D’autant qu’ils savent que le Président algérien, qui navigue entre deux eaux, fait tout pour ne pas les froisser. Dans leur logique guerrière, le DRS et les Généraux qui voient en cette amitié empressée que leur témoignent les Américains un atout supplémentaire pour leur suprématie au sein du Pouvoir, la violence terroriste ne doit pas désarmer. Quitte à être entretenue. Quitte à être ravivée. Mais le problème majeur qui se posait était que la quasi-totalitéquasi-totalité des fanatiques qu’ils avaient réussi à pousser à la violence s’était rendue aux autorités. Le maquis était dégarni. Il n’y restait qu’une poignée d’irréductibles que certains cercles dirigeants de l’Armée combattaient mollement, sans les réduire. Ces groupes armés, confinés en Kabylie et dans le grand Sud ne s’attaquaient plus qu’à des militaires isolés ou à des élus qui leur tombaient entre les mains. Leur capacité de nuisance était tombée au plus bas. Ils erraient lamentablement d’une région à une autre se contentant de rançonner des populations isolées. Des témoignages concordants faisaient état de leur délabrement physique. Ils souffraient de la faim et du froid, étaient couverts de vermine. Alors, qu’à cela ne tienne ! Du jour au lendemain, le monde entier apprenait que Ben Laden les avait bombardé au rang de « Qaeda pour les États Islamiques du Maghreb », les gens qui les ont rencontrés affirment qu’ils ont été requinqués, qu’ils ont été remis à neuf, que leur armement s‘est considérablement amélioré. La mission qui leur a été impartie, en connaissance de cause ou à leur insu, est entrée dans sa phase de réalisation. La machine a été réactivée. Ould Kablia, Ministre délégué auprès du Ministre de l’Intérieur avait pourtant récemment déclaré à Tunis que « le GSPC tend à être éradiqué en totalité et qu’il ne représente pas de menace pour le Maghreb, allié de El Qaeda ou non ! » Le Ministre s’était fait l’interprète du Chef de l’État. Il s’avère qu’il avait tort. Le GSPC vient de démontrer qu’il vient d’acquérir une redoutable capacité de nuisance. En menant de façon simultanée une série d’attentats spectaculaires contre des commissariats de police et d’autres sièges sécuritaires, les quatre chats aux abois qu’étaient les membres du GSPC et qui ne parvenaient même pas à trouver de la nourriture, se sont retrouvés avec une organisation capable de secouer tout le pays, et plus encore.. La revendication s’est faite à l’autre bout du Magret, à Rabat. Pour frapper les esprits et leur imposer l’idée d’une dynamique maghrébine. Il ne manque plus que les vidéos transmises par El Djazira. En droit fil de la logique qui s’installe. Parmi les morts et les blessés, les plus nombreux sont des civils. Pourtant, depuis de nombreuses années et même au plus fort des années rouges, le credo du GSPC était de ne jamais s’attaquer aux civils ! D.B