Au Moyen-Orient, l’OTAN a plusieurs fers au feu
La réintégration de la République islamique d'Iran dans la « communauté économique mondialisée » a franchi une nouvelle étape ce week-end avec le bulletin de santé donné au programme nucléaire iranien par l'Agence Internationale de l'Energie Atomique (AIEA) qui a permis la levée des sanctions économiques et financières imposées à l'Iran par l'Occident il y a quatre ans.
En ce qui concerne l'Occident, la levée des sanctions signifie que l'Iran est « ouvert » et que le régime fera tout son possible pour encourager les investissements dans une économie chancelante afin de consolider sa crédibilité auprès d’une population sceptique.
Pourtant, les relations de l'Occident avec l'Iran sont loin d'être faciles.
Dans les affrontements qui ont lieu en Syrie, la République Islamique ne cache pas son soutien au président Bachar al-Assad, tandis que le soutien occidental a été canalisé vers les différents groupes d’opposition spontanés ou fabriqués. Cette position a provoqué entre autres la récente rupture des relations diplomatiques entre l'Iran et l'Arabie Saoudite.
Les Saoudiens, principaux bénéficiaires des livraisons d'armes de la Grande-Bretagne et les États-Unis, ont longtemps été considérés comme des alliés de l'Occident, le bras séculier local de l’OTAN, mais aujourd’hui, la situation en Syrie a engendré à leur égard une attitude plus ambigüe. La dictature arabe a toujours nié qu'elle fournissait tout le matériel militaire à Daesh, mais il s’agit d’une réalité largement admise car conforme à l’engagement du royaume pour le camp sunnite dans cette guerre fratricide.
L’exécution de l'imam chiite saoudien Nimr al-Nimr Baqr a détérioré les relations entre l'Arabie saoudite et l'Iran et augmenté la possibilité d'un conflit dangereux entre les deux pays. Cet acte a provoqué l’attaque e l'ambassade d'Arabie saoudite à Téhéran et le bâtiment du consulat saoudien dans la ville de Mashhad par le Corps des « gardiens de la révolution » iranien et les forces de sécurité.
Personne n’a été surpris quand l'Arabie saoudite a annoncé que, suite aux attaques contre les bâtiments des missions diplomatiques saoudiennes en Iran, le royaume avait rompu ses relations diplomatiques avec l'Iran et demandé que les diplomates iraniens quittent l'Arabie Saoudite sous 48 heures.
L'escalade des tensions entre l'Iran et l'Arabie Saoudite se traduit militairement dans les guerres de Syrie et du Yémen.
En Février 2015, le régime saoudien a officiellement envahi le Yémen pour empêcher la victoire des forces Houthi et leurs alliés qui, comme l’affirment (à juste titre) les Saoudiens, sont soutenus par l'Iran.
Cette action par l'Arabie Saoudite et ses alliés au sein du Conseil de Coopération du Golfe Persique visait à empêcher la chute du président yéménite précédent, soutenu par Riyad, et de contrôler les développements politiques au Yémen en faveur des intérêts du régime saoudien.
En ce qui concerne la guerre intérieure en Syrie, l'Arabie Saoudite et les monarchies du Golfe Persique, en alliance avec la Turquie, les États des États-Unis et l'OTAN, veulent transférer le pouvoir du président élu de Syrie à des groupes wahhabites et salafistes* auxquels ils apportent soutien et logistique.
Ce n’est pas par hasard que le 28 Décembre, le président Recep Tayyip Erdogan a fait un voyage en Arabie saoudite, quelques jours avant les exécutions qui ont abouti à l'escalade des tensions dans la région. Au cours de ses entretiens officiels avec les autorités saoudiennes, Erdogan a évoqué la vision commune des deux pays en ce qui concerne l'avenir de la Syrie.
Il a parlé des développements dans d'autres zones de conflit, y compris le Yémen, et il a déclaré : "Il est clair que des mesures qui sont prises sans tenir compte du dynamisme, de la sociologie et de l'histoire de la région ne prendront fin que dans la sauvagerie et la brutalité." Pendant ce voyage, Erdogan a annoncé officiellement l'adhésion de la Turquie à l'alliance des Etats sunnites engagés en Syrie.
Les groupes de pression liés aux Gardiens de la Révolution en Iran ont saisi l'occasion pour verser de l'huile sur le feu et ont parlé de "venger" l'exécution du cheikh Nimr. Ces déclarations ne vont pas calmer les tensions entre les deux pays et l'opposition en Iran a appelé les deux parties à prendre du recul par rapport à ces positions provocatrices.
La levée des sanctions contre l’Iran ne doit pas masquer le fait que le jeu des alliances mouvantes est ténu car toute montée des tensions, ou nouveau conflit militaire dans la région, pourraient avoir des conséquences potentiellement désastreuses pour le Moyen-Orient dans son ensemble.
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*Histoire du Wahhabisme (les anti-doctrinaux)