mercredi 5 mai 2010 - par Jean-Luc Crucifix

Chávez le bref

@chavezcandanga sur Twitter

C’est un véritable défi pour Hugo Chávez : se limiter à 140 pauvres caractères, lui qui est un habitué des discours fleuves de 200.000 caractères et plus. Telle est la dure règle de Twitter, service de micro-blogging auquel le Comandante vient de s’affilier. Ici, au-delà de 140 caractères, tu n’existes plus ! Voici le volubile président obligé de devenir Chávez le bref !

La grande et la petite presse ont déjà largement commenté l’entrée en fanfare de Hugo Chávez sur Twitter : des dizaines de milliers de followers en quelques heures, 188.000 en moins d’une semaine… Il est encore loin des 3.843.162 followers de Barack Obama, certes, mais il se trouve déjà dans le top 10 des hommes politiques sur Twitter, toutes nationalités confondues. Beau début pour quelqu’un qui s’est décidé tout récemment seulement à se lancer dans les réseaux sociaux. Il l’avait annoncé il y a quelque temps : il compte aussi mener la bataille sur ce front-là, afin d’occuper un espace qu’il avait quelque peu délaissé au profit de ses adversaires politiques. C’est aussi, par ailleurs, une façon directe de répondre à tous ceux qui le soupçonnaient de vouloir réguler ou censurer Internet au Venezuela.

Pour le choix de son pseudo, Chávez n’a pas fait dans la dentelle : le nom Hugo Chávez, écrit sous toutes ses formes, ayant été pris par des usurpateurs ou des petits marrants, il s’est reporté sur le pseudo chavezcandanga. Candanga veut dire, en bon vénézuélien, quelque chose comme « empêcheur de tourner en rond ». Dans d’autres pays d’Amérique latine, toutefois, le mot signifie “diable”. Une petite provocation de plus, bien dans le style du personnage…

Copain-copain

Mais que raconte au juste Hugo Chávez, dans le cadre restreint de ces fatidiques 140 caractères ? Jusqu’à présent pas de grosse révélation, pas de grandes idées, mais une approche plutôt copain-copain avec ses suiveurs. Jugez-en :

Le premier tweet, du 28 avril, était très générique :

Epa que tal ? Aparecí como lo dije : a la medianoche. Pa Brasil me voy. Y muy contento a trabajar por Venezuela. Venceremos !! [Salut, comment va ? Me voici tel que j’avais dit : à minuit. Je pars au Brésil. Et très content de travailler pour le Venezuela. Nous vaincrons !]

Le second, le 29 avril, n’était guère beaucoup plus précis :

Hola mis queridos Candangueros y Candangueras. Esto ha sido una explosión inesperada. Gracias.Thanks. Ahora en Barinas con Evo. Venceremos !! [Salut mes chers candangueros y candangueras. Ça a été une explosion inattendue. Merci. Thanks. Maintenant à Barinas avec Evo. Nous vaincrons !]

Puis vinrent une série de deux tweets relatifs à la fête des travailleurs (qu’il invite au « socialisme qui est le royaume de la classe ouvrière »). Puis, histoire de mobiliser les troupes, deux autres tweets à propos des élections internes du Parti socialiste uni du Venezuela (PSUV), qui avaient lieu ce dimanche 2 mai.

Ensuite, ce 3 mai au matin, un autre tweet générique, et même rassembleur (plutôt rare chez Hugo Chávez) -avec utilisation d’une orthographe simplifiée type SMS :

Buen día a tí q m lees q te leo. Donde estés y sin importar quien seas ni lo q pienses. Si eres Venezolano aquí estoy, trabajando para tÍ. [Bonjour toi qui me lis que je te lis. Où que tu sois, peu importe qui tu es et ce que tu penses. Si tu es Vénézuélien, je suis ici, en train de travailler pour toi]

Changement de ton

Changement de ton ensuite. Le voilà qui personnalise son propos, avec des messages adressés directement à d’autres utilisateurs de Twitter qui lui ont envoyé des messages. À une telle Mariana de Lucio, d’abord, il répond :

@marianadelucio Saludos mariana. Yo en verdad soy un antidictador y amo mucho a mi México lindo. Ah, (cont) http://tl.gd/14qfnl [@marianadelucio Salut Mariana. Moi, à dire vrai, je suis un antidictateur et j’aime beaucoup mon Mexique adoré. Ah, (suite) http://tl.gd/14qfnl]

Pour la première fois, dans ce tweet, Hugo Chávez dépasse les 140 caractères ! Aussi utilise-t-il le service Twitlonger, qui permet à l’utilisateur incontinent d’allonger ses tweets

Autant dire que Mariana de Lucio est devenue « célèbre » en moins de deux à la suite de cette première réponse personnalisée de Chávez. Il en sera sans doute de même de Dessiree Andre, une fan nouvelle venue sur Twitter, dont tous les tweets étaient jusqu’ici adressés au seul Hugo Chávez. Ce dernier vient de lui répondre :

@dessiree_andre Bueno mi querida Dessiree, a tí te mando un beso. Ahora estoy muy atareado saliendo para Argentina a la cumbre de UNASUR. [@dessiree_andre Bon ma chère Dessiree, je t’envoie un baiser. Je suis maintenant très occupé, je pars pour l’Argentine au sommet de l’UNASUR].

Dans le tweet suivant, l’étudiante Yesenia Gamardo est plus pragmatique. Elle lui demande un « crédit pour travailler », mais la réponse du président sur ce point reste plus que vague. Yesenia insiste : « J’ai besoin de savoir si vous m’aiderez avec le crédit ». Le président répondra-t-il ? Il est peu probable qu’il le fasse, car cela créerait un précédent plutôt gênant… D’autres tweets personnalisés se suivent à la chaîne ce soir. Utilisant son Blackberry et le service ÜberTwitter, Hugo Chávez semble ainsi s’occuper, en attendant le décollage de l’avion pour Buenos Aires…

Transcendance

Nous en sommes là, en ce 3 mai au soir : une douzaine de tweets en une semaine, des messages de plus en plus personnalisés, peu de politique dure, mais quelques messages d’orientation. À en juger par les derniers tweets, se dirige-t-on vers une utilisation personnalisée de Twitter , une sorte de lien direct entre le président et les citoyens ? Le public visé est-il exclusivement celui des partisans du président ? Ou bien la parole sera-t-elle ouverte plus largement, y compris aux opposants déclarés ? À suivre donc l’évolution de l’usage fait de ce moyen de communication peu commun par un président tout de même assez spécial.

Une seule certitude : il n’y aura sans doute rien de bien transcendant dans ces échanges. Mais Twitter, il est vrai, n’est pas fait pour la transcendance…
 



22 réactions


Réagir