jeudi 15 juillet 2010 - par
Ce jeudi 8 juillet 2010, un accord capital conclu au terme d’une longue série de négociations entre les USA et l’Union européenne, est passé quasi inaperçu dans les médias, ce traité dénommée « accord Swift » entérine de fait le contrôle par les services US d’une très large part des transactions financières européennes.
Finances européennes sous contrôle US, « Swift » et fin

1) définition : qu’est ce que le Swift ou la Swift ?
Toutes les personnes du milieu des affaires ou travaillant dans des services financiers ou comptables ont eu l’occasion d’entendre très fréquemment ce terme de « code Swift », généralement à l’occasion de virement bancaire destiné à l’étranger, à l’origine le terme SWIFT est un acronyme signifiant « Society for Worldwide Interbank Financial Telecommunication » du nom de la société de droit belge créée en 1973 et dont le but premier est de gérer et de faciliter d’abord sur le sol européen les transactions financières entre entreprises étrangères, le système s’est rapidement généralisé et en 2010 le système Swift est utilisé par près de 7800 établissements financiers dans 205 pays.

Au vu des chiffres et compte tenu du fait que presque tous les virements étrangers européens se font par son intermédiaire, on comprendra sans peine tout l’intérêt stratégique que peut représenter la surveillance voire la mise sous tutelle d’un tel organisme de gestion bancaire, or les fameux attentats du 11 septembre allaient en fournir l’occasion ..
2) la mise en place d’un dispositif de « lutte anti-terrorisme » après le 11 septembre 2001
Dans quelques décennies, lorsque l’empire anglo-saxon sera défait et que les rapports entre les nations seront complètement différents d’aujourd’hui, les historiens se demanderont comment un tel aveuglement généralisé a t il pu être possible à propos des « attentats » du 11 septembre ?
Pourquoi aucun état du Monde dit « libre » ne s’est il alors insurgé face à cette fantastique mise en scène du « nine eleven » qui était à l’évidence une imposture manifeste ?
Comment des esprits normalement constitués ont ils pu refuser de voir (ou d’admettre) que ce spectacle était destiné en fait à masquer un coup d’état intérieur afin de justifier l’abandon de pans entiers de principes de droit du Monde se prétendant encore « libre » ?
Oui ils se demanderont longtemps comment ? Les réflexes de soumission au groupe étudiés en psychologie, pour réels qu’il soient, ne peuvent suffire à expliquer une telle sujétion, il y a sans doute d’autres raisons plus profondes comme une volonté d’obéissance commune à des objectifs secrets décidés de longue date, mais c’est une question très vaste qui déborde largement du cadre de cet article ..
Certainement les historiens, quand nous ne serons plus là, auront tout loisir de se demander pourquoi il n’y a pas eu plus de réaction face à cette gigantesque affabulation ?
En tout cas au jour d’aujourd’hui, nous sommes bien ici et vivons hélas en plein ce psychodrame, qu’on le taise ou le déplore, nous n’avons guère d’autre choix que de subir et d’accepter le diktat des puissants qui ont déclaré la guerre à l’ennemi invisible (et imprenable), comprendre le terrorisme !
D’où entre autres cet épisode actuel de contrôle financier : dans cette vaste pseudo-chasse au « terrorisme », la surveillance des mouvements de fonds ayant pu peu ou prou servir d’appui aux « ambitions terroristes » allait être un des pièces du mécano de cette guerre totale que voulait Double You Bush et ce dès les jours qui ont suivi ce fameux 11 septembre, les services américains allaient de facto mettre en place les éléments d’une traque financière des acteurs potentiels ou imaginaires de la « menace terroriste », Al Qaida & Co ..
3) de la situation d’espionnage de fait à la mise en place d’une surveillance institutionnelle
Contrairement à ce que l’on pourrait penser, la mise en place de cet accord Swift n’a pas été une ouverture soudaine des données des transactions bancaires européennes aux services américains mais au contraire la tentative de régularisation a posteriori d’une situation d’espionnage quasi globale (et parfaitement illégale) que les autorités US s’étaient octroyées de facto au travers de cette fameuse société Swift sur les mouvements de fonds internationaux opérés par les banques et établissements financiers d’Europe !
Pression, intimidation, corruption ? Impossible à trancher, toujours est-il que dès le lendemain du 9/11, les Américains étaient informés à leur souhait sur la nature et le montant des transactions financières européennes et cette situation a perduré jusqu’en 2006 où la révélation de cet état de fait provoqua un mini scandale (aucune sanction de prise juste quelques protestations de principe) ; en septembre 2006 la commission belge de protection de la vie privée estima que la société Swift s’était mise en défaut et en octobre 2006 la CNIL de France condamna à son tour cette infraction aux règlements européens, condamnation de pure forme mais qui amena tout de même la nécessité d’une légitimation de cette situation d’espionnage quasi-permanent. Les USA arguant toujours de leur sacro-sainte guerre contre le terrorisme, exigèrent alors la confirmation de la légalité de ce qu’ils s’étaient autorisé en toute illégalité (vu que c’était pour la « bonne cause »), le Parlement européen ce lourd et coûteux machin comme l’aurait certainement surnommé le grand Charles allait s’empresser de leur donner satisfaction, on ne refuse rien à son « bon » maître.
D’abord un premier accord UE-USA est trouvé en 2007, mais celui-ci a du être revu après un changement des structures de Swift et un deuxième accord fut préparé pour la fin 2009, (entre-temps la société Swift fut blanchie en 2008 des accusations de non-respect de la vie privée qui pesaient sur elle) et là surprise en février 2010 le Parlement européen rejette l’accord UE Etats-Unis pour le partage des données bancaires issues de Swift, ultime sursaut d’indépendance des institutions européennes face à l’Amérique ?

Qu’on se rassure, tout le lobbying pro-US relayé par ses fidèles serviteurs n’allait pas tarder à réduire à néant cette vaine tentative de sauvegarde de la souveraineté du vieux continent, le 8 juillet dernier le nouvel accord Swift sera approuvé par le Parlement européen par 484 voix contre 109 et 12 abstentions, le nouvel ordre règne !
4) une lutte « anti-terroriste » dissimulant des objectifs nettement moins avouables
Ainsi qu’exprimé, cet accord Swift serait paré de toutes les vertus, la représentation française y voit pêle mêle une affirmation de sa souveraineté (grâce au traité de Lisbonne), la garantie des libertés citoyennes, une avancée dans la lutte contre le terrorisme, bref le salmigondis habituel dont nous abreuvent nos très chers (financièrement) députés, histoire d’expliquer que des fois, ils servent peut être à quelque chose ..
D’abord une première réflexion s’impose, on peut raisonnablement penser que si l’accord fut refusé en février puis adopté en juillet, c’est que le texte soumis au vote en juillet se démarquerait sensiblement de celui proposé 5 mois plus tôt, logique non ?
Et bien curieusement ce texte n’a subi que des retouches cosmétiques, c’est ce qu’exprime clairement la députée vert Hélène Flautre dans son intervention en séance plénière le jour du vote ! Etonnant non ?
Pas tant que cela quand on a une idée du fonctionnement et des rouages de ce lourd et coûteux machin, que s’est il donc passé entre-temps ?
Lobbying en coulisse, énorme pression US, son chargé d’affaires Michael Dodman à Bruxelles déclare « ne plus avoir aucune donnée et les mains liées pour enquêter (contre le terrorisme) », relayé par le très suave et ultra conformiste Barroso, qui engage à soutenir Cécilia Malmstrom, la ministre suédoise des affaires européennes en charge du projet, résultat :vote positif à 80% la semaine dernière « Yes we can ! ».
Pourtant les objections formulées par la députée Hélène Flautre conservent toute leur pertinence ;
- le transfert de données s’effectuera en vrac, illusoire d’espérer un tri
- toutes les données devront être conservées durant 5 ans, très lourd à gérer
- les Européens ne disposeront d’aucun droit de recours face aux Américains pour abus
- enfin Europol, chargé de cette surveillance, n’est pas un organisme judiciaire indépendant
Ainsi qu’exprimé lors d’un entretien de Eric Laurent sur France Culture (voir article de Frida) il y a abus manifeste quant à l’interprétation de ce qui serait une menace terroriste, chaque jour près de 2000 milliards de US $ transiteraient grâce au système Swift or les experts estiment là dessus au maximum à 100 millions de US $ les mouvements de fonds qui pourraient correspondre à des agissements terroristes soit 0,005% du total des transactions, bref une portion infinitésimale mais servant de prétexte à s’arroger un droit de regard sur tout l’ensemble, à ce niveau c’est manifestement de l’ingérence !
Sur le fond car cette menace terroriste qu’on nous ressort à toutes les sauces depuis le 9/11 n’est vraiment qu’un prétexte, cette surveillance généralisée des mouvements de fonds européens par les services américains peut avoir une utilité tout à fait autre en raison de la guerre économique latente que livre le nouveau monde au vieux continent :
- il s’agit là d’une mine de données d’une richesse inestimable, qu’elle soit exploitée au niveau individuel ou en tant que statistiques, c’est un atout prodigieux dans ce conflit pour le contrôle de l’économie
- c’est une évidence d’énoncer que le dollar US est en très mauvaise forme, dans cet affrontement entre devises, euro contre dollar, la connaissance des mouvements de l’adversaire sans contrepartie procure un avantage certain au dollar qui cherche visiblement à faire flancher l’euro afin d’assurer au moins provisoirement sa survie, l’Euro livré pieds et poings liés par la Commission au dollar ?
Vraiment ce Parlement européen défend avec brio les intérêts de ses concitoyens !
5) un asservissement de plus en plus flagrant envers la puissance américaine
Tous les éléments relatés plus haut démontrent à l’évidence une chose ; en matière économique et monétaire la souveraineté des Européens et donc des Français semble être devenue quelque chose de parfaitement factice, on peut dire que quelque part les Américains ont réussi leur coup, depuis le 11 septembre quand ils estiment avoir besoin de quelque chose (données bancaires) ils le prennent sans rien risquer, ensuite quand cela leur est reproché ils font pression (avec succès) afin que cet abus de pouvoir soit entériné légalement, bon dans ces conditions, c’est gagnant tout bénéfice pour eux et sans contrepartie pour l’adversaire !
C’est sans doute l’élément le plus choquant de cette sinistre farce du débat par un Parlement « souverain », c’est d’accepter finalement sous de vagues motifs de défense un accord totalement déséquilibré car conférant de fait un pouvoir supplémentaire à un adversaire potentiel, lequel devient légitimé à mettre le nez dans vos affaires sans que vous puissiez en faire de même, c’est un non-troc, un non échange, une allégeance de fait, parfaitement stupide, alors pourquoi ?
Enfin il faut bien réaliser que par cet accord « Swift » sans contrepartie de réciprocité pour les Européens, il y a pour la France double abandon de souveraineté !
- dans un 1er temps la France s’en remet au bon vouloir des institutions européennes qui décident à notre place d’accepter ou non les exigences US d’information sur les mouvements de capitaux effectués par des particuliers ou des entreprises envers l’étranger
- puis bien sur « elles » acceptent (comment en serait il autrement) après une résistance de pure forme, qu’une nation étrangère qui est notre principal concurrent économique puisse disposer d’un accès libre et illimité aux données de transfert de fonds de nos concitoyens, les soi-disant dispositions de garantie des libertés ne signifiant rien d’autre que des formules de politesse qu’il est de bon ton d’employer en de telles circonstances
En résumé c’est difficile d’imaginer plus nul comme défense de nos intérêts !
On aurait tort de considérer que toute cette discussion à propos de transfert d’informations ne serait au fond qu’un problème bureaucratique ne concernant nullement le citoyen lambda, il s’agit au contraire d’une brique essentielle dans l’agencement d’un système global de domination du Monde avec à sa tête l’oligarchie anglo-saxonne
Hiéronymus, juillet 2010