vendredi 4 octobre 2013 - par Laurent Herblay

Le débat sur la légitimité de la dette publique arrive en Italie

Grâce, entre autres, au travail d’André-Jacques Holbecq et Philippe Derudder, le débat sur la légitimité de la dette publique et la création de la monnaie a pris en France. Il semble qu’il arrive en Italie, où il a été calculé que le montant des intérêts payés depuis 1980 équivaut à deux fois le PIB !

Les intérêts boules de neige
 
Le cas italien est encore plus spectaculaire que notre cas. Le PIB du pays était de 1 566 milliards d’euros fin 2012, et dont la dette était de 1 988 milliards, soit 127% du PIB, une hausse de 10 points en seulement deux ans, malgré des déficits plus faibles qu’en France. Ceci montre que les politiques austéritaires sont aussi responsables de la hausse de la dette. Mais le chiffre qui interpelle, c’est le montant des intérêts payés par le pays depuis 1980 : 3 100 milliards, deux fois le PIB, plus d’une fois et demi le montant de la dette. Cela fait 20 ans que le pays a un excédent primaire en vain.
 
Le problème du pays, ce sont les déficits colossaux des années 1980, qui ont fait exploser le poids de la dette, au-delà de 100% du PIB à partir de 1992. Il faut noter que les intérêts ont englouti jusqu’à 12% du PIB du PIB en 1993. Pour mémoire, cela représenterait 240 milliards d’euros dans la France de 2013… Ce qui est intéressant avec l’Italie, c’est que ce pays montre qu’il est extrêmement difficile de réduire le poids de la dette une fois qu’elle atteint un certain niveau, même en accumulant 740 milliards d’excédents primaires (hors intérêts) depuis 1992. Inquiétant pour la zone euro.
 
Un problème de monnaie et de banque centrale

Dans l’absolu, on pourrait dire que les Italiens doivent assumer les conséquences de leur inconséquence budgétaire, qu’au pire, ils peuvent toujours faire défaut. Mais, comme le souligne André-Jacques Holbecq, le problème vient que, parallèlement, nous avons privatisé la création de la monnaie dans l’intervalle. Or la monnaie est un bien commun. Du coup, le bénéfice de sa création devrait revenir à la collectivité. Et si tel avait été le cas, alors, le poids de la dette italienne se serait sans nul doute fortement allégé. 5% du PIB Italien sur 20 ans, c’est environ 1500 milliards d’euros…

Bien sûr, monétiser l’équivalent de 5% du PIB pendant 20 ans est une expérience inédite. Néanmoins, la création monétaire sur la période n’a sans doute pas été très éloignée de ce total. Et son bénéfice aurait du être mis au crédit de la collectivité. Après, on pourra toujours dire, à raison, que si tel avait été le cas, alors le gouvernement aurait davantage dépensé, compensant tout ou partie de la monétisation. Mais le PIB aurait été plus important alors… Et surtout, Londres, Washington et Tokyo démontrent le succès des politiques de monétisation de la dette publique dans cette proportion.
 
Il est extrêmement heureux que le débat sur le rôle des intérêts dans la montée de la dette publique passe les Alpes. Voici un bon moyen de remettre en question les mauvais dogmes européens et néolibéraux. Voilà de quoi faire de l’Italie une alliée dans la refondation du continent.


11 réactions


  • Robert GIL ROBERT GIL 4 octobre 2013 11:42

    et oui il est temps de se poser des questions, alors voila pour tester vos connaissance et ne plus se faire arnaquer par les belles paroles de nos politiciens :

    voir : QUESTIONS/REPONSES SUR LA DETTE, LA CRISE ET L ‘ECONOMIE


  • Buddha 4 octobre 2013 11:46

    dites moi à qui le pays achete son propre argent et je vous dirais qui sont les bandits...


  • Bernard Pinon Bernard Pinon 4 octobre 2013 11:48

    Le retour à la création publique de monnaie ne se fera pas sans douleur, si ce n’est pas du tout : les intérêts (sans jeu de mot) en jeu sont trop importants. Lorsque cela a été tenté dans le passé (cf. les Etats-Unis), cela s’est terminé dans le sang. Si un chef d’état européen tentait cela, attendez vous à une volée de coups médiatiques : retour d’inflation, monnaie de singe... ou peut être un gros scandale révélé, si ce n’est un accident opportun.

    Mais l’avenir n’est pas écrit (en tout cas ici-bas), et il semble qu’une prise de conscience populaire prend forme, laquelle entraînera une réaction de défense du système qui passera probablement par un plus grand contrôle des medias alternatifs et/ou un effet de choc sidérant. Wait and see...

    • 59jeannot 4 octobre 2013 16:06

      A. Lincoln empruntait à 25% aux banques anglo-saxonnes pour financer son effort de guerre contre les sudistes. Las, il reprit le droit de fabriquer ses dollars. IL fut assassiné peu après avoir gagner la guerre
      JF Kennedy contesta à la FED la fabrication des dollars, et en commença l’impression ; il fut assassiné ; Le jour même de l’assassinat, le premier décret que Johnson pris, dans l’avion qui l’amenait à Washington fut celui qui abolit le décret de Kénnédy.
      Effectivement, reprendre le droit régalien de « battre monnaie » est très très dangereux. Les banksters sont prêts à tout pour conserver leur privilège.
      En France, remercions Pompidou et Giscard, en 1973,et Sarko1er avec le traité de Lisbonne, imposé malgré le vote NON du peuple.
      La 6ème république doit nous permettre de récupérer notre liberté. 


  • baldis30 4 octobre 2013 12:00


    merveilleusement démontré !

    Mais dans le cas de l’Italie, car il y a un mais de taille qui ce soir pourrait atteindre une dimension gigantesque ..... le vote de confiance au gouvernement LETTA. Les commentaires journalistiques ne retiennent pour l’instant que la pitrerie sinistre ( pagliacciata) de berlusconi , en oubliant un peu qu’il est d’autant plus dangereux qu’il est blessé et qu’aujourd’hui se déroule le vote sur son maintien au Sénat, autre possible blessure. Et médiatiquement il n’est pas mort, même si sa fin politique est inscrite dans le calendrier immédiat ....

    Le cas de la France pour l’instant n’est pas éclaboussé par une contrainte morale. Pour l’instant, pour l’instant ..... nous n’avons pas de problèmes, nous n’avons pas de problèmes  smiley  smiley

    Le débat italien ne se placera pas sur le même plan que le problème grec , c’est sûr, même si des ressemblances existent : la Grèce et le pouvoir économique religieux, l’Italie et les revenus ecclésisatiques , sauf que dans le cas de l’Italie ils résultent des accords du Latran . Et la puissance industrielle de l’Italie n’a rien à voir avec celle de la Grèce.

    La conclusion logique d’un débat italien dans les conditions propres du pays est bien celle qui est logiquement mentionné dans l’article ........ le problème n’est pas là !

     Le problème est de faire comprendre à Bruxelles que l’UE fait fausse route , et cela n’est pas simple ! De plus dans la volonté allemande d’instaurer un euro à deux vitesses ( on a oublié la marche arrière très utile lorsqu’on est dans une impasse) a perdu la Finlande en tant qu’alliée et ne possède plus que les Pays-bas pour cela ..... Et les élections européennes approchent ..
    Et la situation politique allemande privée de l’appui des libéraux est ambigüe ....

    Le contexte du débat italien n’est plus le même ni de façon interne, ni de façon européenne, que ce qu’il était à l’arrivée de G. LETTA au pouvoir , ou même il y a six mois.

    Oublions pour quelques semaines une éventuelle influence du contexte U.S., bien que l’Italie soit fortement liée, militairement parlant aux U.S.A.

    Lire la suite ▼

  • Alpo47 Alpo47 4 octobre 2013 13:24

    Nombreux maintenant sont ceux qui savent quelles sont les réformes indispensables pour ré-équilibrer les comptes et sortir de la crise.
    Le « souci » est ailleurs : ces idées ne sont pas reprises par les décideurs en place, elles sont mises à l’index, dénigrées. Le plus souvent, elles sont juste ignorées. « TINA », il n’y a pas d’alternative nous dit on. Les « décideurs » sont dépendants, marionnettes du système prédateur. Dans le dernier choix national, nous avons juste décidé ... qui continuerait de « maintenir l’ordre établi ». Iznogoud ou Flamby ... et le vie continue, comme avant.
    Par conséquent, il faut bien continuer de répandre les solutions dans l ’opinion, mais sans représentant susceptible de les mettre en place, cela restera ... des idées.

    Que faire d’autre ? Je ne sais pas ... encore. Mais partout le monde s’éveille. On constate que les plans d’invasion sont contrecarrés, que des « espions » font défection et nous livrent le fonctionnement du système, que des hommes se rencontrent ... Non, ils n’ont pas encore gagné.


  • eau-du-robinet eau-du-robinet 4 octobre 2013 20:06

    «  Grâce, entre autres, au travail d’André-Jacques Holbecq et Philippe Derudder, le débat sur la légitimité de la dette publique et la création de la monnaie a pris en France. »

    Soyons un peu moins sélectif ....

    C’est grâce à Etienne Chouard, François Asselineau, Jacques Nikonoff, Pierre-Yves Rougeyron, etc .... que le débat sur la légitimité de la dette publique et la création de la monnaie a pris en France.

    http://www.agoravox.tv/actualites/europe/article/critiques-d-une-europe-vassalisee-40985


    • Croa Croa 5 octobre 2013 09:06

      Ce sont toujours des intellectuels qui lancent les débats, sur ce sujet comme sur d’autres, les prétendants politiques ne faisant que reprendre leurs révélations. L’auteur est sélectif certes puisqu’il citer deux auteurs connus essentiellement en France mais sur le fond il ne se trompe pas, toi si : Ceux que tu cites n’ont fait que reprendre le débat pour le porter sur la scène politique, voire politicienne. 


    • eau-du-robinet eau-du-robinet 5 octobre 2013 20:32

      Bonjour Croa,

      Depuis quand Étienne Chouard fait t-il partie des prétendants politiques qui fait que reprendre « leurs révélations ».....

      Lisez plutôt ceci

      André-Jacques Holbecq est intervenu publiquement à de nombreuses reprises pour défendre ses thèses.

      On peut mentionner des interventions en 2007 lors d’une conférence-débat avec Philippe Derudder à Cahors le 20 avril 2007 sur les thèmes de la création monétaire et de la dette publique et Étienne Chouard sur la monnaie à Aix-en-Provence le 22 mai 2007, dans le cadre des débats « Repaire » faisant suite aux émissions de Daniel Mermet La-bas si j’y suis. Le 6 juillet 2012 il intervient sur le sujet de la monnaie et de la dette publique lors des « Rencontres Déconnomiques d’Aix en Provence »


  • BA 5 octobre 2013 05:14

    C’est l’anniversaire de la tragédie grecque.

     

    Le 4 octobre 2009, les élections législatives donnent une victoire au Parti Socialiste en Grèce.

     

    Le 6 octobre 2009, Georgios Papandréou devient Premier ministre.

     

    Onze jours après son arrivée au pouvoir, il annonce, dans un souci de transparence, que l’état réel des finances grecques avait été caché par le précédent gouvernement. Il fait rétablir les véritables données économiques, dont un déficit équivalent à 12,5 % du PIB pour la seule année 2009. La Commission européenne confirmera cette falsification des données quelques semaines plus tard.

     

    En octobre 2009, toute la planète constate que la Grèce est en faillite. Mais les dirigeants européens ne veulent pas que la Grèce quitte l’Union Européenne, ni qu’elle retourne à sa monnaie nationale, la drachme.

     

    Les dirigeants européens décident de tout faire, et même de faire n’importe quoi, pour garder la Grèce dans l’Union Européenne. Alors que la Grèce est déjà surendettée, les dirigeants européens ...

     

    ... décident de lui prêter de l’argent, et donc ils la surendettent encore plus !

     

    D’octobre 2009 à octobre 2013, cette politique suicidaire a aggravé la catastrophe, partout en Europe.

     

    Les autres Etats européens n’avaient pas l’argent nécessaire aux soi-disant « plans de sauvetage » de la Grèce : ils ont dû emprunter des dizaines de milliards d’euros sur les marchés internationaux, pour pouvoir ensuite prêter cet argent à la Grèce et pour pouvoir créer des soi-disant fonds de « stabilité » (FESF, MES).

     

    Résultat : les soi-disant fonds de « stabilité » ne stabilisent rien du tout. Les Etats européens sont de plus en plus surendettés. Leur dette publique s’est emballée. Leur dette publique est devenue hors de contrôle.

     

    Quant à la Grèce, sa dette publique atteindra 176 % du PIB à la fin 2013.

     

    C’est comme un tourbillon qui nous entraîne tous vers le fond de l’océan : la Grèce, puis les Etats européens périphériques, les uns après les autres, sont en train de faire naufrage, et ils entraînent tous les autres Etats européens vers le fond de l’océan.

     

    L’Union Européenne, c’est un suicide collectif.

     

    http://epp.eurostat.ec.europa.eu/cache/ITY_PUBLIC/2-22072013-AP/FR/2-22072013-AP-FR.PDF

     

    Lire la suite ▼

  • spartacus spartacus 5 octobre 2013 10:16

    En Italie les syndicats se sont battus et ont fait grève pour l’égalité des droits sociaux et la fin des régimes spéciaux. 

    L’auteur Nomenklaturiste, préfère parler de dettes qui servent à lui payer son régime spécial, que de proposer d’aller dans le droit commun.
    Les privilégiés n’ont que d’idées que de garder leurs privilèges. Les causes de la dette sont éludées systématiquement par les partis à majorité de profiteurs du système, au profit de débats stériles et inutiles.

Réagir