mardi 23 août 2005 - par PAF 2.0 (Politique arabe de la France)

Traité d’amitié France-Algérie : de plus en plus improbable

Face à l’intransigeance algérienne, la signature du traité d’amitié entre la France et son ancienne colonie, qui était prévu avant la fin de l’année, est compromise. Un autre « grand projet » du quinquennat qui finit en eau de boudin ?

Le traité d’amitié entre l’Algérie et la France, qui doit théoriquement être signé avant la fin de l’année, est bel et bien compromis.

Un entrefilet de l’Express cette semaine fait ressortir les grandes tensions qui existent en ce moment entre la France et l’Algérie, depuis la loi du 23 février 2005 (sur le "rôle positif de la présence française") et les insultes de Bouteflika ("Ces fours étaient identiques aux fours crématoires des nazis", "l’ennemi ayant perfectionné ses moyens de torture, d’extermination et de destruction faisant de l’Algérie un gigantesque camp de la mort et de la torture ceint de fils barbelés et de champs de mines", etc.) qui s’en étaient suivies quelques mois plus tard.

Ainsi, selon l’Express, "des doutes existent sur la signature, par Jacques Chirac et Abdelaziz Bouteflika, du traité d’amitié entre la France et l’Algérie, prévue d’ici à la fin de l’année." Un proche de Villepin s’est confié au magazine, signalant qu’« il ne paraît pas envisageable, aujourd’hui, de le signer ».

À ma connaissance, c’est la première fois qu’un doute semi-officiel est ainsi émis sur la possibilité d’aller jusqu’au bout des négociations du traité dans les conditions actuelles.

J’avais remarqué un signe avant-coureur quand, dans sa conférence de presse du 26 juillet, Philippe Douste-Blazy, le Ministre français des Affaires étrangères, n’avait pas voulu se prononcer sur la question de savoir si le traité d’amitié serait signé, comme prévu, cette année : il avait tout simplement "oublié" de répondre à la question posée.

La mise hors-jeu de la France, la semaine dernière, à l’occasion de la libération, dans son "pré carré", des derniers prisonniers politiques marocains détenus en Algérie par le Polisario, allié algérien, était un signe de très forte tension algéro-française : la France n’était plus un interlocuteur acceptable pour l’Algérie sur la question sahraouie. Humiliation pour la France : c’est Washington qui a joué le rôle de médiateur entre les parties !

Par cette source anonyme, certainement très haut placée, qui s’est confiée à l’Express, la France a aussi envoyé quelques signaux positifs aux Algériens, signalant sa volonté de reprendre les négociations (probablement interrompues dans ce climat délétère) :

La France pourrait ainsi faire preuve de souplesse et revenir sur cette loi que la source haut placée de l’Express qualifie d’ "erreur colossale" (rappelons que Douste-Blazy en est un des initiateurs...). La piste récemment proposée par le ministre (création d’une commission d’historiens français et algériens pour évaluer la loi du 23 février 2005) pourrait en constituer le moyen le plus efficace.

Il faut rappeler que la France a bien plus besoin de ce traité que l’Algérie, ce qui place ce dernier pays en position de force. Il faut rappeler aussi que le renforcement des relations franco-algériennes pour en faire le pivot de l’axe Europe-Méditerranée (comme l’axe franco-allemand fut le moteur de l’Europe) est l’autre grand projet du quinquennat de Jacques Chirac. L’autre ? Oui, avec celui de la Constitution européenne...

Donc tout n’est pas irrémédiablement perdu, à condition, j’ose imaginer, que l’individu qui préside l’Algérie cesse d’insulter la France à tout bout de champ. Ce qui, en matière d’amitié, serait quand même la moindre des choses.



3 réactions


  • Tahar Hamadache Tahar Hamadache 23 août 2005 16:31

    Terrible, l’image que le président Bouteflika réussit à donner de lui, si on se fie à ce seul article ! Il faut, pour la percevoir, concevoir que « l’individu qui préside l’Algérie » ne donne pas entière satisfaction au commun des individus que préside l’individu qui préside l’Algérie. Il faut aussi se rendre compte que le sens de la dynamique du 23 février rendue publique à cette même date et officielle avec la nomination de l’un de ses initiateurs n’échappe pas à cette foule d’individus dont l’un préside les autres :)

    Ce qui est certain, c’est que l’individu président se gourerait vraiment s’il lui arrivait de croire qu’il suffirait de se ranger du côté de l’exécuteur testamentaire du colonialisme bienfaiteur (l’individu qui a initié l’erreur colossale - la loi du 23 février-) et qui en a été félicité par le prestige de chef de la diplomatie. Il se gourerait s’il lui arrivait de croire qu’une simple « commission », avec ce qui connote ce mot en Algérie, « mixte » en plus et, françalgérienne donc pour tout couronner, pourrait suffire à faire sortir les individus qui l’ont mandaté président dans les rues et crier « Tahya la loi du 23 » :))

    Ce n’est pas que les individus dont l’un préside les autres sont tellement en colère au point que les soldes (ou les enchères) pourraient ne concerner que l’erreur colossale et la manière de la rendre moins colossale -avec probablement l’idée de n’avoir pas à travailler sur le fond du texte ni sur la trajectoire de son initiateur. Le colonialisme a depuis bien longtemps fini de susciter des colères aveugles.

    Ce texte, on l’aura remarqué, n’a pas spécialement attiré l’attention des individus dont l’un est présidé par les autres. Ceux parmi eux qui ont eu à s’exprimer dessus l’ont fait très tardivement ! Ils n’ont fait qu’intervenir dans un débat initialement franco-français !

    Le commun des individus dont l’un préside les autres apprécie autrement la situation. Il pense que l’erreur colossale ne l’est que dans la tête de ceux qui se prennent à tomber dans le piège consistant à focaliser le débat sur elle. C’est le problème des françaises et des français s’ils ont l’intention de pousser leur Etat à être plus franc, question impérialisme et colonisation, que la perfide Albion et l’Etat yankee ; c’est leur problème s’ils veulent assumer, en tant que peuple, nation et société, le caractère colonialiste de leur pays et le lui consacrer en tant qu’attribut officiel et civilisationnel. Le problème des individus dont l’un préside les autres est de ramer encore plus fort, plus vite et de manière toujours plus efficace pour sortir des séquelles du colonialisme. Leur problème concerne seulement la bonne identification de l’ami, des amis, du pays ami avec lequel ils auraient l’intention de pactiser une amitié sans que le passé colonial ne vienne s’immiscer dans ses attributs de souveraineté sur les mouvements politiques, sociaux continuent de travailler. C’est tellement plus difficile de faire un pacte avec un ami qui fut un ancien colonisateur que beaucoup d’individus qui sont présidés par l’un d’entre eux flairent déjà, à la recherche d’amis avec qui pactiser sans que le projet de pacte ne soit alourdi par un volumineux reliquat historique.

    Les individus dont l’un préside les autres pensent qu’il n’y a pas lieu de se fourrer la tête d’obsessions au sujet du colonialisme, des colons, des nostalgiques. Et que la terre est ronde qui porte de moins en moins de murs et de plus en plus de pactes d’amitiés potentiels à travers le monde.

    Et les individus ne cessent d’exprimer par tous les moyens dont ils peuvent disposer, à l’attention de celui parmi eux qui les préside, qu’ils entendent bien ne se laisser aller à être l’ami de personne avant de percevoir que le vis-à-vis est fier de cette amitié ni avant d’être sûr qu’il en est digne aussi. Tout cela, dans la réciprocité généreuse et détendue mais extrêmement vigilante et attentive.

    Il n’est pas inutile de relever que les individus dont l’un préside les autres ont les oreilles qui bourdonnent encore de malveillances et de propos recueillis de manière directe et indirecte auprès des colons et des colonialistes d’hier. Il ne leur échappe pas que le langage peut évoluer au contact des réalités et qu’un statu-quo mental peut conduire au bégaiement.

    Et , sans nul doute pour des raisons médicales, économiques et de communication politique, le bégaiement n’est pas une fine qualité chez de bons négociateurs...


  • amnay (---.---.208.212) 24 août 2005 00:03

    Bref, la France est prête à pactiser avec un président élu dans des conditions grotesques. Depuis qu’il est arrivé au pouvoir, Abdelaziz B. a pactisé avec les islamistes, tiré sur les manifestants en Kabylie, mis des journalistes en prison et la France compte les points. Surtout que le bonhomme cherche à flatter le populisme d’une partie de sa population pour se la jouer « anticolonialiste ». A l’époque du tiers mondisme, monsieur draguait les minettes et roulait en voiture de sport sur la Riviera. Un opportuniste complet... La République veut coucher avec un dragueur du samedi matin.


  • (---.---.45.146) 13 septembre 2005 14:21

    Si Tahar Hamadache traduit l’opinion dominante du peuple algérien vis-à-vis de la France il est en effet urgent d’attendre avant de signer un traité d’« amitié » avec ce pays. Reprocher au peuple français une motion parlementaire clientèliste dépourvue de portée réelle est aussi stupide que de reprocher au peuple algérien les dizaines de textes symétriques votés, j’en suis sûr, par les parlements FLN des décennies qui ont suivi l’indépendance. La fixation de Tahar Hamadache et de ceux qui pensent comme lui, en France et en Algérie, sur les concepts d’« impérialisme » et de « colonialisme » traduit une pensée manichéiste adolescente, un terrorisme intellectuel visant clairement à entretenir la haine et/ou à soutenir des demandes ineptes de « réparation ». Mais je crois que le peuple algérien, contrairement à ce que feint de croire Tahar Hamadache (peut-il vraiment l’ignorer ?), sait très bien que l’histoire de l’humanité s’est faite depuis toujours à coup d’invasions, de colonisations, de croisades et de guerres saintes. Sinon comment pourrait-il expliquer le fait qu’il soit arabe et musulman ?


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