jeudi 24 juin 2010 - par vogelsong

France inter, une maison qui ne tourne plus très rond

Ça valdingue sur l’antenne de France Inter. Cette vitrine de Radio France concentre toutes les crispations du cénacle mediatico-politique. Pour l’air du temps, l’esprit des moeurs, il suffit de se pencher sur les ondes de la radio publique. Les autres (Europe 1, RTL,…) ayant déjà ouvert les vannes publicitaires et affiché le mauvais goût comme argument d’audience. La mise à l’écart des humoristes de la radio, phénomène politique ou épiphénomène ? Personne ne pleurera les deux nouveaux chômeurs. Par contre, lorsqu’une station ne tolère plus l’improbable impertinence qui chatouille le pouvoir, il est manifeste de se poser la question de sa liberté d’antenne.

France Inter et la programmation politique, une longue histoire (récente)
À l’arrivée de J. P. Cluzel en 2004, ce haut fonctionnaire donne d’emblée des gages de confiance, puisqu’il déclarera au Figaro Magazine, je suis “de droite, catholique et libéral”. Ami d’A. Juppé, il fait impression en Chiraquie. À la barre lors de la tourmente référendaire de 2005, où les chaînes publiques avaient à l’unisson chanté les louanges du “oui”. Sauf quelques exceptions.

Des exceptions qui paieront par un déplacement d’horaires. L’émission de D. Mermet ouvertement critique et populiste se trouvera cantonnée au creux de l’après-midi. Mais rien de politique.

La suspension de Charivari en juin 2006, peut aussi se lire comme une dépolitisation de l’antenne. Une émission où P. Val avait une chronique. Il pouvait y parler librement de fascisme, de démocratie, de dictature tout à son aise. Sans exploser de bornes godwin. L’émission culturelle de F. Bonnaud donnait la parole à des écrivains, des sociologues dont la parole détonnait avec l’esprit du moment. La direction voulant rendre ce créneau de grille “plus drôle et plus léger” décida de s’attacher les services d’Y. Calvi. Journaliste moutonnier, qui fait ses armes dans des talkshows pour éditocrates. Dès lors, plus aucune menace d’infliger B. Stiegler par exemple (un habitué de Charivari) à un public qui veut se “détendre”.

Cette tendance de reprise en main n’est pas neuve. Aujourd’hui s’ajoute le problème des humoristes. Des trublions qui posent bien plus de questions à la rédaction que les simples turpitudes qu’ils dénoncent ou dont ils sont les auteurs.

Des humoristes qui ne font plus rire
Ce qui est ennuyeux avec des olibrius tels que D. Porte ou S. Guillon, c’est qu’ils portent une ombre qui éclipse la tiédeur de la matinale. Quand le climax d’une tranche de deux heures se réduit souvent à une saillie politique, toute une rédaction se sent trompée. Quand les journalistes ou éditorialistes ne sont plus capables de décrire le monde tel qu’il va, mais plutôt tel qu’ils le souhaitent, s’engouffrent des non encartés pour essayer de faire le job. Quand B. Hortefeux ou A. Finkielkraut sont dorlotés par N. Demorand, ou T. Legrand, la seule fulgurance de la matinée émanera des pitres. Quand B. Guetta assomme les auditeurs du même édito louangeur sur l’Union européenne depuis plus de 20 ans, il n’est pas surprenant que la pluralité s’expose ailleurs, dans les interstices non journalistiques. France Inter s’est spécialisé dans le service d’une information lyophilisée à but pédagogique, dont la révérence prend tout son sens au moment des questions des auditeurs. Une externalisation des questions qui fâchent en quelque sorte.
Ce que cache l’éviction des humoristes sous couvert de bienséance, d’insultes, c’est surtout l’incapacité des journalistes de la tranche horaire à sortir du carcan formaté de l’information gentillette post ORTF.

Pas de politique !
C’est le président de Radio France qui viendra se justifier au micro d’une de ses propres stations sur l’éviction, le même jour, de deux humoristes “engagés”. En père tolérant, il mettra en avant son sens de l’écoute, de l’humour, pour conclure par une fin de récré. Sifflée pour dépassement de bornes. Précisant que lui et son fidèle P. Val, ami intime de C. Bruni, n’avaient subi aucune pression politique. Pauvres auditeurs, obligés de subir la voie profonde, presque chaude de l’exécuteur de basse besogne d’un pouvoir politique qui ne lui a(urait) rien demandé. J. L. Hees c’est la transparence, politique. Il pourrait être de tous les partis. Il est (opportunément) de celui au pouvoir. Avec ou sans coup de fil de monsieur (ou de madame), il a intégré en bon petit soldat les devoirs du serviteur zélé. Étroitement ligoté dans son autocensure. Prêt à utiliser tous ses charmes et son crédit pour justifier l’injustifiable. Bien dans le costard du nettoyeur à l’approche des échéances électorales.

La question n’est pas de savoir si S. Guillon ou D. Porte auront une influence sur les élections à venir. La folie du pouvoir se juge à ces menus détails. Comme écarter aveuglément tous ceux qui gênent. Un étourdissant mélange de paranoïa et de méticulosité maladive, pour plier le monde (médiatique) à ses désirs. Car apparemment rien ne sera laissé au hasard, même les humoristes de la chaîne publique. Les journalistes sont prévenus.



11 réactions


  • Pierre Bouysset 24 juin 2010 11:17

    Votre stylo a du fourcher : l’émission de Daniel Mermet ne semble pas « exactement » correspondre à la définition de populiste mais plus clairement à celle de populaire.

    Merci de rectifier ou de faire la démonstration du populisme de cette émission.

    Pierre Bouysset


  • vogelsong vogelsong 24 juin 2010 11:42

    Lire « populiste » dans son acception première.

    Inspiré de « Populisme » – Petit Robert : « Ecole littéraire qui cherche, dans les romans, à dépeindre avec réalisme la vie des gens du peuple. »




    • Mmarvinbear mmarvin 24 juin 2010 11:46

      Populiste : mouvement social ou politique visant à flatter les plus bas instincts du plus bas peuple pour s’en attacher l’adhésion et le vote au moment des élections.

      Synonyme : « la France d’en bas », « braves et honnêtes gens » en période électorale, « fosse à purin » une fois le vote clos.


  • Mmarvinbear mmarvin 24 juin 2010 11:44

    Le vrai problème des « humoristes » comme Guillon ou Porte, c’est de ramer comme un malade pour rattraper une chronique insipide, ennuyeuse ou fausssement irrévérencieuse à base de « j’encule Sarkozy ». C’est la mode en ce moment. Les comiques troupiers croient de la dernière audace de dire du mal d’un président à bout de course, d’idée, de nerfs. Ce n’est plus tirer sur une ambulance, mais sur un corbillard !

    C’est la marque des humoristes actuels. Surfer sur la vague du moment, sans réflexion plus profonde, ni ambition autre que d’essayer de placer le mot le plus ordurier sur l’antenne la plus sérieuse. On est loin des Guignols, ou même du Groland des premières années, quand ils faisaient de l’humour et pas de la politique comme maintenant.

    S’il est si bon que ça, Porte ne devrait pas se plaindre de devoir mettre ses enfants à la DDASS. Viré de France Inter, ce ne sont pas les radios privées ou associatives qui manquent pour s’attacher ses services. Au pire, il peut essayer la RTBF, la RSR ou le Canada...

    Il n’y a aucun souci à se faire pour Guillon, il n’est pas idiot au point de dire du mal de son principal employeur, Canal +.

    Il est clair que s’il revenait, Coluche serait atterré de voir ses successeurs actuels.


    • wesson wesson 24 juin 2010 13:35

      Bonjour mmarvin,

      juger le travail de Didier Porte sur une seule chronique ou il prononce 3 fois « j’encule Sarkozy », tout en faisant fi de ses 10 ans passés à Inter, voilà exactement le prétexte invoqué par le « politiquement correct ». Monsieur le « socialiste tendance coup de pied au cul », vous défendez encore un gouvernement en place particulièrement rétrograde, ce qui n’est guère étonnant de votre part.

      Et surtout, cela montre effectivement que nous n’avez jamais écouté les chroniques de Didier Porte, comme celle par exemple parlant du fiston Bachelot pantouflant dans un emploi de complaisance trouvé par sa maman. Voilà effectivement qui était objectivement irrévérencieux, et très gênant pour les journalistes de la matinales trop occupé par le football pour parler d’autre chose.

      En tout cas, dans ce domaine comme dans l’autre qui vous passionne (le 11/09), vous avez là aussi un train de retard. L’argument de cette chronique un peu raté de Porte n’est plus d’actualité. Aujourd’hui, c’est l’insulte au patron qui tient la route, comme le fit jadis Bouygues avec l’émission de Polack.

      Allez on vous connait, vous roulez pour la droite, monsieur le nounours !


    • Mmarvinbear mmarvin 25 juin 2010 00:18

      « Cent fois sur le métier, remettez votre ouvrage ! »

      Porte a déconné, il en paye le prix. On peut juger que sa saillie sodomisatoire sur le président est un prétexte. D’une façon, ça l’est. Mais il ne faut pas aussi oublier que la direction avait décidé de supprimer les chroniques « comiques » du matin. Guillon et Porte étaient donc de toute façon sur le départ.

      Mais prends un chirurgien qui aura pendant vingt ans accompli un travail exemplaire, sauvé des centaines de vies, et qui un matin, sans que l’on sache pourquoi, au cours d’une banale appendissectomie, ira trancher les carotides du patient. Ses 20 ans passés ne serviront à rien pour sauver son emploi.

      Ou un employé de crèche sans aucune tache sur son CV, qui s’occupe des enfants des autres pendant des années sans un soupçon, et qui, pour une raison X ou Y, se foutra à poil dans la salle d’éveil avant d’aller pisser dans tous les coins. Ce sera Pôle Emploi aussi sec.

      C’est pareil pour tout le monde. Pète un cable et tu es out aussi sec.

      Porte le sais. D’ailleurs il ne conteste pas son licenciement, il fait juste s’en plaindre. S’il l’estime sans fondement, les prud’hommes sont là pour trancher le litige mais on dirait qu’il n’ira pas les saisir, pas plus que Guillon qui lui s’en fout : ce qu’il gagnait à FI n’était qu’un pourboire comparé à ses contrats avec Canal. Il va juste exploiter la situation et faire sa pub pour ses spectacles et DVD.

      Il s’y connait, il le faisait déjà parfois dans ses billets.

      Alors non, je ne vois aucune raison objective de plaindre ces deux gugus.


  • frugeky 24 juin 2010 12:00

    Il n’empêche que les chroniques de Guillon, Porte, ou Morel était certainement plus écoutées que les proses insipides de Legrand ou Guetta et racontaient plus sur l’actualité que tout ce que pouvait dire Demorand-à-la-langue-lisse.
    Je met au passé parce que je n’irai plus sur france-inter, sauf à 15 heures.


  • Hortus 24 juin 2010 13:33

    Cherche nouvelle station de radio libre et cultivée désespérement...


  • joelim joelim 24 juin 2010 18:26

    France Inter,

    une maison au service du roi,

    gracieusement offerte par les contribuables. 

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