mardi 7 avril 2009 - par Francis Pisani

Mort des journaux ou du journalisme ?

La question est posée (parfois de façon exagérée) aux Etats-Unis.

La chute de la pub (16,6% en 2008), les licenciements (8.000 en 2009 selon la carte PaperCuts ) , la fermeture des journaux (10 depuis 2007 selon NespaperDeatWatch ), le passage du papier à des formules essentiellement web (du Christian Science Monitor au Seattle Post Intelligencer) sont les éléments concrets du débat.

On s’inquiéte de la « mort des journaux ». Souci légitime du point de vue des journalistes qui perdent leur emploi.

Robert Picart , spécialiste de l’économie des médias, rappelle pourtant qu’il y a entre 15% et 20% de journalistes en plus que dans les années 70 alors, m’a-t-il expliqué dans un entretien, qu’il y a plusieurs centaines de journaux en moins.

Albert Hunt déplace le débat dans le International Herald Tribune quand il affirme que les journaux sont indispensables au fonctionnement de la démocratie.

Mais.

Clay Shirky, dans un article intitulé « Journaux, penser l’impensable » aborde le même sujet d’une façon différente.

« Quand quelqu’un veut savoir comment nous allons remplacer les journaux, il veut en fait qu’on lui dise que nous ne sommes pas entrain de vivre une révolution ». Ce professeur de New Media à l’Université de New York précise que ceux qui posent ce genre de question « veulent qu’on leur dise que les vieux systèmes ne vont pas se rompre avant la mise en place des nouveaux. […] Ils demandent qu’on leur mente ».

La mort des journaux ne serait dont pas la fin du monde ce qui n’empêche pas, selon Shirky que nous sommes en train de vivre une crise très profonde comparable à celle qui a suivi l’apparition de l’imprimerie de Gutenberg. Le chaos est inévitable tant que de nouvelles solutions n’ont pas été inventées. Il faut leur laisser le temps d´émerger sans jamais oublier qu’il a fallu cent ans la dernière fois pour arriver à un nouvel équilibre.

Quant au problème de fond, Shirky n’a guère de doutes : « La société n’a pas besoin de journaux. Elle a besoin de journalisme ».

Cela veut notamment dire qu’il ne faut pas confondre la crise économique du moment et la crise structurelle induite par les bouleversements technologiques.

J’aime bien le sous titre de Newspaper Death Watch : Chronique du déclin des journaux et de la renaissance du journalisme.

C’est toute la question des opportunités d’inventer qui s’offrent.

Mais vous n’êtes peut-être pas d’accord…



3 réactions


  • Marc Bruxman 8 avril 2009 00:17

    Cela veut notamment dire qu’il ne faut pas confondre la crise économique du moment et la crise structurelle induite par les bouleversements technologiques.

    Je ne suis pas d’accord sur ce point ! Car les deux crises semblent se nourrir l’un l’autre :

    • De 2000 à 2008 (et cela continue) la production industrielle a reculée dans les principaux pays occidentaux. C’est en partie du aux délocalisations, elles même rendues possibles par les facilités de communications accrues. Et c’est en partie du à la dématérialisation de pans entiers de l’industrie. De même dans les services, il y a eu des destructions d’emplois. 
    • On a montré qu’après la récéssion de l’an 2000, la caractéristique principale avait été que de nombreux emplois détruits étaient des jobs de millieu de gamme et avaient été remplacés par des jobs bas de gamme dans les services. Un pattern réminiscent de la révolution industrielle ou les boulots détruits à la campagne étaient remplacés par des boulots très mal payés dans l’industrie.
    • A partir de la, couve une paupérisation d’une partie de la population crée par la technologie, qui va nourrir une crise économique. Mais plus tard !
    • Les excés d’une bulle technologique et la virtualisation de pans entiers de l’économie crée une réaction de mal-être qui engrange un repli vers le concret (inconscient) : La bulle immobilliére allait naître très facilement après la bulle Internet. On passait d’une bulle sur du virtuel à une bulle sur du concret. Un grand retour de balancier, d’une amplitude telle qu’il va se prendre un mur. Car les USA étaient loin d’avoir besoin d’une telle débauche d’investissements dans l’immobillier. La bulle technologique nourrit la crise économique en envoyant l’économie dans un mur. 
    • La technologie moderne est largement responsable de la création de produits financiers et dérivés complexes sans qui elle n’eut pas été possible. Le manque de recul sur ces nouvelles techniques et une confiance aveugle en quelques formules mathématiques exécutées par un ordinateur vont amplifier le mouvement du balancier et le précipiter dans le mur à une vitesse inouie. La crise technologique ici amplifie la crise économique. 
    • A ce moment la, c’est la crise économique qui va nourrir la crise technologique car les entreprises, avides d’économies vont se réfugier dans la technologie pour réaliser ces économies. La prochaine bulle sera surement d’ordre technologique, dans la biologie ou les énergies vertes. Le balancier va revenir à la technologie, et il va y revenir avec une très grande force. Et pendant ce temps, les technologies de l’information vont continuer à progresser à grande vitesse, nourries par les capitaux de la bulle. Le balancier va vite revenir. 
    Une transition sociale comme on en rencontre qu’une fois tous les plusieurs siècles est en cours. Ce à quoi nous assistons n’est que le début. 

  • Polemikvictor Polemikvictor 8 avril 2009 07:48

    Back to basic  : dans un journal avec de la pub, on vire les articles et on garde la pub, l’aspect prospectus de la presse est ainsi poussé à l’extreme.

    L’ex patron de TF1 disait que les émissions servaient à obtenir que les gens aient l’esprit disponible pour la pub, il n’y a pas de raison que la façon de fonctionner de la presse écrite soit différente : si les lecteurs ont l’esprit suffisamment disponible sans les articles , on vire lesjournalistes et on ne garde que la pub. Faisons clairement des prospectus c’est moins cher et moins hypocrite.

    Les propectus, ma boite aux lettres confirme, sont un secteur qui ne connait pas la crise.


  • non666 non666 9 avril 2009 22:41

    En fait ce n’est pas la mort des journaux qui pose problème. C’est la mort de la vérité brute, depuis longtemps qui ETAIT un problème.

    Comme au moment de la reforme (religieuse) l’accès aux ecritures sans les commentaires de l’Eglise et des lettrés, representant des lobbies de l’epoque, a ouvert des perspectives à la pensée moderne. Mais dans nos sociétés modernes, les representants des absolutismes politiques, economiques et religieux refusent cette revolution.

    Que feriez vous à la place des representants de la noblesse et du clergé à l’epoque des lumières ?
    Que font les representants des lobbies economiques et financiers, les representants des puissances etrangères et apatrides qui controlent nos journaux ?
    ...la meme chose.

    Comment se revolter si les concepts pour y reussir sont diabolisés, transformés en tabous par les faiseurs d’opinions en situation de monopole ?

    Ils vont perdre le media papier ?
    Quelle belle affaire, la tv et la radio ont un rendement bien plus grand !


    Mais il y a INTERNET.
    Pourquoi croyez que sous couvert de proteger les artistes, ce qui etait dejà l’objet d’une loi precedente, on créé avec la nouvelle reforme le droit de « deconnecter » les gens ?
    Dès que nous aurons les yeux detournés ailleurs, ce droit sera etendu a de nouveaux « crimes » d’opinion.

    Vous editer un journal en ligne sans avoir une carte de presse ?

    C’est INTERDIT....
    Avez vous un diplome pour avoir le droit d’emettre une opinion ?

    La presse et les journaliste papiers peuvent mourir : ils se sont vendus depuis si longtemps que nous ne les regretterons pas.
    Mais la racaille sarkoziste a dejà prevu de maintenir le controle de l’opinion aux mains de ceux qui l’ont fait elire, par d’autres moyens.
    Le flicage d’internet n’en est qu’au debut, soyez en sur.





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