vendredi 3 février 2017 - par Michel DROUET

Ce que nous apprend l’affaire Fillon

Tout est légal récitent en chœur les parlementaires et les partis ! Une enveloppe financière destinée à payer les collaborateurs des députés et sénateurs est mis à la disposition de ceux-ci charge à eux de donner les noms de ces collaborateurs afin qu’ils soient payés par les services des assemblées.

Pour le reste, la nature du travail, les conditions et le lieu d’exercice des missions confiées relèvent de la discrétion du parlementaire qui signe le contrat de travail.

Tout va pour le mieux, donc

Jusque-là tout va bien effectivement sauf que l’on découvre que le système permet la création de véritables petites entreprise familiales, ce qui n’est pas interdit, mais qui sur le plan moral pose tout de même problème.

On découvre également dans l’affaire Fillon un très gros soupçon de travail fictif puisque l’intéressé elle-même (son épouse) déclare qu’elle n’a jamais été l’assistante de son député de mari (autrement dit nous serions dans un cas de détournement de fonds publics).

Juridiquement, c’est permis, encore faut-il préciser que ce sont en l’occurrence les parlementaires eux-mêmes qui votent les lois et les règlements qui leur permettent, au travers des mandats qu’ils détiennent du suffrage universel, de se livrer à ces acrobaties qu’ils sont les premiers à dénoncer lorsqu’ils parlent des pseudos errements des bénéficiaires de l’aide sociale publique et pour des sommes et des durées bien moindres.

Et ces bonnes âmes de brandir l’argument de la séparation des pouvoirs pour refuser toute intervention du pouvoir judiciaire dans ces montages que dans le privé l’on qualifierait sans doute d’abus de bien social : c’est légal, enfoncez-vous bien ça dans le crâne et circulez, il n’y a rien à voir.

On baigne dans la légalité

Parlons également du régime de retraite très spécial des parlementaires qui leur permet de toucher l’équivalent d’un SMIC après un seul mandat de six ans. Les smicards apprécieront.

Parlons aussi de l’indemnité représentative de frais qui s’ajoute à l’indemnité de parlementaire et de l’enveloppe pour les collaborateurs et qui a pu servir (ou sert encore) à rembourser les emprunts contractés par le parlementaire pour l’achat d’une permanence dans la circonscription et permet donc à terme la constitution d’un patrimoine privé avec de l’argent du contribuable.

Citons également une pratique bien répandue par le passé, (et qui touche à sa fin par la mise en place du non cumul de certains mandats) qui consistait à faire rémunérer par les impôts locaux des postes d’assistants ou collaborateurs qui géraient de fait le lien entre le conseil général ou la Mairie et le Parlement et qui s’ajoutaient aux collaborateurs parlementaires. On comprend pourquoi les réformes visant à supprimer une ou plusieurs couches du mille-feuille territorial n’a pas beaucoup d’écho auprès des députés et sénateurs.

Légal également, la mise en place d’un homme de paille à la Mairie de Nice destiné à contourner les textes concernant le non-cumul des mandats de M. Estrosi entre la ville et la présidence de la Région.

Légale enfin l’immunité parlementaire (qui ne peut être levée que par les bureaux des assemblées) et qui permet à certains parlementaires de continuer à siéger des années (et de se faire réélire) bien qu’ils soient mis en examen. Sur ce point on peut tout de même reconnaître qu’un mis en examen est présumé innocent mais pour le moins le parlementaire dans ce cas devrait céder son poste à son suppléant jusqu’au jugement définitif. Cela permettrait sans doute de limiter les procédures destinées à freiner la justice et éviterait les cas Balkany ou encore Dassault, ce dernier venant d’être lourdement condamné en première instance.

Saluons tout de même la mise en place du parquet financier qui a permis de juger rapidement l’affaire Cahuzac du non de ce ministre des finances, fraudeur fiscal (un comble) et citons la fameuse « phobie administrative » de M. Thévenoud, député socialiste.

Les dérives du système

Tout est légal, donc, mais on se rend compte que le statut particulier des élus pose tout de même question par rapport au droit commun applicable aux citoyens.

Ce statut, très avantageux, emporte le non renouvellement de la classe politique puisque le nombre des mandats de parlementaires n’est pas limité dans le temps. Ainsi, voit-on des élus qui n’ont aucune connaissance de la vie vécue par leurs concitoyens et qui trouvent logique leur statut privilégié.

Comment voter des lois qui s’appliquent aux autres lorsque soi-même on est à part ?

La durée de vie politique qui ne s’arrête pas à l’âge de 62 ans emporte également une très grande perméabilité aux souhaits et parfois exigences des lobbies qui assiègent les assemblées, contre l’intérêt général. Il n’est pas rare que des amendements préparés par le Medef, les institutions bancaires, les fabricants de cigarettes, les alcooliers, les chasseurs ou les professions médicales soient lus in extenso dans les hémicycles et dénaturent au final l’esprit des projets de lois.

Il est donc clair que la non limitation des mandats dans le temps a un impact certain sur la production parlementaire. Un plus grand renouvellement des assemblées limiterait de fait cette mainmise des lobbies sur le contenu des lois votées.

S’agissant de la vie démocratique, la non limitation du nombre de mandats a également des effets néfastes puisqu’elle se traduit par des promesses de campagne démagogiques destinées simplement à se faire élire. Les promesses n’engagent que ceux qui les écoutent.

L’affaire Fillon est révélatrice mais c’est également une catastrophe pour le système

Même les candidats « hors système » s’insèreront un jour ou l’autre dans ce système et ses dérives. La pratique des « assistants parlementaires » payés par une institution mais n’effectuant pas leur missions au sein des assemblées qui les rémunèrent (par exemple les assistants du FN payés par le Parlement européen) montre bien qu’il est difficile de ne pas mettre les doigts dans le pot de confiture.

Aujourd’hui, on commence, dans le parti de M. Fillon, à parler d’accident industriel, d’élimination dès le premier tour. Les électeurs sont sidérés par cet homme réputé droit, gaulliste et catholique, comme il l’affirme lui-même, sombrer en s’abritant derrière des arguments de défense « légaux » alors que les électeurs ne parlent que de morale bafouée.

L’accident industriel, ce sont également les députés LR qui se voyaient déjà emportés jusqu’à l’Assemblée par une vague de droite et qui commencent à s’inquiéter pour leur rente.

Enfin, à qui profite l’affaire ? Sur ce point nous sommes déjà certains que le FN qui surfe sur le « tous pourris » engrangera des dividendes et que le petit nouveau Macron, ni de gauche ni de droite, si beau, si jeune, au charisme certain dans les meetings mais au programme vide attirera également des déçus de Fillon.

Pas sûr que la démocratie sorte grandie de cet épisode putride. Un jour, sans doute, nous nous reprocherons à nous même d’avoir laissé faire, d’avoir fait trop confiance à une classe politique hors sol et d’avoir confondu politique et téléréalité.

 



102 réactions


  • InternetDev InternetDev 6 février 2017 07:59

    Elle nous apprend un tas d’autres choses l’affaire Fillon ....

    - Elle nous apprend, par exemple, pourquoi Monsieur se disait être à la tête d’un État en faillite - Évidemment si tout le monde éfait comme lui, ce n’est plus la faillite mais la banqueroute.
    - Elle nous explique pourquoi il a laissé son gouvernement offrir 400 000 000 € à Tapie.
    - Elle nous explique pourquoi il a fallu attendre si longtemps pour choper des donateurs su premier Cercle (Wildenstein) pour fraude fiscale.
    - Elle nous apprend pourquoi le confortable train de vie de double cadre supérieure de François Fillon lui ont fait supporter son poste de premier ministre d’une « République plus que Reprochable »..

    En résumé, elle nous apprend le sens de l’Etat qu’a monsieur Fillon ... un sens égoïste, qui croit qu’il peut privatiser le bien commun pour son confort de Châtelain plus austère envers les pauvres tant que lui ne souffre pas trop des saignées qu’il administrait et veut administrer à d’autres..

    Elle nous apprend aussi, que dans « un état en Faillite sur le plan financier » on peut gaver madame, sous-payer (du coup) ses réels assistants parlementaires, et en plus, se trouver le loisir de s’occuper de sa société bizarre 2 FConseil.... ( 624.000 euros de salaire net en 3 ans et demi - l’emploi fictif de madame ne lui suffisait pas)..

    Pour des conférences ..... quand on voit sa défense merdique sur l’affaire d’emplois fictifs (et détournement de fonds publiques), on se demande bien ce qui lui vaut d’être conférencier, et quels conseils (ou conseiller en fraudes) peuvent lui valoir des clients aussi généreux couchés devant ce type flou et tortueux  ???

    Autre surprise : 2F Conseil : Ouverte juste avant que la loi sur la transparence ne le contraigne.... (il a eu du nez le cachotier) ....

    Cette affaire, comme celle de Cahuzac, présenté comme contre pouvoir alors que Woerth connaissait le travail de Rémy Garnier, nous raconte que ceux qui nous promeuvent les saignées, ne risquent pas de se saigner eux-mêmes.

    Que la communication détruit la politique ... un type qui prétend vouloir être président est si convaincu de son innocence qu’il a besoin de la chère Anne Méaux ...

     Alors que ses enfants si chères (plus le fils que la fille) auraient été si efficaces (au prix qu’il les payaient avec l’argent publique) et si bons avocats qu’il les employaient avant l’obtention de leurs diplômes, ne lui suffisent pas pour se défendre.... et que dire « des conseils » si précieux de madame qu’il pourrait avoir gratuitement pour lui-même.....

    c’est sûre que quand on voit que la défense consiste à nous priver d’une si chère conseillère, on se demande bien quel tarif faudrait-il la payer pour qu’elle parle ?
     


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