lundi 2 juin 2008 - par GHEDIA Aziz

De l’UMP à l’UPM

Avec le temps, c’est-à-dire à l’approche du 13 juillet, il devient de plus en plus évident qu’en annonçant son projet de l’Union pour la Méditerranée lors d’un discours de campagne électorale, celui qui n’était alors qu’un candidat de l’UMP à la présidentielle française, Nicolas Sarkozy, avait en fait "mis la charrue avant les bœufs". Ce qui n’est pourtant pas dans la tradition des hommes politiques français. Habituellement, ceux-ci ne prononcent pas de discours démagogiques, mais font plutôt dans le pragmatisme. Dans la realpolitik, pour user d’un terme des temps modernes, ils n’usent pas de la langue de bois comme il est de coutume chez leurs homologues du Sud et ainsi donc ils n’avancent des choses que lorsqu’ils sont certains d’être écoutés et leurs conseils suivis à la lettre.

Il faut dire que ça n’a pas été le cas de Nicolas Sarkozy qui s’est empressé d’annoncer un projet qui, même s’il est très louable dans ses intentions, n’a pas été d’emblée accepté à l’unanimité par ses partenaires de l’Union européenne. S’il a peut-être été très facile à Nicolas Sarkozy de convaincre Espagnols et Italiens de l’utilité et de l’intérêt qu’il y a à fédérer tous les pays riverains de la Méditerranée autour de cette noble idée, parions qu’il a dû éprouver toutes les peines du monde à vendre sous cet emballage le produit de sa réflexion politique à l’Allemagne d’Angel Merkel.

Preuve en est le changement de l’appellation de ce projet qui, de "l’Union méditerranéenne", s’est transformé en un tour de main en une "Union pour la Méditerranée" et cela juste après une réunion à Hanovre, en Allemagne, de Nicolas Sarkozy avec la chancelière allemande. Sans être linguiste chevronné, il est aisé de comprendre que l’adjonction de la préposition "pour" à l’intitulé initial du projet change du tout au tout la donne. En effet, dans ce projet, il est beaucoup plus question des problèmes de l’environnement qui se posent à la Méditerranée elle-même et des embarcations de fortune qui y naviguent à l’assaut de la citadelle Europe que d’une réelle volonté des Européens de s’unir avec le Maghreb ou d’aider les pays du Sud à se développer. Proposer une coopération dans la lutte des incendies de forêts à un pays aussi désertique que l’Egypte ou la Libye n’a aucun sens à mon avis. Ceci est un exemple parmi tant d’autres. Ça fait peut-être sourire, mais c’est ce que j’ai lu quelque part dans une chronique d’un grand hebdomadaire français ! Car de l’avis des hommes politiques et des spécialistes des relations internationales qui s’expriment un peu partout dans les médias tant français qu’autres, le projet de cette fameuse union tel qu’il se présente actuellement, c’est-à-dire axé en grande partie sur les problèmes d’ordre écologique, est d’un flou total : personne ne sait exactement en quoi il consiste réellement sur le plan politique. Sauf peut-être son promoteur, Nicolas Sarkozy, et son "porte-plume", Henri Guaino. Au départ d’ailleurs, certains analystes politiques ont vu, dans ce projet, une ruse politique de Nicolas Sarkozy qui voulait en quelque sorte faire d’une pierre deux coups : proposer une alternative à la Turquie [il est contre l’adhésion de ce pays à l’Union européenne] et obliger les pays arabes à normaliser leurs relations avec l’Etat d’Israël sans que celui-ci ne soit à son tour tenu par l’obligation de permettre la création d’un Etat palestinien viable.

Alors que certains pays du Sud ont vécu dernièrement des émeutes de la faim conséquemment à la cherté des produits de première nécessité sur le marché international, l’on nous convie, en quelque sorte, et ce n’est pas exagéré de le dire, à un débat sur la pollution marine et l’écologie d’une façon générale. Alors que les pays du Sud attendent une coopération dans les domaines scientifiques et technologiques, l’on nous propose que des thèmes en rapport avec l’environnement. Je ne dis pas par-là que l’environnement ne doit pas attirer notre attention, mais force est de reconnaître qu’il y a mille et une priorités pour les pays du Sud. Pour des populations démunies de tout ou presque, pour des populations au ventre creux, il n’est pas facile de leur faire avaler la pilule amère de l’environnement en leur disant qu’on va s’unir avec l’Europe pour colmater la brèche de l’ozone au-dessus de l’Antarctique. Ils n’en ont rien à cirer.

Ainsi, le projet est vidé de toute sa substance bien avant d’avoir vu le jour et on se retrouve au bout du compte avec un "processus de Barcelone bis", processus qui, il faut en convenir, n’a pas donné les résultats escomptés. Et c’est ce qui d’ailleurs laisse les pays de la rive Sud de la Méditerranée sceptiques quant à l’aboutissement de ce second projet. Et c’est pour cela aussi qu’ils sont loin d’accueillir avec "enthousiasme", comme le dit un professeur de sociologie, "l’idée avancée par Nicolas Sarkozy". Du moins l’accueil qu’ils lui ont réservé, par politesse et non par calcul politicien comme on a tendance à le faire croire, reste mitigé. De l’Egypte à l’Algérie en passant par la Tunisie, c’est toujours le "wait and see" même si lors de chaque escale dans l’un ou l’autre de ces pays Nicolas Sarkozy ou ses émissaires promettent monts et merveilles, coprésidence à Hosni Moubarak et secrétariat à Zine El Abidine Ben Ali. Il faut bien reconnaître que ceux-ci ne sont pas assez dupes pour croire au père Noël, ils savent bien que, même si le père de ce projet est bien Nicolas Sarkozy, la tâche de distribuer les rôles dans cette future union ne lui incombe pas à lui tout seul et que Bruxelles veille au grain c’est-à-dire sur tout au sein de l’Union européenne. Rien ne se fait sans son accord. Bruxelles l’a déjà fait savoir : elle n’entend pas laisser le champ libre à Sarkozy de manœuvrer à sa guise. Tous les pays de l’Union se sentent concernés par cette affaire même s’ils ne sont pas tous riverains de la Méditerranée et même si le regard de certains d’entre eux est plutôt tourné vers l’Est : c’est le cas de l’Allemagne. Ainsi donc faire adhérer à ce processus un pays qui, comme la Norvège par exemple, n’a rien à voir ni de près ni de loin avec la Méditerranée est une bien belle façon de torpiller ce processus. C’est une belle façon de noyer le poisson dans l’eau de la grande bleue !



7 réactions


  • non666 non666 2 juin 2008 14:02

    Croire, parce qu’il l’a annoncé au moment de sondages très clairs , que Nicolas Sarkozy de Nagy Bosca est contre l’entrée de la Turquie et d’israel est un acte de foi que vient malheureusement contredire ses actes recents.

    C’est DSK, un autre eminent representant des defenseurs d’israel qui avait été le premier à revendiquer cette "nouvelle" solidarité au moment ou la Turtquie etait plus que jamais montrée par les sondages.

    Or le lobby pro-israelien a besoin de l’entrée, dans l’UE de la Turquie pour que celle d’israel soit "legitime".

    Devant le rejet des hordes asiates par les sondés, le lobby s’est donc livré à un nouvelle exercice de manipulation de boites vides... DSK, puis Sarkozy , "invente" donc l’union mediterannenne au moment ou il est evident que l’entrée dans l’UE n’est pas possible, ni souhaitée par les europeens authentiques.

    En France cette invention est particulièrement habile puisque cela "motive" le vote immigré, qui croit que c’est un moyen de faire venir les cousins de l’autre rive et d’en faire des tirailleurs sacrifiables.

    Sacrifiable car evidemment, personne ne leur dit qu’il n’est question pour aucun des europeens de voir jamais l’Algerie, la Tunisie, le Maroc, la Lybie, l’Egypte, la Syrie dans NOTRE ensemble de solidarité...

    Non l’objectif est de degager une majorité pour faire passer le truc qui permettra ensuite d’integrer par la petite porte les deux alliés des etats unis. Au pire, s’ils entrent , ce sera un moyen de tuer tout rève europeen et de preparer la mondialisation ...

     

    D’ailleurs si tel n’etait pas leur objectif, pourquoi la reforme constitutionnelle actuelle serait elle en train de supprimer cet article qui nous gfarantissait notre mot a dire sur tout nouvel entrant à l’UE ?

    Democratie ! , democratie ! democratie, scandent ils tout en la pietinant !

     


  • Pierre de Vienne Pierre Gangloff 2 juin 2008 16:43

    Merci pour votre article, il est fort interessant d’avoir des avis qui viennent de l’autre côté de la méditerranée.

    Pour l’instant nous sommes comme vous, c’est à dire incapables de vous dire quel est le but recherché par notre président à propos de l’UPM. Simple façon d’occuper le terrain médiatique en faisant semblant d’agir à un niveau international ? Aider les "familles régnantes francaises" ( grand indusriels du BTP, de la distribution) à se trouver des marchés, et de la main d’oeuvre à bon marché ? Agir dans un cadre plus Atlantiste à la résolution des problèmes des etats d’Israel et des Palestiniens ? Dans tous les cas l’intention c’est de diviser pour régner, je cajole l’un, je stigmatise l’autre, et demain je ferais le contraire. Cela fait une année que nous avons l’expérience de ses pratiques, démolition des partis, des hommes, des idées, dans l’unique dessein de servir une ambition personnelle. Vous avez raison de vous méfier.

     


  • Mohammed MADJOUR (Dit Arezki MADJOUR) Mohammed 2 juin 2008 18:09

    Ne vous fatiguez pas !

    Gardez votre parti de fin du Monde, cette coalition créée de façon tout à fait illégale par le Sorcier Chirac !

    Ni UMP, ni UMP, ni PMU, ni rien du tout avec la France plus que jamais néocoloniale !

    La France peut encore nous exploiter à cause des chefs indigènes assimilés, corrompus, médiocres, imcompétents, soumis, vassaux et incapables de servir leurs pays mais croyez moi cela ne va pas pour autant dans l’intérêt de la France chérie !

    Si l’Allemagne était un pays vraiment intelligent elle se dégagerait de cette France qui était réellement à l’origine de beaucoups de drames planétaires donc le terrorisme !

    MOHAMMED.


  • Qual 2 juin 2008 18:53

    Hop :

    "Ce qui n’est pourtant pas dans la tradition des hommes politiques français. Habituellement, ceux-ci ne prononcent pas de discours démagogiques"

    @ l’auteur : Vous vivez sur quelle planète, dans quelle France ? Je ne connais pas un seul homme politique qui ne verse pas dans la démagogie...

    Typhon, Qual.

     


  • Dalziel 2 juin 2008 18:59

    "Pour des populations démunies de tout ou presque, pour des populations au ventre creux, il n’est pas facile de leur faire avaler la pilule amère de l’environnement en leur disant qu’on va s’unir avec l’Europe pour colmater la brèche de l’ozone au-dessus de l’Antarctique. Ils n’en ont rien à cirer.

    Allons plus loin, et disons qu’abstraction faite de notre pognon, ces populations n’ont rien à cirer de rien du tout !


    • HELIOS HELIOS 2 juin 2008 20:19

      et des visas.... du pognon pour les dirigeants et des visas pour les autres... c’est exactement ça qu’ils attendent de l’UPM !

      Les peuples mediterranéens ont du soucis a se faire. Quand ils auront compris qu’on developpe un pays en travaillant a l’interieur, un grand pas sera fait. nous pourrons alors les aider efficacement avec nos normes de Bruxelles...


Réagir