La démocratie peut-elle être anti-capitaliste ?
Suite à l'article : Le capitalisme peut-il être moral ?
Pour certains, disons de la gauche extrême ou révolutionnaire (du moins en paroles), la démocratie, du fait des inégalités en tous genre générées par la capitalisme comme système d'exploitation de la force de travail au profit des investisseurs, ne peut être compatible avec la démocratie et cela d'autant moins que dans un tel système celle-ci est instrumentalisée, voire détournée et donc trahie, au service de ceux qui ont les moyens capitalistiques et intellectuels et les instruments de propagande idéologiques, de manipuler les électeurs à leur profit, celui des possédants exploiteurs et leurs valets médiatiques. Pour d'autres, la démocratie suppose la liberté individuelle d'entreprendre, voire de s'enrichir par l'épargne, le travail et l'investissement. Elle suppose donc le refus de toutes interventions de l'état dans les relations d'échange économique autres que celles qui sont indispensable à un ordre libéral pacifié, sinon pacifique. La démocratie serait capitaliste ou ne serait qu'une dictature plus ou moins totalitaire par la fusion du pouvoir économique exorbitant conféré à l'état et une politique, même majoritaire, contraire au droit libéral. Examinons cette opposition pour nous demander si elle est indépassable, comme, des deux bords, on tente de nous en convaincre.
Le capitalisme contre la démocratie.
La démocratie par définition, est fondée sur l'idéal de l'égalité des citoyens (Tocqueville. Elle. se doit d'être sur le plan économique et social le correcteur des inégalités que génère le capitalisme, sauf à disparaître dans une crise politique profonde en apparaissant ouvertement comme au service du capital au mépris de la majorité des citoyens. Elle doit par la redistribution, les services publics de base gratuits (éducation, santé, transports publics, information)) donner, dans le domaine économique et social, à tous les citoyens les moyens de vivre l'égalité des chances et des droits fondamentaux, dont le droit au travail et à la dignité qui sont indissociables du respect des droits de chacun dont celui du droit du et au travail. Celui-ci inclut le droit des salariés à faire usage du droit de grève pour obtenir celui de négocier sur les salaires, les conditions de travail et les licenciements, éventuels, en position plus égalitaire avec ceux qui les emploient . Ainsi, dans les pays du Nord de l'Europe, au moins dans les grandes entreprises, le droit des employés et salariés participer à la direction de leur entreprise capitaliste (cogestion) est affirmé, ce qui met en cause la logique fondamentale de du capitalisme en particulier financier qui tend à devenir dominant dans le monde. La règle d'or du capitalisme financier mondialisé est en effet celle de "la socialisation des pertes et de la privatisation des profits". Dès lors que les grandes banques et autres institutions financières lorsqu'elles n'échappent pas à tout pouvoir de sanction dans les paradis fiscaux peuvent exiger des états et donc de l'impôt et des citoyens d'être sauvées de la faillite, sauf à mettre toute l'économie par terre, elles disposent sur les états et les populations d'un pouvoir presque sans limites. Un tel pouvoir est, par nature, anti-démocratique et, sous le couvert mensonger de la liberté d'entreprendre, prend en otage la démocratie pour la vider et la détourner de se son sens au service de d'une dictature de fait des marchés, comme on dit improprement, alors qu'il s'agit de celle de ceux qui détiennent les capitaux contre ceux qu'ils emploient. En cela la démocratie est anti-capitaliste ou n'est qu'une illusion trompeuse qui ne se pare de son nom que pour mieux l'annihiler.
La démocratie est capitaliste ou n'est pas :
Or toute l'expérience historique des ex-pays socialistes montrent que le refus de la propriété des biens de productions et d'échange et du marché comme régulateur, même très inégalitaire des relations entre l'offre et la demande, tend à être inefficace d'une part, et ,d'autre part et surtout, substitue à une injustice négociable par la démocratie une dictature de fait au profit, plus ou moins exclusif de ceux qui prétendent gérer au nom de l'état et de l'intérêt prétendu général dont ils s'attribuent le monopole de la représentation au nom du peuple supposé uni contre le capitalisme, sur l'ensemble des individus. Toute tentative de socialiser l'ensemble de l'économie et des relations de production et d'échange aboutit nécessairement à leur étatisation administrative et à la concentration du capital et du pouvoir de décision politique entre les mains du parti et de ceux qui administrent politiquement le capital soi-disant socialisé. Cette concentration a fait la preuve de son échec économique et politique et à travers elle, a substitué au capitalisme fractionné un capitalisme d'état encore plus liberticide et anti-démocratique, voire totalitaire et sanglant, que ce dernier, du fait même de cette concentration. Tout pouvoir corrompt et le pouvoir qui fusionne la politique et l'économie est sans limite et donc est encore plus corrupteur. Cela est vrai du capitalisme lorsque cette fusion opère par le jeu apparent de la démocratie formelle, mais encore plus lorsque la politique s'empare de l'économie sous la forme de la dictature d'un parti unique incontestable.
Vers un capitalisme limité par la démocratie.
Si la démocratie n'a pas être anti-capitaliste, c'est à dire à prétendre abolir le capitalisme et l'économie de marché, elle doit s'efforcer de séparer le pouvoir politique et le pouvoir économique comme elle doit traditionnellement séparer, ce qui est toujours compromis, les autres pouvoirs en particulier judiciaire et politique .Cette séparation est la condition d'une démocratie vivante et alternante et la tension entre les deux sphères du capitalisme et de la politique démocratique est au cœur de la possibilité des libertés et des droits individuels et collectifs des salariés. Or cette séparation et ces derniers droits sont aussi la condition nécessaire de la légitimité politique du capitalisme et donc de sa pérennité à long terme, car celui-ci a besoin de faire croire qu'il est au service de tous, au moins en apparence et, si possible, plus ou moins en réalité (c'est à la vie démocratique d'en décider concrètement). Un capitalisme démocratisé, à savoir civilisé et régulé par la politique, qui doit, pour ce faire, séparer les domaines de la politique et de l'économie peut seul être libéral , pluraliste et démocratique. La tension permanente entre le capitalisme et la démocratie est donc à la fois indépassable et indispensable à la vie politique. Cette tension est au coeur du débat entre la gauche et la droite sur fond de la lutte entre le capital et le travail, laquelle détermine la possibilité même de la vie démocratie, tant au parlement que dans l'espace public.