La nécessaire défaite de l’UMP
Le rêve de la Droite est de perdre. Bien sûr, ce rêve est inavouable, mais Ô combien serait-il salutaire si celui-ci venait à se réaliser. A l’image des désirs interdits, il n’y a pas de volonté affichée de perdre, mais il y a, pour l’UMP, la nécessité stratégique de se retrouver dans l’opposition. Pourquoi ? Pour s’opposer tout simplement et retrouver ainsi la liberté de ton et la verve de contre-attaque idéologique. Il faut donc, dans le second tour des législatives de dimanche, trouver l’équilibre de la défaite entre le « juste ce qu’il faut » et « ce qui est acceptable » en évitant une débâcle qui écarterait les new-ténors de la droite de l’hémicycle, donc d’une tribune médiatique. Car pour rebondir, il faut être dedans.

C’est le paradoxe d’une élection qui, par définition, se joue pour être gagnée. Ici, c’est le contraire. La Droite a besoin de se refaire « la cerise » en passant de l’autre côté du miroir. Et pour cela, elle doit mener un combat pour le perdre. Faire semblant de se battre, elle y est obligée, tout simplement pour faire bonne figure, pour sauver les apparences, et accessoirement ne pas perdre les militants et les cotisations qui vont avec. Sans oublier les électeurs qui ont besoin de croire que la Droite veut gagner.
Mais au fond, c’est beaucoup de bruit pour rien. Que dirait l’électorat de Droite s’il savait la vérité sur l’absence de volonté de combattre ? Ce stratagème est inavouable, inacceptable, inimaginable… mais pourtant si vrai. Chercher à perdre fait aussi partie d’une stratégie gagnante.
Quand je faisais état de cette analyse avec une amie de Droite que je croise tous les matins sur l’axe fréquenté de ma route départementale, elle ne m’a pas cru. Pour elle je divague, j’extrapole, jamais l’état major ne validerait une telle hypothèse. En fait, elle ne veut pas me croire. Cela me rappelle le choc que j’ai infligé il y a quelques années à mon beau père quand je lui ai dit que ce n’était pas Johnny qui chantait ses chansons en concert, mais un sosie vocal. J’ai évité de peu un uppercut. Heureusement que nous étions dans un restaurant gastronomique autour d’une fondue savoyarde. Mon cocard n’a tenu qu’à un fil, si je peux me permettre.
Devant la tragédie découlant de la vérité, peut-on aujourd’hui révéler le secret de l’UMP ? Ce serait un choc. Impossible d’afficher au grand jour la volonté de perdre, la survie de l’UMP tient au silence. Ce serait une tromperie.
Nous assistons donc au service minimum. La jeune baronnie de Droite agite le chiffon rouge, le chiffon bleu marine, l’essuie-tout pour tout laver. On tape un peu sur Hollande, sur le couple, on cherche des poux, des cheveux blancs. Bref, on cherche le grain de sable dans le jardin du voisin. On occupe l’espace médiatique avec des effets de manche. En fait, il s’agit de donner des coups sans chercher à faire mal.
Alors, soyons lucides. En responsabilité et fair-play, permettons à la Droite de sortir la tête haute de ce combat qu’elle semble avoir du mal à mener. Ne cherchons pas l’humiliation en demandant des nouvelles du bouclier fiscal, du Fouquet’s, ou d’une riche amie « qui le vaut bien ». Non, ne leur infligeons pas une victoire qu’ils refusent. Libérons les chaines qui les empêchent d’exister et laissons-les accéder à la défaite si telle est leur propre volonté. « Aidons-les », en écho au célèbre et vibrant « aidez-moi », à retrouver l’introspection nécessaire au bilan d’une décennie d’échec social.
Que la force du silence soit… ne pas déranger.