mercredi 16 janvier 2019 - par
Le faux débat du président qui n’écoute pas et n’apprend pas
Les vœux du 31 décembre, avaient annoncé la couleur. Après une mobilisation en forte hausse lors de l’acte 9, pas assez soulignée par des média de plus en plus avocats du pouvoir, Macron a fini par dévoiler sa lettre qui doit lancer le grand débatannoncé en décembre. Comme il était prévisible, le président, qui a récidivé dans l’insulte sociale vendredi, refuse de débattre de ce qui compte.
Tactique politicienne et rupture avec les Français
La manière dont Macron gère la crise des gilets jaunes est absolument ubuesque. Là où le Général de Gaulle a su siffler la fin de la récréation au printemps 1968, en convoquant des élections qui redonnaient la parole au peuple, remportant un succès triomphant, son très lointain successeur est incapable de trouver une porte de sortie. Car la nette remontée de la mobilisation, 84 000 personnes selon les faibles décomptes officiels, contre 50 000 la semaine précédente, indique que la tension n’a pas baissé. Il faut dire que Macron ne donne aucune raison de baisser la garde, entre gestion chaotique, pour ne pas dire d’amateur, de ses annonces, son profond manque d’écoute et ses provocations.
Le bilan du dernier mois est absolument effarant. Après les hésitations sur les moyens d’accorder cent euros de plus aux personnes qui gagnent le SMIC, nous avons eu droit aux aléas de l’organisation du grand débat national, avec le retrait de Chantal Jouanno, puis la valse hésitation sur le sort de la taxe d’habitation pour les 20% de Français les plus riches. Un sentiment d’amateurisme et de manque de préparation commence à affaiblir ce qui était sensé être une force de Macron : son présupposé professionnalisme. Aujourd’hui, tout le monde le voit naviguer à vue, hésiter, faire des annonces précipitées et mal préparées. On se demande ce qui pourra bien lui rester à la fin, si ce n’est ses concurrents…
Et que dire de cette effarante provocation faite la veille de l’acte 9, s’ajoutant à une longue liste, à savoir que « trop de Français n’auraient pas le sens de l’effort ». Dire que moins de deux semaines avant il avait fait mine de regretter ce type de paroles ! Il n’aura même pas tenu deux semaines pour reprendre ses provocations ! Et pour couronner le tout, alors que 77% des Français sont favorables au retour de l’ISF, et que les questions économiques sont probablement les premières qui motivent les gilets jaunes, il sort le sujet du débat, n’y acceptant que des questions sur les impôts ou les dépenses à baisser, alors même que la question est justement de faire payer plus à ceux qui le peuvent.
Pas totalement malhabile, il veut focaliser le débat sur les institutions, ouvrant la porte au RIC défendu par les gilets jaunes. Mais plus globalement, la séquence de la semaine dernière semble indiquer une claire volonté d’asphyxier Les Républicains, au point de ne pas hésiter à reprendre l’atirail sécuritaire de Sarkozy, des mesures annoncées par Philippe sur les casseurs, jusqu’à l’évocation de la possible suppression des allocations familiales pour les parents de délinquants, en passant par les quotas de migrants. C’est ce qu’a noté Sapir, qui a parlé de « parti de l’ordre ». Que va-t-il bien pouvoir rester à la droite pour tenter de se différencier du pouvoir en place dans les prochaines élections ?
Frédéric Lordon a bien raison de parler de « Forcenés », pour qualifier la posture de Macron. Mais ce terme s’applique également bien aux éditocrates, qui ont plaidé sans succès pour une fin du mouvement, achevant de creuser le fossé entre les Français et leurs média. Même si cela ne justifie pas la violence, on peut y voir une part de responsabilité dans la regrettable tension actuelle.