Marine au front, un retour vers le passé
L’écoute du discours de Marine Le Pen au congrès du Front national laisse apparaître un revirement politique très intéressant de la part de la direction. Une analyse de ce discours montre le ciblage d’un électorat prisonnier du passé qui refuse l’évolution de la société. En ces temps de mutations, malheureusement ce discours risque fort de faire des dégâts.
On était habitué à un discours du front national centré sur ces piliers :
- L'immigration.
- La nation.
- La religion catholique.
Si l'immigration et la nation restent des thèmes forts du parti à la flamme, on remarque le remplacement du catholicisme comme pilier fort (bon nombre de leurs électeurs sont très traditionalistes dans ce domaine) par une défense forte de la laïcité. Cela montre que le front national, parti passéiste si il en est a abandonné le combat sur la religion. Il considère la perte d'influence des valeurs religieuses comme réglée, l'accepte. Ce faisant il s'éloigne fortement de l'extréme droite classique et se rapproche de la gauche. Il sera intéréssant de voir si ceci provoque des tiraillements au front.
Mais le plus étonnant est l'apparition d'une forte dominante économique et sociale dans le discours du front alors que ces sujets étaient alors considérés comme subalternes par ce parti. Certe, cela fait quelques mois que Marine expérimente sur ce terrain, mais l'écoute de son discours est très surprenante pour un parti d'extréme droite, puisque durant de longs moments on aurait presque eu l'impression d'entendre un discours de gauche bien rose. Les thèmes des délocalisations, de la désindustrialisation, de la marchandisation, du consumérisme, tous les classiques ont été évoqués. Le tout combiné à un nationalisme fort, bien de droite celui la et d'un refus des différence au sein de la France ("il ne peut y avoir qu'une seule communauté : les français").
Le discours de Marine est que l'on partage ou pas ses idées un moment important dans la politique française vu que l'on assiste de plus en plus à un déplacement de la ligne de clivage droite / gauche. En fait son discours est presque un plaidoyer contre la société post-industrielle et ses conséquences. Derriére une apparence de changement, le FN reste finalement très conservateur et aimerait nous faire revenir au temps de l'ére industrielle et des trentes glorieuses avec les piliers suivants :
- Une nation forte avec une population homogène (pas d'immigration) et une seule communauté (la France). De cette façon tout le monde se sent "chez soi".
- Le consumérisme ne doit pas être la seule chose qui guide les populations. La nation doit reprendre ce rôle.
- L'industrie doit reprendre un rôle important, la nation se doit de redevenir auto-suffisante en terme d'industrie et d'agriculture (ce qui n'est pas sans rappeler la philisophie du Juche de Kim-Il-Sung et son fils).
A en lire Agoravox, cette façon de penser correspond visiblement à ce que pense une part non négligeable de la population. Pourtant on ne saurait classer ce programme ni à gauche ni à droite. Mais avec la diminution de la partie xénophobe, il est fort probable que cette nouvelle présentation du FN aura un fort succès parmis les perdants du passage à la société post-industrielle : Ouvriers, classes sociales défavorisées, ... Ce faisant, il est possible qu'un nombre de voix important soit prise par le FN non pas à la droite mais à la gauche. (A noter que le FN prenait déja traditionellement beaucoup d'électeurs au PCF mais ce phénoméne devrait s'amplifier avec le nouveau discours).
Le discours du FN représente donc le passéisme, une société qui se fige sur son passé glorieux et qui souhaite le retour de l'ordre de la société industrielle. Cette façon de penser va, dans la schyzophrénie actuelle attirer nombre d'électeurs et créer un "socle" politique stable et idéologiquement cohérent. Même si je ne partage pas du tout ces idées, ce n'est pas en soit une mauvaise chose qu'un socle idéologiquement cohérent se constitue dans la politique française.
Mais la question est maintenant : Que va-t-il se former en face ? Ni l'UMP ni le PS n'ont de socle idéologiquement cohérent pour se placer en face et drainer les foules Bien sûr la "peur" du FN va leur permettre de garder le pouvoir. Mais le manque de socle idéologique rend la gouvernance du pays complexe et crée un ras le bol chez les français. La logique voudrait l'émergence d'un vrai parti libéral rassemblant la composante libérale du PS sur les problèmes de société (libéralisation de l'homosexualité, des drogues douces, tolérance de l'immigration, ouverture, ...) et de l'UMP sur le coté économique cette fois ci. Un tel parti pourrait se positionner au centre droit, abandonner les idées les plus réactionnaires, et fournir à la france une acceptation du changement créé par le passage à l'ére post-industrielle. Il est probable qu'un tel parti n'aurait pas plus le pouvoir que le FN, le libéralisme et l'état minimal n'étant pas complétement accepté en France. Mais la fourniture de deux partis avec des socles idéologiques fort à ces deux extrémes (refus ou acceptation de la société post-industrielle) forcera les partis traditionnels à revoir leurs programmes pour s'affronter aussi sur cet angle de clivage. Et cela pourrait au final nous aider grandement à résoudre la crise politique que connait la France.
Retenons quand même la seule bonne idée de son discours : Le passage à un mandat de 7 ans non renouvelable pour le président.