Mitterrand : le mythe, dix ans après
Il y a dix ans et quelques jours déjà s’éteignait celui que l’histoire retiendra comme étant le premier président socialiste de la Ve république, destituant la droite, pourtant bien assise dans le siège présidentiel, dans le sillage du général de Gaulle, père fondateur de ladite Ve république. Critiqué, conspué, calomnié à la fin de son second mandat, au terme duquel il survivra huit mois, l’ancien président est aujourd’hui gratifié d’un véritable retour en grâce dans l’opinion publique.

"L’histoire est en train de faire son travail ", déclarait hier Mazarine Mitt... Pingeot, dimanche, à Jarnac, lors des commémorations. Ce qui est sûr, c’est que la mort lui va assez bien, lui qui avait promis en 1981 de faire baisser le taux de chômage sous le million. Il a eu, de fait, le souci constant, et notamment dans les dernières années de sa vie, de marquer l’histoire de son empreinte. S’il avait la personnalité et l’envergure suffisantes pour créer un mythe, il profite en outre de conditions favorables pour que la réhabilitation rétroactive s’emballe.
En effet, le contexte socio-économique sinistre ravive sans doute la nostalgie de l’espoir suscité par les élections de 1981. Quand on n’a pas le moral, on a besoin de se nourrir de héros, et la Coupe du monde de foot est encore dans six mois. Son retour en grâce profite sans doute aussi de l’image terne d’une classe politique perçue comme relativement défaillante, avec en particulier une gauche déchirée, qui fait regretter le modèle d’unité du parti socialiste mitterrandien, bien campé derrière un leader charismatique. Et puis, il y a la personnalité du bonhomme, qui balaie dans les mémoires le souvenir d’un passé plus que trouble, souvent aux frontières des ligues d’extrême-droite d’abord, et du pétainisme ensuite, les promesses électorales non tenues...
François Mitterrand est bel et bien, selon un sondage publié par Libération, le meilleur président de la Ve République, devant le général de Gaulle et très (très) loin devant Jacques Chirac, sans parler de VGE (dont la plupart des élèves aujourd’hui ont oublié jusqu’au fait qu’il a été président de la République. Si, si, je vous assure...) Etait-il vraiment le meilleur ? Il ne s’agit pas ici d’en juger. Mais il est sans nul doute un des plus charismatiques. En 1988, lors du débat avant le premier tour, Jacques Chirac (qui occupait alors Matignon) avait ouvert le débat en interpellant F. Mitterrand en ces termes : Vous accepterez, vu les circonstances, que je m’adresse à vous tout au long de ce débat en vous appelant "M. Mitterrand", et non pas "M. le Président"... A quoi sans sourciller, mais avec un ineffable sourire masqué et une lueur qui montrait quelle assurance il avait dans le fait que sa réponse allait, dès les premières minutes du débat, mettre au tapis son adversaire, il répondit : Mais absolument... Monsieur le Premier ministre .
On peut aimer le personnage ou pas, apprécier l’oeuvre politique ou pas. Mais on ne peut que reconnaître que c’était sacrément bien envoyé...