jeudi 12 janvier 2006 - par Julo

Mitterrand : le mythe, dix ans après

Il y a dix ans et quelques jours déjà s’éteignait celui que l’histoire retiendra comme étant le premier président socialiste de la Ve république, destituant la droite, pourtant bien assise dans le siège présidentiel, dans le sillage du général de Gaulle, père fondateur de ladite Ve république. Critiqué, conspué, calomnié à la fin de son second mandat, au terme duquel il survivra huit mois, l’ancien président est aujourd’hui gratifié d’un véritable retour en grâce dans l’opinion publique.

"L’histoire est en train de faire son travail ", déclarait hier Mazarine Mitt... Pingeot, dimanche, à Jarnac, lors des commémorations. Ce qui est sûr, c’est que la mort lui va assez bien, lui qui avait promis en 1981 de faire baisser le taux de chômage sous le million. Il a eu, de fait, le souci constant, et notamment dans les dernières années de sa vie, de marquer l’histoire de son empreinte. S’il avait la personnalité et l’envergure suffisantes pour créer un mythe, il profite en outre de conditions favorables pour que la réhabilitation rétroactive s’emballe.

En effet, le contexte socio-économique sinistre ravive sans doute la nostalgie de l’espoir suscité par les élections de 1981. Quand on n’a pas le moral, on a besoin de se nourrir de héros, et la Coupe du monde de foot est encore dans six mois. Son retour en grâce profite sans doute aussi de l’image terne d’une classe politique perçue comme relativement défaillante, avec en particulier une gauche déchirée, qui fait regretter le modèle d’unité du parti socialiste mitterrandien, bien campé derrière un leader charismatique. Et puis, il y a la personnalité du bonhomme, qui balaie dans les mémoires le souvenir d’un passé plus que trouble, souvent aux frontières des ligues d’extrême-droite d’abord, et du pétainisme ensuite, les promesses électorales non tenues...

François Mitterrand est bel et bien, selon un sondage publié par Libération, le meilleur président de la Ve République, devant le général de Gaulle et très (très) loin devant Jacques Chirac, sans parler de VGE (dont la plupart des élèves aujourd’hui ont oublié jusqu’au fait qu’il a été président de la République. Si, si, je vous assure...) Etait-il vraiment le meilleur ? Il ne s’agit pas ici d’en juger. Mais il est sans nul doute un des plus charismatiques. En 1988, lors du débat avant le premier tour, Jacques Chirac (qui occupait alors Matignon) avait ouvert le débat en interpellant F. Mitterrand en ces termes : Vous accepterez, vu les circonstances, que je m’adresse à vous tout au long de ce débat en vous appelant "M. Mitterrand", et non pas "M. le Président"... A quoi sans sourciller, mais avec un ineffable sourire masqué et une lueur qui montrait quelle assurance il avait dans le fait que sa réponse allait, dès les premières minutes du débat, mettre au tapis son adversaire, il répondit : Mais absolument... Monsieur le Premier ministre .

On peut aimer le personnage ou pas, apprécier l’oeuvre politique ou pas. Mais on ne peut que reconnaître que c’était sacrément bien envoyé...



8 réactions


  • Thucydide Thucydide 12 janvier 2006 13:09

    Sincèrement, trouvez-vous vraiment qu’il y a de quoi se pâmer d’admiration ?! Comment pouvez-vous trouver admirable qu’on réponde à la courtoisie, même d’un adversaire, par le mépris, qui était sa grande marque de fabrique, et qui lui servait à asseoir son ascendant sur les esprits soumis ?! Nous avons besoin de dirigeants humbles, pas de mégalomanes ! Les dictatures nous en ont suffisamment fourni.

    Il ne s’agit pas de se complaire en salissures sur un homme mort, ni même de demander l’infaillibilité et la parfaite rectitude à un homme quel qu’il soit, mais de déterminer des critères responsables de choix de nos prochains dirigeants.

    Si, demain, vous embauchez sur une période déterminée un comptable pour mettre de l’ordre dans vos affaires personnelles, régler vos créances ou rééchelonner vos dettes, que sais-je, vous satisferez-vous d’un margoulin qui, chaque fois que vous lui demanderez des éclaircissements, vous toisera avec mépris au lieu de vous exposer honnêtement ce qui va bien et ce qu’il faut améliorer ? Imaginez-vous deux secondes en face d’un tel personnage : vous laisserez-vous faire parce que sa morgue force votre soumission ? De la même manière, ne vous êtes-vous jamais senti honteux et floué par un simple plombier ou un garagiste parce qu’il vous a fait sentir, le mention levé, qu’il était déjà bien bon de vous consacrer tant d’énergie ? Pourquoi faudrait-il considérer les choses autrement avec un président de la république ? Nostalgie de la monarchie de droit divin ?

    « Sur le plus beau trône du monde, on n’est jamais assis que sur son cul ! », ne l’oublions pas (Montaigne). Et plus on encensera les manipulateurs, plus la candidature suprême sera briguée par des individus qui auront leur petite personne comme seul credo.


    • Azür 12 janvier 2006 13:55

      Que voilà un juste rétablissement de la perspective historique.

      Merci Thucydide !

      Il ne faut en aucun cas confondre panache avec mépris. Mitterand n’était pas Cyrano de Bergerac. Loin s’en faut !!!


    • Ludovic (---.---.68.100) 12 janvier 2006 15:59

      Tout à fait. Personnellement je préfère Mitterrand pour son action politique que pour ses attitudes parfois hautaines et méprisantes, même envers les membres de son parti (Rocard et Jospin, notamment...). Cependant, il est vrai qu’il avait un sens de la répartie, une aisance lors des débats qui font cruellement défaut à Chirac.


  • Jerome J (---.---.205.1) 12 janvier 2006 19:43

    Il me semblait qu’une personne elue president de quoi que ce soit, on l’appelle tout au long de sa vie « Monsieur le president » meme apres son madat, donc l’attaque venait en premier de Chirac, qui voulait a mon avis, tenter de rabaisser Mitterrand, et ensuite Mitterrand a repondu a l’attaque. En general on appelle un medecin « docteur », un avocat « maitre ». Donc pourquoi pas un president « President »... ? On a un titre, une fonction, donc c’est ce qu’il se passe en general dans la societe, on utilise la fonction quand on interpelle la personne. Et je pense que dans un milieu comme celui de la politique comme dans d’autres domaines ou il y a de la competition, il y a forcement des coups bas. Il faut savoir si on veut se laisser marcher sur les pieds ou pas ...

    Jerome


  • (---.---.116.142) 13 janvier 2006 07:07

    La manie de célébrer comme des évènements tous les anniversaires aboutit à ce que tout finit par devenir évènement. La personnalité de François Mittérand est assez complexe pour donner de la copie à des journalistes privés par l’impécuniosité de leurs redactions des occasions de se pencer sur l’actualité. Mais le bilan réel des années Mittérand , qui lui ne demande que de regarder à la loupe les mesures prises et leurs effets manque un peu au tableau. A se laisser aveugler par les annecdotes de ceux qui se battent pour dire en livres ou sur les écrans « moi, je l’ai connu de plus près que les autres » on perd de vue que l’histoire exige un peu moins de paillettes et moins de parti pris. mais c’est moins « glamour »


  • clr (---.---.63.143) 15 janvier 2006 01:16

    Les requiems tout comme les celebrations tendent a mettre le bon cote des choses en lumiere. La memoire, quand il sagit d’un homme politique devrait nous aider a ne pas tomber dans le grotesque, et surtout a ne pas oublier : le Rwanda, Bousquet, Vichy, pour ne citer que ces trois la... Progresser c’est essayer de ne pas refaire a l’infini les memes erreurs, alors plutot que de se congratuler sur le meilleur President passe, essayons de trouver un President qui pense et agit pour la France plutot que pour lui-meme, ca nous changerait de Mitterrand et de Chirac.


  • thomas (---.---.172.24) 1er février 2006 21:00

    TOUS ce que vous dites sur mittérrand l’affairisme, le cynisme, bousquet, certaines erreurs au rwanda, l’echec sur le chomage est vrai et en même temps incomplet....Car mittérrand comme l’a écris le juge halphen c’est l’ombre et la lumière......Le cynisme mittérrand n’en manquait pas n’empéche qu’il à quand même aboli la peine de mort à contre courant de l’opinion....N’empèche mittérrand avait du panache et du courage face à sa maladie, dans la résistance « morland »(tous les résistants qui l’ont connu à l’époque l’attestent sauf caillaux et pour cause il à pris sa place....Mais morin, dechartres, baumel, fric, bénouville, frenay,....tous reconnaissent son courage).....Il en avait aussi quand agé il se rendait malgré les risques au liban en 83, ou à sarayévo en 92..Bien sur ce n’étais sans doute pas sans arrière pensé mais enfin personne ne peut lui enlever le courage(il en avait aussi une forme « perverse de courage » de ne pas renier des « amitiés comprométtantes »

    De l’intélligence, de la culture mittérrand n’en manquait pas non plus .....Sa capacité de séducteur son talent grace à son intélligence de choper un reseau celui du mndpg qu’il accapare à caillaux, l’udsr qu’il pique à pleven, le ps qu’il accapare à savary.....Rocard qui ne fait pas le poids....Et ces adversaires souvent séduit un seguin, un carignon, un léotard, un barre, un pasqua, un barnier, un chirac(tous le monde n’a pas oublié son hommage à la mort de mittérrand).........Bref grace à son charme et son intélligence mittérrand savait même séduire jusqu’à ses adversaires...

    Mais selon les critères cher à montesquieu ce qui à vraiment manqué dans le long règne de mittérrand ce n’est pas le courage, ni l’intélligence c’est la vertue....

    Certes il ne fut pas le seul tous le monde se souvient des diamands de giscard et des morts curieuses et que dire d’un chirac via les hlm de paris et autres euralair.....Mais là n’est pas le problème d’un socialiste d’un homme de gauche on s’attendais à plus de morale :

    Or force de constaté que mittérrand à manqué à la morale et la vertue par son cynisme .....Mais nous homme de gauche ne devons nous pas nous en prendre à nous même ??

    Mendès à toujours refusé la vème république il fallait faire sans lui, mollet discrédité à cause de la guerre d’algérie, defferre pas aimé des cocos et le mrp de lecanuet était hésitant alors en 65 on à eu mittérrand et oui mittérrand l’homme des fuites(ou il était innocent), l’homme de la francisque(mais aussi de la résistance), l’homme de l’algérie c’est la france(mais aprrès tout de gaulle et mendès l’avait dit aussi), l’homme de l’observatoire(mais bon peut être à t’il été naîf face à pesquet ???).....De même en 74, 81, 88 on à jamais eu le choix rocard pas assez stratège et les autres trop jeune, trop faiblard....Alors on à eu mittérrand avec ses ombres et lumières pour le meilleur(abolition de la peine de mort, décentralisation, discour de la knesset, europe et monnaie unique, culture et recherche relancé, retraite amélioré pour les vieux et à 60 ans , cinquième semaines de congés payés, lois auroux, rmi, fin de l’inflation, ...) et pour le pire(echec sur le chomage, monté du fn, monarchie républicaine perpétué, erreur en bosnie, putch de gorby, rwanda et surtout les affaires...)...

    Il y’aurait beaucoup à dire sur les scandales de l’ère mittérrand pourquoi il y’en eu beaucoup ???Décentralisation mal faite ?Mondialisation ?Déclin des idéaux ??Vème république ??cynisme de mittérrand ???

    Sant doute tous ça et d’autres raisons encore mais il faut dire que des dérives de la cellule élysée(via irlandais et écoutes), du rainbo warrior, en passant par urba du scandale luchaire, carrefour et développement, de l’affaire du sang contaminé...En passant par elf, française des jeux, habache, orta, tapie, des suicides de béré en passant par grossouve, des affaires pelat....Force et de constater que l’ont ne fut pas épargner .....Oh bien sur des magouilles il y’en a eu avant et pour ne parler que de nos contemporains souvenont nous des barbouzes du général et du sac....Souvenont sous pompidou du gaullisme immobilier et des « bluettes d’aranda », et les diamands de giscard, l’affaire des avions reniffleurs l’affaire de vathaire et que dire de la présidence de chirac...HLM de paris, emplois fictifs, privatisations douteuses brgm, cgm, sempap, canicule....

    Mais là n’est pas le problème mittérrand n’a pas fait mieux et je crois que pour le deuxième septennat il à fait pire(il est vrai que le deuxièmes septennat a aussi été marqué par une série de lois de moralisation de la vie publique sur la cob, sur les écoutes, financements électorales....) mais bon c’étais plus sous la pression des « petits juges »...

    De plus mittérrand à manqué de pédagogie il n’a pas fait comprendre à l’inverse des pays scandinaves, de la gb ou de l’allemagne expliquer un vrai un parti social démocrate(ce qu’il est depuis 83).....Et il y’a chez mittérrand ce qui est une forme de courage mais aussi de libertinage, de machiavélisme, d’amoralisme ???je ne saurais dire dans son plaisir de cultiver des amitiés discutables voir dégueulasse (pelat, prouteau, tapie, boucheron, grossouve, bousquet, habyarimana....) là ou il faudrait couper les ponts mittérrand conserve son amitié c’est estimable pour l’homme privé mais l’homme public ???

    Que dire comment le nier il me fascine c’est vrai et je crois que tout français et toutes tendances confondues peut un moment lui reprocher quelques choses mais aussi se sentir redevable de lui .....Je pense aussi bien le radical que le monarchiste, le socialiste que le gaulliste.....Le militant du fn que celui du pcf, l’écologiste comme celui de l’udf......Mittérrand est un caméoléon « ange ou démon très fort sont ceux qui arrivent à le percer ».....

    Je pourrais en parler des heures mais bon voila comme mauriac avait raison de dire « qu’il est un personnage de roman »...


  • auguste (---.---.137.30) 1er février 2006 22:19

    Grands ou petits, beaucoup d’hommes politiques, semblent identifier le destin de leur pays à leur destin personnel : alors l’opportunisme, le cynisme, le courage, la vertu, tout leur est bon pourvu qu’ils s’accomplissent, qu’ils sculptent leur statue. Alors les critères moraux de monsieur tout-le-monde, par exemple la solidarité, au sens politique ( collectif), il paraît manifeste que ça a pu Lui donner quelques regrets mais peu de remords.


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