samedi 4 juillet 2020 - par Laurent Herblay

Municipales, refus de vote et colère démocratique

Ces élections municipales resteront probablement comme un des plus gros ratés démocratiques de notre pays. Après un premier tour, qui n’aurait jamais du se tenir en plein décollage de l’épidémie de coronavirus, qui a éclipsé la campagne, le second tour a été encore plus fantomatique, avec une abstention encore plus forte, malgré de vrais enjeux, ce qui en dit long sur la colère des Français.

Municipales, refus de vote et colère démocratique

 

Déroute en marche, astres morts et vaguelette verte
 
Michel Onfray a raison de souligner qu’avant toute chose, la première leçon de ces élections est le niveau de l’abstention, d’autant plus que, traditionnellement, la participation est forte aux municipales, les maires étant probablement les élus les plus appréciés par les citoyens. Comme il le souligne, Mélenchon a eu deux belles formules en parlant de « grêve civique  » et « d’insurrection froide  ». Car cette non mobilisation a un sens politique. Les Français sont de plus en plus déçus par les politiques. Et la vision des plateaux pour la soirée électorale ne va pas arranger les choses, tant la langue de bois était massive, jusqu’au ridicule effarant des marcheurs refusant d’admettre ne serait-ce qu’une défaite. Les journalistes ne parvenaient pas à cacher leur effarement face à Sibeth N’Diaye. Et Stanislas Guérini s’est ridiculisé en évoquant les 10 000 conseillers municipaux marcheurs, à peine 2% du total…
 
Ce refus de voter a un vrai sens politique. Michel Onfray souligne que les Français « veulent du régalien, de l’étatique, du lourd et ils savent que la seule élection qui plane sur ces hauteurs est l’élection présidentielle  ». On peut voir dans la désaffection de dimanche non seulement la déception à l’égard de tous les partis en place, mais aussi la conséquence des réformes des collectivités locales. Il y a 40 ans, un maire avait un rôle bien plus important. Depuis, sa responsabilité a été amoindrie par la création des agglomérations et sa désautonomisation fiscale progressive, l’Etat finançant une part grandissante des budgets municipaux avec la suppression de la taxe professionnelle, puis de la taxe d’habitation. Ces réformes déresponsabilisent les maires et créent une forme de statut hydride, entre élu responsable devant des citoyens et fonctionnaire gérant un budget venu d’en haut.
 
Avec si peu de Français qui ont voté, le sens des résultats ne doit pas être exagéré, Marianne rappellant que Martine Aubry conserve son mandat avec le vote de seulement 12,4% des inscrits… Parler de vague verte est totalement ridicule. Il s’agit juste d’une vaguelette, circonscrite aux seules grandes villes, ce qui risque d’accentuer encore cet embourgeoisement qui coupe la gauche du peuple. En outre, les Verts n’en ont gagné que 7 sur 41, contre 15 à la droite et 16 à la gauche. Et sous les 100 000 habitants, les Verts ne pèsent pas plus lourd que le RN… Si les métropoles ont penché à gauche, la droite y conserve environ 40% des mairies et sous les 100 000 habitants, elle emporte plus de 60% des municipalités. Il n’y a pas de vague de gauche lors de ces élections. Et si la gauche se reprend à espérer, les motifs d’espoir sont limités, d’autant plus, que, comme le rappellent David Desgouilles et Michel Onfray, se posera la question du candidat à la présidentielle, ce qui promet une belle empoignade.
 
Malgré leurs dénégations, la raclée est sévère pour LREM, Agnès Buzyn n’étant même pas élue conseillère de Paris, la présence de marcheurs semblant avoir été le repoussoir ultime lors de ce second tour, faisant tomber les forteresses imprenables. Les alliances avec LR ont été sanctionnées, ce qui en dit long sur l’appréciation des Français sur la majorité présidentielle. Malgré tout, la question de la suprématie à droite sera complexe. Si LR domine localement, les européennes et les sondages actuels sur la présidentielle indiquent qu’au niveau national, c’est Macron qui domine. En outre, avec un Premier ministre venu de LR, et des candidats putatifs à la présidentielle trop proches de la ligne présidentielle, Macron conserve une bonne position pour incarner ce que l’on appelle le centre-droit en France, la voie naturelle pour le président, comme le dit Alexis Brézet dans un bon éditorial sur l’élection.
 
Il y avait quelque chose d’effarant à voir LR, PS et Verts se féliciter de leurs résultats, avec de tels scores et cette abstention. Trop contents de gagner des postes pour six ans ils oublient que toutes les enquêtes sur la présidentielle indiquent qu’ils ne sont plus que des astres morts face à LREM et RN. Et ils ne voient pas assez la colère des citoyens, qui ont encore exprimé une volonté de changement fort.


9 réactions


  • caillou14 rita 4 juillet 2020 11:02

    Le petit monde politique Français ressemble à une poubelle ?


  • Fergus Fergus 4 juillet 2020 11:26

    Bonjour à tous !

    Il convient de ne pas tirer d’enseignements hâtifs sur la faible participation à ce scrutin municipal 2020 fortement impacté par les effets de la pandémie. Un phénomène totalement inédit qui ne justifie pas les interprétations erronées. 

    Si l’on se réfère aux Municipales de 2014  qui ont eu lieu dans des conditions normales —, on constate que la participation française est comparable à celles de l’Espagne et de l’Italie pour des scrutins locaux du même type.

    Mais surtout, il est un constat qui tempère fortement le rejet des élus comme explication de la désaffection : même dans les communes où le maire sortant faisait l’unanimité pour la qualité de sa gestionpour sa probité et pour son dévouement à l’intérêt des administrés, la participation a souvent été en forte baisse.


    Cela démontre que la cause de l’incivisme n’est pas uniquement dans un rejet du personnel politique, mais dans une montée de l’incivisme induite par un repliement des électeurs sans rapport avec la chose publique. Un constat qui vaut pour tous les pays occidentaux dans lesquels on enregistre une érosion significative de la participation, scrutin après scrutin. Et cela y compris dans les nation et les collectivités les mieux gérées !


    • Fergus Fergus 4 juillet 2020 11:51

      Bonjour, Cadoudal

      Vous avez raison de souligner cette notable exception.
      J’aurais dû écrire « dans la plupart des pays occidentaux ».


    • Aristide Aristide 4 juillet 2020 15:01

      @Fergus

      Un phénomène totalement inédit qui ne justifie pas les interprétations erronées. 

      Et pourtant vous jugiez ailleurs que le RN avait subi une déroute, une claque et de la victoire des verts ... Allons, comment oser interpréter la moindre chose d’un scrutin aussi atypique aussi bien dans son déroulement que dans la période dans laquelle il a eu lieu. Scrutin dont vous me contestiez le droit de parler d’escamotage ... menfin ...

      Pour le reste, quelle nécessité à entrer dans ce jeu ridicule des experts en expertises sur les élections ... 


    • Fergus Fergus 4 juillet 2020 15:31

      Bonjour, Aristide

      La faible participation ayant joué sur tous les électorats, je maintiens la « déroute » du RN, caractérisée par la perte de 40 % de ses élus. La faible participation a joué sur tous les électorats.

      Pour ce qui est des Verts, difficile de ne pas parler de « victoire », du fait du gain d’une dizaine de villes importantes dont Marseille, Lyon et Bordeaux. Excusez du peu ! En revanche, je n’ai pas employé, comme d’autres l’ont fait, les mots « triomphe » et « tsunami ». 


  • Old Dan 4 juillet 2020 13:44

    ... l’indifférence de la génération montante au système actuel (marchandage, corruption, lobbying,...) depuis 30 ans, et en attente d’un autre qui investisse réellement ds leur futur (?)


  • Florian LeBaroudeur Florian LeBaroudeur 4 juillet 2020 14:14

    « Il y a 40 ans, un maire avait un rôle bien plus important. Depuis, sa responsabilité a été amoindrie par la création des agglomérations et sa désautonomisation fiscale progressive. Ces réformes déresponsabilisent les maires et créent une forme de statut hydride, entre élu responsable devant des citoyens et fonctionnaire gérant un budget venu d’en haut. »

    Mais cela vaut également pour tous les échelons administratifs territoriales jusqu’au poste ultime de premier chef d’état.

    Les politiques, les médias, les organismes et les entreprises nous parlent sans cesse de prise en main, d’audace, de créativité et d’ouverture comme les clés de réussite du monde qui change, en gros plus de responsabilité et d’autonomie, alors que visiblement tout est fait pour casser les marges de manœuvre de tout ceux qui aurait institutionnellement et professionnellement les moyens de bouger les lignes et de les mettre de fait sous dépendance d’un pilotage automatique centralisé dont seules les initiateurs avisé et hors-sol auraient le contrôle. 



  • bernard29 bernard29 4 juillet 2020 18:42

    je suis d’accord avec l’analyse de l’article sur presque tous les points. Mais sur la raclée de LREM, il faut néanmoins souligné que c’était la première participation de ce parti aux élections locales et que ce parti (enfin si on peut dire parti !! ) n’a que 4 années d’existence. Ce que l’on peut dire c’est que LREM, mouvement présidentiel et majoritaire au parlement a échoué, peut être lamentablement à susciter un dynamisme quelconque. Le contexte de la crise sanitaire explique aussi en partie le rejet ou indifférence citoyens et la très mauvaise participation au scrutin .


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