mercredi 28 octobre 2015 - par Danièle Dugelay

Qui a eu l’idée géniale d’inventer le dialogue social ?

Une idée géniale, le dialogue social ? C'est à voir, en tout cas pas pour tout le monde. C'est ce que je vais essayer d'établir ici en en révélant, de plus, son origine.

Pour la vérité, pour la démocratie, dévoilons l'histoire de cette mystification.

N.B. : texte proposé à titre personnel.

Rappel : Il ne peut y avoir anticléricalisme s'il n'y a pas eu menace ou action cléricale auparavant.

Les relations entre le patronat et les salariés sont, par nature conflictionnelles, puisque les intérêts des uns et des autres sont antagonistes. Le conflit Air-France en est un exemple intéressant.

Le gouvernement actuel veut imposer la négociation entre les syndicats du personnel dits représentatifs et ceux du patronat (les actionnaires). Tous réunis autour d'une table dans une salle du MEDEF, les partenaires sociaux devraient parvenir à un accord satisfaisant pour tous. Il est évident que le dialogue est inégal, les patrons menaçant de délocalisation, de licenciements, baisse de salaires et d'avantages sociaux, alors que les salariés n'ont guère de moyens à opposer. Lors de la Révolution, il avait été décidé que le contrat de travail se négocierait entre personnes égales. Hélas, nous n'avons plus la même culture à part quelques contestataires. Par ailleurs, la politique gouvernementale génère une situation défavorable aux salariés.

C'est donc le pot de terre contre le pot de fer, accentué par le choix du niveau des négociations suivant le principe de subsidiarité. Cependant, ce beau déséquilibre s'est effondré au prix de deux chemises déchirées dans l'entreprise Air-France. Les revendications se sont révélées alors moins pacifiques.

MEDEF ET SALARIES, MEME COMBAT POUR LE BIEN COMMUN ?

"Les rapports entre patrons et ouvriers se sont modifiés. La richesse a afflué entre les mains d'un petit nombre et la multitude a été laissée dans l'indigence." "Tous ces faits, sans parler de la corruption des moeurs, ont eu pour résultat un redoutable conflit." Il faut "une solution conforme à la vérité et à l'équité.""Il est difficile...de préciser avec justesse les droits et les devoirs qui règlent les relations des riches et des prolétaires, des capitalistes et des travailleurs.""L'erreur capitale, dans la question présente, c'est de croire que les deux classes sont ennemies nées l'une de l'autre, comme si la nature avait armé les riches et les pauvres pour qu'ils se combattentmutuellement dans un duel obstiné"..."Les deux classes...ont un impérieux besoin l'une de l'autre." "Il importe au salut public et privé que l'ordre et la paix règnent partout". Quelle est la solution ? "Que le patron et l'ouvrier fassent donc tant et de telles conventions qu'il leur plaira, qu'ils tombent d'accrd notamment sur le chiffre du salaire." "Il sera préférable d'en réserver la solution aux corporations ou syndicats..""Nous voulons exposer ici leur opportunité..et indiquer comment elles doivent s'organiser et quel doit être leur programme."

A votre avis, qui est l'auteur de cet appel au dialogue pour régler les conflits sociaux en douceur ? S'il n'y avait pas ce petit parfum d'antan dans certaines expressions, ce pourrait être Combrexelle, Valls ou Macron, mais ce n'est pas la bonne réponse. Cette "trouvaille" pour éviter les grèves et autres troubles a germé dans le cerveau du Pape Léon XIII et les extraits cités sont tirés de la doctrine sociale de l'Eglise qu'il présenta le 15 mai 1891 et qui porte le nom de "Rerum Novarum".

RERUM NOVARUM, LA PREMIERE ENCYCLIQUE SOCIALE DE L'EGLISE.

Il serait injuste de dire que Léon XIII n'a pas voulu améliorer le sort des ouvriers souvent plongés dans la misère la plus noire. Certains prétendent qu'il était en avance sur son temps et qu'on pourrait l'appeler aussi "le Pape des pauvres" tant sa bonté apparaissait à travers son texte.

Sa bonté ? Je me pose la question ...Il avait avant tout un gros problème à régler : un fort sentiment de révolte se répandait autour des fabriques et cette exploitation si insupportable provoquait de graves désordres envers les patrons, mais aussi contre la religion dont les serviteurs s'affichaient avec les bourgeois. L'athéisme se propageait au même rythme que les idées socialistes et marxistes. Le Pape devait remédier à cette situation.

"DIALOGUE SOCIAL" contre "LUTTE DES CLASSES

Dans son Encyclique, Léon XIII conseillait aux patrons et à l'Etat d'être moins gourmands et de pratiquer la charité chrétienne afin que la misère des familles ouvrières reste supportable. Il fallait empêcher que soit justifiée l'idée de lutte de classes. Il disait aux ouvriers qu'ils devaient se méfier des mauvais conseilleurs qui les mèneraient à leur perte, qu'ils devaient comprendre que Dieu avait fait la société avec des riches et des pauvres, mais que ces derniers auraient une vie éternelle d'autant plus douce qu'ils auraient souffert dans leur vie terrestre et mortelle. Patrons et ouvriers devaient s'entendre puisqu'ils concouraient tous au bien commun, aussi pourquoi se laisser aller à la grève, la violence, le tumulte qui nuisaient aux intérêts de la société ? Il leur fallait ensemble signer des conventions en avançant chacun du juste chemin afin de trouver l'accord le plus juste. Léon XIII, très attaché aux corporations et aux syndicats, jugeait qu'il leur appartenait de négocier l'accord social, dans un esprit de charité chrétienne... Quel charmant tableau !

"LA RELIGION AINSI CONSTITUEE SERA LE FONDEMENT DE TOUTE LOI SOCIALE" (LEON XIII).

Plus tard, une autre encyclique, Quadresino anno, a complété cette pratique par le principe de subsidiarité, issu directement du Droit Canon (Thomas d'Aquin). Il devait permettre de décider du niveau le plus apte à régler les problèmes, en général le plus proche des intéressés. Ne peut-on pas imaginer que soit choisi en réalité liveau le plus sûr pour orienter la décision dans le sens désiré ? Par exemple, celui de l'entreprise.

C'est ainsi, le rapport Combrexelle, les lois Macron, Valls ou autres, tous destinés à supprimer nos acquis sociaux sont l'application directe des principes édictés par l'Eglise Catholique dans sa Doctrine Sociale, la même Eglise qui a participé à la construction de l'UE, qui a été confortée dans son empreinte par le choix du drapeau bleu marial orné d'une couronne de 13 étoiles, ainsi que par les paroles de l'Ode à la Joie devenue l'hymne européen. Personne n'aurait accepté, avec juste raison, que la Charia ou un autre projet de société issu d'un culte devienne notre Droit, mais on nous cachait que la religion catholique inspirait en silence la Commission européenne et la finance internationale. En France même, le rapport du MEDEF "Besoin d'Air" proposait que le dialogue social soit inscrit dans la Constitution. Le MEDEF l'a souhaité, Hollande l'a écrit dans son programme de campagne.

Jean-Paul II, pape politique s'il en fut, a célébré le 1er mai 1991 le Centenaire de l'encyclique Rerum Novarum et, à cette occasion, a enrichi lui-même la Doctrine Sociale de l'Eglise d'un nouveau texte, Centisimus annus. Il y a écrit qu'il n'existe pas de véritable solution à la question sociale hors de l'Evangile.

Cela suffit ! Si certains Etats de l'UE ou d'ailleurs souhaitent que leur politique soit influencée par l'Eglise catholique ou une autre religion, cela les regarde, mais la France est une République laïque. Qu'ils soient rabbins, imams, évêques et même papes, ces religieux n'ont jamais été élus par les citoyens et nos gouvernants, nos parlementaires n'ont pas à prendre des avis auprès d'eux. Le pouvoir de l'Eglise catholique réside d'abord dans son organisation toujours impressionnante. Que ce soit auprès des institutions de l'UE grâce à la COMECE, auprès du gouvernement par des ministres ou leurs conseillers proches du Vatican, auprès de nos parlementaires par la présence active du Service d'Etudes Politiques de la basilique Sainte Clotilde, si proche de l'Assemblée Nationale qu'un employé m'en a parlé comme d'une annexe, par sa messe annuelle des femmes et hommes politiques où ces derniers peuvent aller prendre les instructions papales et par tout son réseau d'influences envahissant, les représentants de l'Eglise ne doivent pas oublier que la France n'est plus un pays concordataire. Les citoyens, eux, ne l'oublient pas.

L'EGLISE CHEZ ELLE, L'ETAT CHEZ LUI !

(Victor Hugo)

 



15 réactions


  • Robert GIL Robert GIL 28 octobre 2015 10:26

    La mascarade, au sens propre réunion de gens masqués et déguisés, est au sens figuré une action hypocrite relevant d’une mise en scène trompeuse, fallacieuse. Ce qui se prépare autour de la Conférence sociale pour l’emploi à partir du 19 octobre et des semaines qui vont suivre est bien de cet ordre...lire la suite


  • colere48 colere48 28 octobre 2015 11:59

    Achhhh le dialogue social !
    « das gross pipo » 

    N’est-ce pas une invention allemande, non ?

    Les parties fines du comité d’entreprise (les échos)

    « En cet été 2005, les lecteurs allemands ont un feuilleton croustillant à lire sur la plage : Volkswagen n’est pas seulement ce laboratoire technologique allemand, ce paritarisme social où direction et syndicats s’accordent sur les lancements de modèles et les cycles de production. Sans doute pour mieux forger ces fameuses relations sociales à l’allemande, dirigeants et pontes du comité d’entreprise se sont vu offrir les services de prostituées aux frais de la maison. Brésil, Lisbonne, Inde, chaque voyage lointain du CE en avion privé comptait de tels extras - en plus des traditionnels séminaires et visites d’usines »


    • aimable 28 octobre 2015 13:33

      @oncle archibald
      qui est -ce qui fait marcher le monde des affaires et de la politique depuis toujours , le fric et le sexe
      la chaire est faible


  • zygzornifle zygzornifle 28 octobre 2015 13:52

    quelqu’un qui passait son temps a parler au lieu de travailler .....


  • sls0 sls0 28 octobre 2015 16:52

    Il y avait des entreprises qui me proposaient ces joyeuses sorties, j’ai fais en sorte qu’elles ne soient plus dans le panel des consultables, j’avais les bons arguments.
    Certains de mes collègues n’ont pas dû apprécier, mais il est difficile de l’ouvrir et d’avoir des arguments. Paradoxalement ce n’était pas les plus grosses qui proposaient les plans culs.
    Ce n’est pas l’ascétisme non plus, le PDG de Siemens ou autres leurs rencontres ne se font pas au formule 1.

    Si j’écris ces mots ce n’est pas pour jouer un remake du justicier blanc mais pour dire que c’est assez facilement supprimable ne serait-ce que par une personne.
    Je travaillait dans une entreprise où la notion de service public était encore à la mode, c’était plus facile aussi.

    Si ça continu c’est qu’il y a peu être quelques choses de pourri au royaume du Danemark.

    Je me suis aussi aperçu que le corrupteur était très attiré par cet aspect de la corruption, c’est un paramètre à prendre en compte aussi.

    J’ai eu aussi des ascètes, coté probité j’étais gagnant mais c’était parfois des buses techniquement parlant, le sens du mot perfection n’est pas acte parfait dans un monde parfait mais acte correct dans un monde imparfait.


  • Yohan Yohan 28 octobre 2015 20:16

    Le dialogue social en France (pour résumer ) ressemble à ceci près : 


    - Responsable syndical : « Camarade, le patronat vous ment et vous exploite, vous les ouvriers, je propose de voter une motion pour la grève !... » 
     - Ouvrier de production « Nous on voudrait discuter d’abord avec la direction avant de se mettre en grève » 
     - Responsable syndical « Ta gueule, toi, infâme suppôt du capitalisme ! »

  • Danièle Dugelay Danièle Dugelay 28 octobre 2015 20:52

    @ Yohan
     Je pense que le responsable syndical a raison. Si il doit absolument y avoir dialogue social, il est bon que les salariés fassent une démonstration de leurs forces auparavant. Ainsi, le fameux dialogue sera mieux équilibré.

    Votre ouvrier de production a trop écouté la radio, vu le J.T. ou lu Le Point, Le Figaro etc... A moins qu’il soit allé trop souvent à la messe.


  • alinea alinea 28 octobre 2015 22:34

    L’Église et le pouvoir politique ont toujours été cul et chemise.
    On a déchiré la chemise, quand est-ce qu’on botte le cul ?


  • Renaud Delaporte Renaud Delaporte 29 octobre 2015 12:04

    L’EGLISE CHEZ ELLE, L’ETAT CHEZ LUI !

    (Victor Hugo)

    Rendez à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu

    (Jésus de Nazareth)


    • Danièle Dugelay Danièle Dugelay 1er novembre 2015 21:56

      @Renaud Delaporte
      Vous connaissez l’adresse de Dieu pour envoyer le paquet ? A la rigueur, l’adresse de ses parents ?

      Voyez-vous, Je suis trop cartésienne pour croire sans preuves en un dieu. Pourquoi celui-ci ? Il en existe tant de par le monde et dans l’espace-temps. Où est l’origine d’une divinité, s’il n’en existe pas cela ne donne aucune solution. Vous, vous avez choisi et cela ne me regarde pas. Cependant, respectez s’il vous plaît mon refus de choix en absence d’éléments de preuve. Il faut savoir attendre, mais j’ai bien peur que la disparition de l’espèce humaine survienne avant qu’on ait expliqué scientifiquement ce grand mystère d’un début qui n’a pas de début.


  • Bubble Bubble 1er novembre 2015 12:29

    Je suppose que c’est très démocrate de votre part de préférer l’opposition physique à l’opposition verbale...


  • Danièle Dugelay Danièle Dugelay 1er novembre 2015 22:42

    Je ne suis pas certaine que la violence verbale soit moins douloureuse que la violence physique.
    Là n’est pas la question. Le patronat est maintenant souvent représenté par l’actionnariat. L’argent a dans notre société des pouvoirs énormes, il a pratiquement tous les droits et même celui de détruire une entreprise qui fonctionne et rapporte des profits. Il peut embaucher, licencier comme il veut. Ceux qui apportent leur force de travail n’ont pas grand chose à opposer à la puissance de l’argent, si ce n’est l’arrêt du travail qui entraîne l’arrêt du profit et, de plus, la force du nombre. C’est pour rétablir un équilibre acceptable qu’il existe un Droit du travail. Ce Droit du travail, avec hollande-Valls-Macron tombe en lambeaux. Toutes les grandes conquêtes se sont imposées par la lutte des classes à part les 35 heures et le lois de 1982. A voir le MEDEF s’époumoner à leur sujet, je pense qu’elles auront du mal à résister au dialogue social que vous traitez de violence verbale. De plus, ce dialogue social, simple application de la pacification sociale du Vatican, est organisé pour toujours se dérouler au détriment des salariés. Le gouvernement a décidé d’exclure certains syndicats en se basant sur des élections qui n’ont rien à voir, de ce fait les représentants des travailleurs se retrouvent aussi en situation de concurrence. Les syndicats patronaux s’organisent comme ils veulent et n’ont rien qui puissent gêner une parfaite coopération. Les syndicats « jaunes » suivent le patronat, les syndicats chrétiens sont trop heureux d’appliquer la doctrine de l’Eglise. C’est le cas de la CFTC, mais savez-vous que la CFDT a attendu 2014 pour retirer toute référence chrétienne dans l’article 1 de ses statuts ?

    Le dialogue social, ainsi expliqué, est un leurre pour « les gens bien-pensants » et une énorme arnaque pour les salariés. C’est cela votre démocratie ?

    La démocratie, c’est le pouvoir du peuple par le peuple et pour le peuple. Elle ne peut exister que pour l’intérêt général, mais le dialogue social donne toujours un résultat en recul sur les droits sociaux ou les salaires. L’intérêt général, c’est l’intérêt du plus grand nombre et pas celui d’une poignée de gros actionnaires, c’est l’intérêt des salariés plus nombreux, pour le progrès social. Je crois que votre réflexion n’est pas au point, un peu trop simple, non ?


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