Qui croire ?
Un sondage commandé par Libération coupe court à toute velléité d’optimisme, même si on peut malgré tout en avoir une lecture positive.
Si la gauche semble aujourd’hui avoir le vent en poupe, elle ne suscite cependant aucune ferveur particulière.
Les personnes sondées rejettent autant Sarkozy qu’elles mettent en doute l’avènement possible d’une véritable alternative politique.
Ce constat est le signe d’un désenchantement profond de la société française qui semble de plus en plus incapable de se projeter avec confiance dans l’avenir.
Ce désenchantement profond se ressent par exemple très fortement sur le marché du travail où coexistent deux grands types de réaction.
La première, minoritaire, consiste à se rebeller et à entrer en conflit. Généralement, cette réaction survient lorsqu’un plan social est annoncé, lorsque « les jeux sont faits » et qu’il ne reste plus que la révolte pour pallier l’urgence d’une situation sociale intenable. La colère est extériorisée.
La seconde, majoritaire, consiste à se convaincre que des améliorations sont encore possibles. Il s’agit de prendre sur soi, de serrer les dents, de garder la tête dans le guidon en espérant échapper au déclassement social. La colère est intériorisée.
Comment dans ces conditions se sentir à l’aise ?
Comment ne pas somatiser ?
Comment échapper à la détresse intérieure et conserver sa lucidité ?
Est-il seulement possible de se montrer encore disponible et attentif à un discours politique souvent stéréotypé ?
Comment conserver une bonne estime de soi au sein d’une société qui vous méprise et qui ne tient que par la peur ?
Qui croire ?…
Il y a quelques jours, le blogueur Slovar a fait un lien avec un billet de Loïc Le Meur qui avait participé à la campagne de Nicolas Sarkozy sur le web.
La lecture de ce billet flagorneur (publié le lendemain de l’élection de Nicolas Sarkozy) m’a effrayé.
C’est à la fois un excellent condensé du sarkozysme et une très bonne illustration de la célèbre citation du réalisateur Michel Audiard : « Les cons, ça ose tout, c’est même à ça qu’on les reconnaît. »
Jugez plutôt :
Que peut-il bien se passer dans la tête d’un homme pour écrire pareille stupidité ?
Comme si la France était réductible à une plainte dépourvue d’objet et de cause, comme si l’obsession d’un jeune à la recherche d’un emploi était d’avoir des RTT, comme si la seule contrepartie admissible au salariat était uniquement la gloire de travailler pour la prospérité d’une entreprise sans égard pour le contrat de travail qui, pourtant, définit les modalités de la relation entre l’employé et l’employeur…
Le ton se veut un brin prophétique (« je rêve de ceci, je rêve de cela ») et faussement chaleureux.
Or le grotesque et la suffisance suintent à chaque phrase.
J’ai été à peine surpris quand j’ai appris qu’il avait menacé de quitter la France en cas de victoire de Ségolène Royal.
Cette caricature de la droite décomplexée, ce chantre de la « nation plus entreprenante » réside depuis 2007 en Californie. CQFD.
Tant de duplicité a de quoi agacer.
Et c’est précisément cette insupportable duplicité qui a gagné en 2007.
Que la gauche se garde donc de gagner en 2012 avec un discours hypocrite !
C’est tout le mal que je lui souhaite…
Ce billet est décousu, je le sais.
Il est le signe de mon impuissance rageuse et d’une grande lassitude.
En guise de conclusion, je citerai ces quelques phrases lapidaires de Roger-Gérard Schwartzenberg (1788. Essai sur la Maldémocratie. Fayard, Paris, 2006, p.21) :
« Les symptômes du mal démocratique sont évidents. Une Constitution équivoque qui crée le doute, au lieu de fixer des règles pérennes. Des consultations nationales qui, sauf référendum, n’ont lieu que tous les cinq ans. Des élections dont, de surcroît, on ne tient souvent guère compte, quitte à pratiquer un certain déni du suffrage universel. Un Parlement perçu comme lointain, qui est devenu le miroir déformant de la société. Une République éclatée, où l’on se replie sur des communautés particulières. Un pays clivé, coupé en deux, avec deux France, l’une dotée, l’autre défavorisée ou démunie, que l’on n’écoute guère. Une Europe des diplomates et des technocrates, qui fonctionne sans les citoyens. Et, surplombant le tout, une mondialisation sans gouvernance, qui dicte ses choix, de haut et de loin.
Ainsi va la maldémocratie. Coupée du peuple, souverain théorique au nom duquel on gouverne. Loin des urnes et des hémicycles. Entre soi. »