vendredi 26 février 2010 - par Tonio

Révolution : fin d’une époque

Il est une époque que je n’ai jamais connue, où la perspective riante de la Révolution (pour de vrai) tenait en haleine des fractions plus ou moins importantes des organisations de gauche. J’ai encore eu le temps d’observer quelques groupuscules éperdus de fidélité, roulés dans l’écume moussante des dernières vagues ensablées de l’histoire prolétarienne. Depuis, soyons clairs, plus que des guignols.

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Prenons par exemple la ligue communiste révolutionnaire. Lors d’un de ses derniers congrès (le XVIème si j’ai bonne mémoire), elle a abandonné la référence à la lute des classes pour reprendre une analyse en forme d’oppression et de domination des multitudes, dont Daniel Bensaïd avait d’ailleurs dit au départ tout le bien qu’il fallait en penser.

Pour faire simple, la lutte des classes est un concept fondé sur une analyse des rapports de production, et qui donne donc une orientation à la lutte libératrice : subvertir les rapports de production. Le prolétariat est défini par sa position dans l’organisation du travail. La multitude, au contraire, est simplement définie par sa subordination sociale, économique, sexuelle, etc... C’est la grande communauté des opprimés. Le problème, c’est que si le prolétariat a un intérêt commun clair et précis lié à un type d’organisation des rapports économiques, qui permet de fédérer dans la lutte des gens très divers, les opprimés n’ont pas nécessairement grand chose à voir entre eux et ne partagent pas forcément le même but dans la lutte contre l’oppression. Le passage à la multitude comme terme de référence était plus qu’une question de théologie révolutionnaire : c’était un changement de prisme d’analyse qui déterminait la stratégie politique du mouvement. Quand on est aux côté des multitudes opprimées, on se contente de coller à ce qui bouge.

Le résultat pratique, après la constitution du NPA, c’est une lente dérive vers la volonté d’assumer des responsabilités (être élu). Olivier Besancenot parle de plus en plus de la nécessité de voter NPA pour être l’aiguillon de la gauche de gouvernement. Mais surtout, quand la réflexion se limite à coller à ce qui bouge, on finit par épouser des combats un peu étranges, comme le port du voile sur les listes. Et là, je me trouve en plein accord avec une ancienne militante LCR, ce qui est assez rare.

L’exemple est navrant, mais pour se réjouir on peut se contenter d’aller regarder du côté du ridicule. Le Front de Gauche notamment (au hasard). Pour le coup, c’est la multitude à eux tous seuls ! Il suffit de prendre un de leurs tracts et de regarder quelles sont les organisations signataires : à tout aîné tout honneur, le PCF ouvre le bal. Ebranlé par la chute finale, il reste fidèle à la doctrine de la double appartenance des ses membres : parti / club de bridge pour vieux. Il est, de très loin, la première force militante du Front de gauche mais son recrutement se tarit de plus en plus depuis la fin des années 70. Les effectifs du PCF risquent donc de connaître une diminution assez sévère dans les années qui viennent, par des processus naturels. Si en plus leur futur secrétaire national est Pierre Laurent, le leadership médiatique du Front de gauche est assuré pour Mélenchon.


Voici également le Parti de Gauche, scissionniste du PS, Gauche Unitaire, scissionniste du NPA (par définition toute organisation "unitaire" est issue d’une scission, mais là reconnaissons que c’était un peu contre leur gré), République et socialisme, scissionniste du MRC (scissionniste du PS) sur la question de l’Europe fédérale, le Mouvement Politique d’Education Populaire, scissionniste d’ATTAC.

Et puis tant qu’on en est à fédérer des alternatifs, notons : la Convention pour une alternative progressiste, qui rassemble des scissionnistes du PCF, du PS, du MRC et de la LCR. Egalement les Alternatifs, dernier avatar du PSU fusionné avec des scissionnistes de la Convention pour une alternative progressiste. Et pour finir, le mouvement le plus original : la Fédération pour une alternative sociale et écologique. Ce dernier réunit les membres d’autres mouvements, sur la base de la double appartenance. Il rassemble ainsi des membres notamment du PS, des Verts, du PCF, des Alternatifs, de la Convention pour une alternative progressiste et bien évidemment de la Coordination nationale des collectifs unitaires.

Mais le tableau ne serait pas complet sans évoquer le choc profond que j’ai éprouvé en découvrant l’emblème d’un parti au bas d’un tract du Front de gauche.


Le Parti Communiste Ouvrier de France est membre du Front de gauche. Issu en 1979 de scissionnistes tendance Enver Hodja (1976) du Parti Communiste Marxiste Leniniste de France (scissionniste du PCF sur la question du révisionnisme kroutchevien) et de certains gépistes, le PCOF était le refuge contre les maos adeptes des "trois mondes" et des "cent fleurs" des derniers maos spontex, comptant sur le spontanéisme des masses pour faire la Révolution et refusant les partis et les syndicats qui finissent nécessairement par faire partie du système, c’est vous dire s’ils étaient purs. Aujourd’hui, le PCOF défend le Pass Navigo zone unique à 55 euros et demande des élus régionaux...



8 réactions


  • le naif le naif 26 février 2010 10:08

    @ L’auteur

    Quelle logorrhée !!!!

    C’est quoi un socialiste européen et ça sert à quoi ????

    Au lieu de regarder la paille dans l’œil du voisin...... les socialistes feraient mieux de balayer devant leur porte...... Parce qu’à part des combats de coqs, niveau idées, c’est silence radio....

    Slts


  • plancherDesVaches 26 février 2010 13:21

    Ha !!!

    Si les socialistes pouvaient retourner à gauche... I have a dream...

    Mais bon : la petite crise dûe à l’individualisme montant va remettre les pendules à l’heure.


  • Romain Desbois 26 février 2010 14:27

    La révolution, ca se fait tous les jours.Pas besoin du grand soir ! Tous les jours nous sommes en mesure de faire de la résistance.

    « et dire que si les gens ne l’achetait pas, ca ne se vendrait pas » Coluche

    Action ! Consom’action !

    Votez ! Eliminez !


  • Philou017 Philou017 26 février 2010 15:39

    La révolution a montré qu’elle n’était qu’un rêve, si elle ne concerne pas d’abord les esprits et les cœurs. Beaucoup de révolutionnaires se sont focalisés sur une révolution contre le système établi, plutôt que de construire à coté de ce système.
    On ne construit pas un nouveau monde contre un système existant, mais en proposant des évolutions qu’on porte par son propre exemple, et dont on convainc les gens.
    La révolution ne peut pas naitre des antagonismes exacerbés de la société actuelle, mais de la compréhension des motifs qui font que les gens s’accrochent à des modèles dépassés. Il faudrait prendre en compte le meilleur des gens, plutôt que se focaliser sur les tares du système.
    Faute de quoi, la révolution bute sur les systèmes etablis, et tombe dans le même système de l’affrontement des intérêts dont se nourrit la capitalisme et les systèmes de domination et manipulation en place.

    Je pense que la vraie révolution, c’est de changer son rapport au monde et de devenir un révolutionnaire dans sa vie de tous les jours. La meilleure façon de rejeter le système, c’est de vivre aujourd’hui en dehors de ses dérives et de ses modèles imposés.


    • Tonio Tonio 26 février 2010 17:39

      ça dépend du système en cause. La Révolution « bourgeoise » a bien eu lieu. La révolution contre le capitalisme, je ne vois pas bien ce que ça serait. C’est mon problème majeur avec les utopies révolutionnaires actuelles. Les petits groupes d’anars, par exemple, qui vivent en marge du système ne peuvent en réalité vivre que grâce à lui. Ils ne construisent pas une alternative.

      Si pas de révolution, par contre, il faut faire avec et à partir du système. Il faut le réformer de l’intérieur, on ne peut pas l’ignorer...


    • le naif le naif 26 février 2010 19:58

      @ Tonio 

      « ça dépend du système en cause. La Révolution »bourgeoise" a bien eu lieu« . une révolution bourgeoise, cela s’appelle une contre révolution »La révolution contre le capitalisme, je ne vois pas bien ce que ça serait« . C’est bien le problème, mais à votre décharge avec des gens qui se disent socialistes à la tête de l’OMC et du FMI, avec un Attali et d’autres qui fricotent avec le sarkozysme, ce n’est pas facile de s’y retrouver... Jaurès doit faire des loopings dans sa tombe !!! »C’est mon problème majeur avec les utopies révolutionnaires actuelles.«  Le problème du parti socialiste c’est justement d’être incapable d’imaginer une utopie, là encore le mot ayant été détourné de son sens, ce n’est guère surprenant. Une utopie est un projet à réaliser, pas une chimère.... en 1789 la République était une utopie, Liberté Egalité Fraternité, reste une utopie, si au moins vous étiez resté fidèle à ces idéaux !!!  »Les petits groupes d’anars, par exemple, qui vivent en marge du système ne peuvent en réalité vivre que grâce à lui. Ils ne construisent pas une alternative." Les socialistes non plus, mais eux ils se nourrissent grassement du système, ils ne sont même pas en marge.....

      "Si pas de révolution, par contre, il faut faire avec et à partir du système. Il faut le réformer de l’intérieur, on ne peut pas l’ignorer..." Bel aveu de renoncement et d’impuissance, bravo. Vous savez qu’il y a des choses qui bougent en Amérique du Sud, qu’un vieux parti comme le votre soit incapable d’imaginer l’avenir au delà de la prochaine échéance électorale, voila le vrai problème, le jour où les socialos arrêterons de se regarder le nombril et à jouer à plouf plouf pour savoir qui sera le prochain candidat, il aura fait un pas énorme.

      Mais je pense que la dépression économique, emportera tout sur son passage et à partir de là peut être que le champs des possibles s’ouvrira devant nous


    • Tonio Tonio 27 février 2010 10:56

      A moins que j’ai loupé pas mal de choses, la révolution de 1789 était une révolution bourgeoise ?

      Sur l’absence d’utopie : je ne parviens pas à en trouver de crédible. Pas seulement par mon imagination propre, mais en allant lire les bons auteurs. Soit on tombe dans une sorte de société « néo-traditionnelle » chez certains décroissants que je n’apprécie pas, soit c’est le grand vide : on abat le capitalisme et après... ce sera bien, de nouvelles formes apparaîtrons d’elles-mêmes. Les socialistes ne sont pas les seuls à ne plus avoir d’utopie, les anticapitalistes non plus.

      Et en amérique du sud, désolé mais ils réforment bien le système de l’intérieur ou alors je ne vois pas de quoi tu parles.


    • le naif le naif 27 février 2010 13:37

      @ Tonio

      Bonjour

      "A moins que j’ai loupé pas mal de choses, la révolution de 1789 était une révolution bourgeoise ?" Nous sommes d’accord, il n’y as pas eu de véritable révolution, si ce n’est le partage du pouvoir entre la noblesse et la bourgeoisie, le tiers état restant bien évidemment à sa place, ce n’est donc pas à proprement parler une révolution.

      « Sur l’absence d’utopie : je ne parviens pas à en trouver de crédible. » Moi non plus, mais si un grand parti, n’est pas capable d’offrir une vision d’avenir, qui le sera ??? Le socialisme de Jaurès, cela avait un sens et ce n’était pas le capitalisme ( pour mémoire au congrès d’Epinay, le parti socialiste se disait encore anti capitaliste !!!) Est arrivé 1981, on y a cru, puis 1983, le tournant de la rigueur et tous les renoncements, puis avec Jospin, le ralliement définitif au Marché et à une Europe qui rend toutes transformations sociales impossibles.

      Le problème n’est pas tant économique, que démocratique et de ce point de vue, L’UMPS s’est arrangé pour confisquer la parole et le pouvoir au peuple, Le point de non retour ayant été atteint avec le TCE.

      Il n’émergera rien de nouveau sur le plan des idées tant que « la noblesse politique et la noblesse économique » confisqueront le pouvoir aux citoyens. Le fait qu’Attali (ce n’est qu’un exemple parmi cent) soit aussi à l’aise avec Mittérand qu’avec Sarkozy devrait vous interpeler.....

      Le mot démocratie à un sens et ce système dont les partis institutionnels s’accommodent si bien, n’en est qu’un simulacre



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