jeudi 20 juin 2013 - par Pelletier Jean

Travailler plus longtemps….

Le travail est au cœur de nos discussions sociétales. Le rythme forcené de l’augmentation de notre espérance de vie à un trimestre gagné sur la mort par année n’a pas qu’un impact économique sur nos modes de vies, il transforme le profil même de nos existences. En plus de 50 ans c’est toute « l’après-guerre » qui a changé de visage. Vivre jusqu’à 59,9-65,2 ans (Chiffre de 1946 pour les hommes et les femmes), ce n’est plus tout à fait la même chose que de vivre jusqu’à 78,5-84,9 ans. Le gain est de plus de 18 ans pour les femmes et de presque 19 ans pour les hommes.

Jadis au monde du travail, succédait brutalement celui de la vieillesse, il restait peu de temps, peu d’espace. Aujourd’hui c’est un vaste horizon qui s’est installé dans la vie des hommes et des femmes. Il faudrait affiner selon les origines sociales, les catégories professionnelles, des disparités s’imposeraient, certes, mais pour autant c’est bien un « nouvel âge » qui s’offre à nous. 18 à 19 ans c’est juste le temps qu’il faut pour que s’installe une génération. Qui peut sincèrement remettre en cause cette conquête sociale que le progrès et la science nous ont offert ? Et bien nombre de technocrates et de politiques libéraux sont prêts aujourd’hui à le faire.

La crise et sa longévité creuse d’insondables déficits dans nos comptes sociaux et particulièrement ceux de la retraite. Le constat mathématique est simple, pour des esprits simples, les gens vivent beaucoup plus vieux et bien il faut qu’ils travaillent beaucoup plus longtemps.

D’où partons-nous ? En 1982 François Mitterrand accorde la retraite à 60 ans pour 37,5 années de cotisation (donc de travail). L’espérance de vie est pour les hommes de 70,4 ans et de 78,5 ans pour les femmes. Donc si on retranche de l’espérance de vie, les années de cotisations, il reste en 1981, 32,9 années pour les hommes et 41, années pour les femmes. En retranchant les années d’enfance et de formation, on constate qu’en 1981, il y avait place pour les hommes et un peu plus pour les femmes à un Temps Libre conséquent après le travail.

En 1993, la réforme Balladur fait passer le nombre d’années de cotisation de 37,5 années à 40 années. Le calcul du montant de la retraite passe d’une base des 10 meilleures années au 25 meilleurs années. A cette date l’espérance de vie est passée pour les hommes à 73,3 ans et 81,5 ans pour les femmes. Le rééquilibrage est correct, pour les hommes ce sont 2,5 années de travail en plus qui correspondent à 2,9 années d’espérance de vie en plus.

En 2003, la réforme Fillon pousse le nombre d’année de cotisation à 41 ans et fixe son augmentation sur la base d’un trimestre de plus par année à partir de 2009 jusqu’en 2012. En 2012 l’espérance de vie pour les hommes est de 78,5 années et 73,3 pour les femmes. Le gain, malgré l’allongement de la durée de cotisation est de 5,2 – 1 =4,2 années pour les hommes de gagné.

En 2013 la réforme Worth fera passer à nouveau la durée des cotisations de 41 ans à 41,5 ans pour 2020 et surtout fixe l’âge de départ légal à la retraite à 62 ans.

L’impact sur les gains constaté pour les hommes de 4,2 années tombe donc à 3,7 années, mais il est réel.

Résumons-nous, depuis 1982 le temps de travail a augmenté de 4 années, plus que compensé par l’augmentation de l’espérance de vie constaté sur la même période. En fait malgré les oppositions ici et là, le train des réformes a été plutôt modeste et n’a pas suscité un effort disproportionné de la part des actifs.

Aujourd’hui, on constate pour la première fois dans les statistiques de 2012, un arrêt de la progression de l’espérance de vie, une très légère baisse pour les femmes et une stagnation pour les hommes. Il faudra attendre les résultats de 2013 pour voir si le phénomène s’installe durablement.

Notons au passage que l’arrêt de la progression de l’espérance de vie correspond à une période où on a augmenté le temps de travail… Il serait raisonnable de prendre une ou deux années pour observer l’évolution de l’espérance de vie, avant de s’engager comme le propose le rapport Moreau dans une nouvelle augmentation du temps de travail. On parle de passer de 41,5 années à 42,25 et 43 ans pour la génération de 1962 et 44 ans pour la génération de 1966. Ce qui représenterait un saut de 2,5 années supplémentaires.

Au total depuis 1982 l’augmentation atteindrait 6,5 années, soit une progression de 18 % sur la base de départ de 37,5 années… l’effort est considérable.

En clair il ne faudrait pas que l’augmentation du temps de travail ait pour conséquence l’abaissement de l’espérance de vie, ce serait une terrible régression, si cela se constatait dans les années à venir. Et quel impact politique que ce soit un gouvernement socialiste qui soit à la source de cette inversion !



9 réactions


  • Robert GIL ROBERT GIL 20 juin 2013 08:31

    que ce soit les gouvernement de droite ou « dit » de gauche, on nous prends pour des cons...

    voir : RETRAITES, ON NE NOUS DIT PAS TOUT…


  • gogoRat gogoRat 20 juin 2013 08:40

    Et si la prise d’âge de nos décideurs favorisait une involution (avant même la sénilité) plutôt qu« une évolution positive de notre civilisation ?
     Le phénomène pourrait être relativement rapide si l’on en croit le constat suivant : tout laisse penser qu’en »débattant« de la retraite nos protagonistes autorisés, politicards autant que »acteurs sociaux« , ont oublié une avancée conceptuelle apparue lors de la dernière guerre mondiale ; je veux parler de »l’analyse de la valeur« (cf wikipédia).
     Pour faire court, disons qu’il s’agit d’éviter de résoudre un problème en partant des ’solutions’ déjà connues : l’essor d’après guerre a tiré parti d’attitudes innovantes consistant plutôt à se concentrer d’abord sur une meilleure compréhension des objectifs recherchés ....

     Or, débattre de la retraite, c’est débattre d’une solution (peut être désadaptée) à des ’problèmes’ que l’on se garde bien de reformuler :
     - lorsqu’on prend de l’âge, il devient de plus en plus difficile de garder une compétitivité efficace sur le »marché du travail« 
     - une société qui se respecte doit ( et a besoin de ) assurer un revenu (et de la considération) même à celles et ceux qui ne sont plus en mesure d’apporter leur offre de »travail« sur un »marché de l’emploi« 

     Si l’on posait directement ces »problèmes" plutôt que la solution-toute-faite=retraite, il me semble évident que l’on penserait beaucoup plus naturellement à une tout autre approche :
     le Revenu Minimum d’Existence ! ...

    Lire la suite ▼

  • tutti frutti tutti frutti 20 juin 2013 10:28

    l’ espérance de vie est rien à côté de l’ espérance  de devenir moins bête . 


  • soi même 20 juin 2013 13:08

    Nous finirons bien par comprendre qui ménage sa monture va loin.

    Même si l’espérance de vie s’allonge, il faudra bien revoir le rythme du travail, car une personne qui à dépasser 60 ans, ce n’est plus un jeune de 20 ans. La fameuse rentabilité va en prendre un coup.


  • ZEN ZEN 20 juin 2013 14:05

    Il serait judicieux de faire remarquer que la retraite à 60 ans, du moins dans certains types de métiers, a favorisé une plus grande espérance de vie.


  • ZenZoe ZenZoe 20 juin 2013 14:15

    D’un côté l’espérance de vie qui s’accroit (enfin, peut-être...) et une démographie mondiale qui explose, de l’autre des besoins en main-d’oeuvre qui diminuent avec la robotisation. Il faut ajouter à ça des gens qui veulent continuer à travailler, d’autres qui veulent arrêter...
    On voit bien qu’il faut vraiment repenser toute l’organisation autour du travail. Perso, je trouve idiot de diviser la vie entre vie active / retraite et de fixer un seuil pareil pour tout le monde. Pourquoi ne pas filer aux gens un revenu universel tout au long de la vie et leur foutre la paix avec ce qu’ils en font. Si certains veulent bosser, ils le feront quand ils veulent, quand ils peuvent, et à leur rythme. Plus facile à gérer, plus équitable, moins stressant, moins cher probablement...


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