Une gouvernance de salut public, avant qu’il ne soit trop tard
Depuis la seconde moitié des années 30, la France n’a probablement jamais eu autant besoin qu’aujourd’hui de la gouvernance de salut public qui lui fit tragiquement défaut à la veille de la plus grande hécatombe de l’Histoire. D’aucuns réalisent tardivement que le cours sinistre de cette dernière eût peut-être été différent si, en 1939, le PIB de notre pays, inférieur à celui de 1929, eût pu davantage faire pièce à celui de l’Allemagne. En Histoire moins que dans tout autre domaine, comparaison n’est certes pas raison, mais le caractère dont tout porte à croire qu’il sera durable du décrochage économique sévère, auquel le pays ne semble plus pouvoir échapper, plonge l’avenir des Français dans les ténèbres d’un inconnu au moins aussi effrayant que les bruits de bottes de jadis. Plus chez nous qu’ailleurs, cet effroi est inspiré par la physionomie géo économique d’un monde du 21ème siècle accentuant quotidiennement l’impuissance d’États providence désargentés à garantir le bien être de leurs ressortissants.
Il y va donc de la survie de notre mode et de notre niveau de vie à ce que la lucidité et la sagesse triomphent de l’aboulie qui s’empare peu à peu de notre peuple, à ce qu’une union sacrée gouvernementale se constitue, toutes affaires cessantes, sur la base exclusive de la compétence, de l’expertise et de l’inflexibilité de la détermination. La mission d’un tel cabinet de guerre consisterait sans doute à bouleverser dans les meilleurs délais des schémas économiques et des flux financiers intra nationaux, manifestement frappés d’obsolescence. Pareille entreprise ne saurait toutefois compter sur la plus petite efficacité, sans l’établissement préalable de l’état des lieux rigoureux de la réalité physique de l’économie française et du potentiel intellectuel de ses servants.
Par physique, j’entends aussi bien les implacables exigences de la science physique, exprimées par ses innombrables applications technologiques, que la réalité matérielle de nos équipements, infrastructures de toute nature, de nos services et de nos commerces, aussi bien que le recensement précis de nos ressources naturelles.
Quant au potentiel intellectuel, il s’agit de celui de tous les enfants de la nation leur permettant de tirer globalement le meilleur profit de leur patrimoine industriel et agricole.
Ceci étant posé, sur quoi, le cas échéant, devra prioritairement porter un recensement matériel et intellectuel chargé d’autant de responsabilités et à qui le confier ? Ma réponse paradoxale au second volet de la question est, sans hésitation : certainement pas à des économistes. Pourquoi ? Parce que ce recensement ne devra s’employer qu’à établir les données physiques et les références précises de l’énoncé du problème à résoudre, à ne leur confier qu’ultérieurement. Lorsqu’ils ne sont pas prisonniers d’ornières partisanes, trop de ces économistes donnent aujourd’hui dans la confusion des genres, en prétendant abusivement à l’omniscience et en s’exprimant à tort et à travers sur des thèmes à propos desquels leurs connaissances sont à peu près nulles. L’occasion sera donc on ne peut plus opportune de leur signifier que, en la circonstance, seul relèvera de leur domaine de compétence la résolution du problème « post état des lieux » évoqué plus haut.
Au demeurant, considérant qu’aucun processus naturel ou artificiel de l’Univers ne saurait acquérir une quelconque dynamique, sans disposer préalablement des outils nécessaires et d’un potentiel énergétique suffisant, considérant que l’économie humaine n’échappe pas à cette règle intangible, quoi de plus naturel que la logique d’une telle démarche de subsistance, vieille comme le monde ?
C’est donc ici que commence la réponse au premier volet de la question ci-dessus, réponse pouvant être introduite ainsi : Continuer de dissimuler une vérité aussi élémentaire que celle consistant à admettre le règlement de la question énergétique comme un préalable absolu à toute optimisation économique pourrait coûter très cher au pays.
Partant, on voit mal comment cette optimisation ne commencerait pas par un recensement objectif et prospectif de nos potentiels énergétiques, à commencer par le potentiel de notre production électrique. Dans cette dernière hypothèse, à qui confier une mission aussi spécialisée et aussi stratégique, sinon aux professionnels et partenaires de réputation mondiale, exploitant depuis des décennies un système électrique national interconnecté, inspirant sa constante mutation technique et scientifique et gérant les sources primaires d’une énergie électrique distribuée à un prix parmi les plus modérés du monde ? Pourtant, on ne trouve guère qu’en France cette singularité assez surréaliste d’une contestation de l’expertise et de l’honnêteté de ces acteurs économiques, par une poignée de tartufes sur médiatisés, promus vigiles du développement sobre, dans deux gouvernements, déjà.
Une telle irresponsabilité a assez duré. Il est désormais vital d’ignorer les états d’âme idéologiques de cette coterie d’un autre âge et de ne pas hésiter à confier à EDF-RTE, à Areva, au CEA et autre CNRS une expertise que personne en France n’est en mesure de leur contester. Car la stérilité des pantalonnades de type « grenelle de l’Environnement » est proportionnelle aux effectifs pléthoriques mis en débat suivant un rite grotesque et démagogique n’ayant pour objectifs que l’enfumage de l’opinion et le clientélisme électoral !
Pour autant, les conclusions des experts désignés ne sauraient se soustraire aux critiques de leurs pairs, y compris de pairs missionnés, voire dévoyés par la doctrine environnementaliste. En revanche, la critique ne sera recevable que sur la base de considérations scientifiques, techniques ou industrielles incontestables. On attend par exemple, avec intérêt, celle qui porterait sur la probable conclusion suivante du rapport de ces experts : une France renouant résolument, sous moins de 20 ans, à une 4ème génération de réacteurs, directement issue des retours d’expériences Phénix et Superphénix, acquerrait à moyen terme une autonomie électrique quasi totale de plusieurs siècles, quel que soit le niveau de la demande intérieure ; ceci grâce à un stock national d’uranium appauvri déjà considérable et à un stock de plutonium ne pouvant que le devenir.
Dans le même esprit que celui de ce traitement habilité de la question électrique, il conviendra de confier le volet « hydrocarbures » de l’état des lieux énergétique du pays à un acteur comme cette Amicale des Foreurs et des Métiers du pétrole (www.foreurs.net) dont l’expertise est difficilement contestable. Son affirmation sérieusement étayée qu’une exploitation propre et sans danger pour l’environnement de nos gaz et hydrocarbures non conventionnels (HNC) est non seulement possible, mais que les gisements correspondants pourraient se révéler considérables, fournira sans aucun doute matière aux seuls débats recevables : les débats qui, pour être spécialisés, ne négligent aucune dimension du problème à résoudre.
Une autre énergie sera indiscutablement éligible au grand inventaire ; peut-être la plus vitale de toutes, en tout cas, la plus compromise par les croisades gangrenant actuellement notre économie : l’agro alimentaire. Dans ce domaine, le train d’un progrès scientifique universel, que rien n’arrêtera, passe actuellement sous le regard désemparé de chercheurs français qui y ont de moins en moins leur place. Pire, ces derniers assistent, impuissants, à l’anéantissement de ce qui fondait naguère tous leurs espoirs de découvertes et de progrès humains, par les moines soldats d’un pastoralisme désuet ; et ce joyeux saccage obscurantiste, avec la bénédiction implicite des pouvoirs publics, NKM en tête !
C’est donc à une communauté de laboratoires à l’expertise et à la rigueur scientifique incontestables, comme celui du CNRS, à Grenoble, en charge de la Physiologie Cellulaire Végétale, que devra naturellement échoir ce dossier de référence, capital pour la genèse de notre future prospérité.
Enfin, on ne saurait clore les considérations sur le chapitre énergétique, sans évoquer le thème reliant la plupart de ses objets : le changement climatique. Personnellement, je l’introduirais par cette question : Dans la situation où nous nous trouvons, un gouvernement de salut public, digne de ce nom, peut-il continuer de ne pas se demander s’il est bien raisonnable de traduire aussi prématurément et aussi complètement la doxa climatique du GIEC en une ruineuse réglementation anti CO2 ? Car, asseoir pareille discipline collective imposée sur des hypothèses scientifiques aussi mal assurées, aussi instables et, quoi qu’on en dise, aussi controversées constitue un fait social sans précédent, dans l’histoire moderne de la civilisation.
Pour le coup, il devra impérativement revenir aux conclusions de deux débats spécialisés, simultanés, de formuler, un bonne fois pour toutes, la conduite à adopter par la nation française. Le premier, entre experts scientifiques reconnus, aura pour mission de faire le point précis de ce que la science peut aujourd’hui affirmer et démontrer, sans conteste possible. Sur ce point, contrairement à une idée complaisamment répandue, les tenants de la pensée établie auront fort à faire, face à des experts contestataires plus nombreux qu’on ne croit, en France comme ailleurs (www.contrepoints.org/2012/12/05/106823-climat-lettre-ouverte-de-125-scientifiques-a-ban-ki-moon).
Le second débat, quant à lui, devra chercher à apprécier dans quelle mesure l’Humanité serait techniquement, économiquement et politiquement capable de neutraliser le fléau planétaire redouté, dans l’hypothèse où il se confirmerait. En d’autres termes, il devra s’efforcer de répondre à cette question : Si nos chances de parvenir à l’union sacrée internationale, seule à même de mobiliser les gigantesques capitaux requis, sans garantie de résultats, se révélaient insignifiantes, ne vaudrait-il pas mieux d’ores et déjà se disposer à préparer, sur tous les plans, la mutation défensive de la société ?..
Le vaste bilan de la machine économique « France », qui s’impose aujourd’hui et dont on attend avec impatience l’état réel et les perspectives envisageables, ne se limite certainement pas à la question énergétique. Il n’empêche que les réflexions inspirées par cette dernière montrent de façon exemplaire combien, lorsque chacun reste à sa place et ne donne à la Nation que ce qui lui manque, c’est-à-dire la totale mesure de ses compétences, la dynamique économique peut très rapidement changer de sens. De fait, un État qui aurait le courage de passer outre les exigences et l’avis de ceux dont rien ne légitime le droit au chapitre, cet État là « dés endiguerait » rapidement de vastes gisements d’emplois et ferait sauter la plupart des verrous règlementaires, archaïques, d’un marché du travail largement perclus. Il n’en faudrait pas plus pour libérer une certaine confiance dans l’avenir, la prise de risque et l’initiative novatrice.
À la faveur de cette salutaire prise de conscience, imposer que chacun reste à sa place consistera précisément à n’autoriser l’entrée en scène des économistes qu’à l’issue de l’état des lieux physique de notre économie. Non seulement leur sera alors remis l’énoncé du problème à résoudre le plus précis, le plus complet et le plus fiable jamais imaginé, mais ils constateront, à cette occasion, que leur contribution est loin de s’imposer partout et systématiquement. En effet, si l’empreinte contemporaine d’un Schumpeter, d’un Smith ou d’un Ricardo est parfaitement étrangère aux auteurs non économistes de cet état des lieux, la culture de ces derniers en la matière aura été largement suffisantes à quantifier des grandeurs concrètes, à apprécier de grands postes budgétaires et à identifier des sources de financement.
Les circonstances forcent aujourd’hui la main de l’exécutif à saisir une chance rare d’entrer dans l’Histoire, pour les plus nobles raisons qui soient : la conscience de ses très hautes responsabilités et le courage. Il lui suffirait, pour cela, de recruter sans délai le cabinet de guerre gouvernemental, évoqué plus haut, sur les seuls critères de compétence, d’intégrité et de dévouement, dans le cadre d’un appel solennel à l’union sacrée politique. Il lui suffirait ensuite d’investir ce cabinet de la mission de salut public, partiellement caractérisée ci-dessus.
Certes, ce faisant, le chef de l’État reconnaîtrait implicitement l’incompétence de l’équipe actuelle, mais, outre que le geste n’en serait que plus louable, à se dérober à une urgence nationale aussi prégnante, la mémoire Historique ne manquerait pas d’ajouter la trahison à l’incompétence.