Affaires Betharram/Bayrou et Preynat/Barbarin
Deux affaires aux similarités frappantes
Le 14 mai 2025, nous avons assisté à ce qui ressemblait au procès de Bayrou. Pourtant, il s'agissait d'une commission d'enquête.
Ayant lu récemment le récit du cardinal Barbarin, j'ai pu observer certains points communs entre deux grands sujets médiatiques et d'en décortiquer les mécanismes.
En 2016, éclate l'affaire Preynat. le prêtre est accusé d'agressions sexuelles répétées sur de jeunes scouts à Sainte-Foy-Lès-Lyon dans les années 70-90.
Or, pourquoi a-t-on le sentiment d'une « affaire Barbarin » en lieu et place d'une « affaire Preynat » ? Comment s'opère miraculeusement ce glissement de sens ?
Le cardinal Philippe Barbarin est nommé archevêque de Lyon en 2002 par Jean-Paul II. Il a été jugé pour non-dénonciation de mauvais traitements, agressions ou atteintes sexuelles sur mineur de moins de 15 ans, commis par une personne ayant autorité. Après un procès en 2019 où il a été reconnu coupable, il a finalement été relaxé après appel en 2020 puis relaxé définitivement en 2021.
En effet, au moment où il est averti des faits de pédocriminalité, les victimes elles-mêmes, alors majeures, sont considérées en mesure de parler. Par ailleurs, de nombreux témoins directs, des familles, des parents, des voisins, se sont tus.
Etablissons un parallèle entre cet événement médiatique, où le cardinal Barbarin estime avoir endossé le rôle de "bouc émissaire", avec celui de l'affaire Betharram, devenue l'affaire « Bayrou ».
Mille similarités viennent à l'esprit, malgré d'évidentes différences : une figure d'autorité est accusée de ne pas avoir parlé, mais la chronologie est essentielle.
Les crimes sexuels sont connus à l'époque (plaintes, presse) alors que Ni Barbarin ni Bayrou ne sont alors aux responsabilités.
Pour François Bayrou, l'affaire pédocriminelle est révélée par la presse en 1998, alors qu'il n'est plus ministre de l'Education nationale. Pour le cardinal Barbarin, les faits sont bien antérieurs (12 à 30 ans) à son arrivée en tant que prélat des Gaules.
Voilà ce qui étonne quand on prend de la hauteur et qu'on observe le schéma qui se dessine.
D'abord, le risque de raccourci et de désinformation peut conduire l'opinion à considérer le cardinal Barbarin et François Bayrou comme complices de crimes pédocriminels, ce qui est une accusation extrêmement grave et salit un homme à vie.
Ensuite, Bayrou comme Barbarin se trouvent là, sur la scène médiatique, des décennies plus tard, à la faveur du mouvement Metoo. Un peu plus tard, paraît le rapport de la CIASE en 2021 sur la pédocriminalité dans l'Eglise (cf. mon post sur l'abbé Pierre, La Fabrique d'un saint).
Mais que dit-on des évêques de Lyon de l'époque du père Preynat ? Et du ministre de l'Education nationale en 1998, Claude Allègre ?
Rien. C'est simple. Silence total.
En 1998, c'est Claude Allègre qui est Ministre de l'Education nationale. Entre 1970 et 2002, se sont succédé quatre archevêques à Lyon : Mgrs Renard, Decourtray, Balland, Billé.
Pourquoi n'ont-ils pas été sous les feux des projecteurs ? Pourquoi n'avez-vous peut-être jamais entendu parler d'eux en lien avec ces crimes sexuels ?
Parce qu'ils sont morts. Quel intérêt médiatique de faire la lumière sur les morts ? Quel intérêt politique ?
Or, devant le choc et l'horreur, la France est scandalisée. Il faut un coupable, et Barbarin et Bayrou se présentent là à point nommé. Coupables expiatoires. Complices tout désignés de pédophilie. Salis à vie.
Barbarin et Bayrou ont servi de cibles médiatiques. Bien que des reproches puissent sans doute leur être faits (connaissance des brutalités pour Bayrou et du passé criminel de Preynat pour Barbarin), ils ne sont pas coupables aux yeux de la loi. Ils paient de leur déshonneur le prix immense de la souffrance des victimes.
Attention simplement à ne pas nous tromper de coupables.
Les premiers coupables sont bien évidemment les prêtres pédophiles ayant abusé des enfants et les ayant battus.
Les seconds sont l'institution de l'époque, les professeurs, les parents, les voisins qui se sont tus.
Les troisièmes, les responsables au moment où les plaintes sont déposées pour pédocriminalité (les prédécesseurs de Barbarin, le recteur de l'époque et Allègre).
Les quatrièmes se situent au sommet du Vatican et de l'Etat.
Quelle est alors la responsabilité de ceux qui n'étaient pas à la manoeuvre au moment précis où les affaires de pédophilie sortent pour la première fois ?
Barbarin et Bayrou sont là au mauvais moment, c'est-à-dire quand éclate a posteriori le scandale. Et leur honneur est éclaboussé par une meute médiatique et politique.
C'est l'histoire d'un scandale à deux temps, d'un scandale à retardement.
Et dans cette histoire, on oublie les victimes, dont la souffrance incommensurable ne sera sans doute jamais apaisée.
En conclusion, je vous invite à lire le livre En mon âme et conscience du cardinal Barbarin, paru en 2020. Que savait-il ? Que ne savait-il pas ? Qu'a-t-il fait ? Que n'a-t-il pas fait ? Cela permet de se forger une opinion.
Et de nous interroger - en creux - sur notre propre rapport à la responsabilité, à la justice et à la vérité.
Pour plus d'informations : https://www.babelio.com/livres/Plon-Jerusalem/1221175/critiques/4521099