mardi 29 mai 2012 - par Georges Yang

La sexualité des malades : Baiser avec une trachéotomie ou autre fantaisie du genre

Etre malade, ce n’est pas uniquement souffrir dans sa chair, c’est aussi être diminué, limité dans ses mouvements et sa capacité d’intervention dans la vie quotidienne. La sexualité faisant parti de la vie, la maladie interfère aussi de façon intempestive dans cette activité. Avant d’entrer dans la pathologie lourde et invalidante qui pénalise les grands malades, faisons un petit tour d’horizon des petits inconvénients sexuels induits par la maladie. Et puis, l’impact psychologique de la maladie peut certes déprimer, mais n’entraine pas obligatoirement une baisse de la libido. Le problème devient alors de continuer à l’assouvir, ce qui est difficile pour ceux qui n’ont pas de partenaire régulier d’avant la maladie invalidante. Heureusement ( ?), la plupart des malades sont tellement endoloris ou assommés par les traitements que la préoccupation sexuelle s’efface momentanément. Certains cependant, restent excités malgré les douleurs, les handicaps et les antalgiques.

A moins d’avoir une libido intense, une courte hospitalisation ne peut vous pourrir la vie. Le malade ou le blessé peut se passer de flûte traversière pendant les quelques jours qu’il passe à l’hôpital ; cela se gâte lorsque le séjour se prolonge. Les infirmières qui entrent sans frapper pour administrer une injection et les aides-soignantes qui vous balancent un plateau d’alimentation tiédasse ne sont pas rassurantes quand vous avez une visite. Tout juste pouvez-vous vous autoriser une petite masturbation en solitaire, si vous n’avez pas trop honte de vous souillez le drap. Et même si vous avez la chance d’avoir une chambre individuelle, la fellation et la copulation sur un lit d’hôpital n’a rien d’évident, sauf dans le cabinet de toilette avec votre partenaire, si vous avez encore la force de vous lever. Certes, beaucoup de malades sont trop faibles pour penser à la gaudriole, d’autres aimeraient bien, mais son devenus mous du piston, et même avec du Viagra, il est assez aléatoire d’envisager une étreinte torride avec un fixateur externe au tibia et un plâtre scapulo-huméral. Pourtant, un jeune motard rétamé, ça doit bien avoir envie de baiser. On peut certes rester dans le furtif et rester au niveau tactile, avec demande de palpation discrète. Mais il faut connaitre quelqu’un de dévoué. L’infirmière sans culotte qui par compassion va vous manipuler avec l’ostentation professionnelle, ça ne se voit que dans les films pornos.

Beaucoup moins invalidantes, mais tout aussi problématiques sont les hémorroïdes. Pas question de sodomie ou d’utilisation de sex-toys en pleine poussée aigue. Pas question non plus de demander un anulingus en cas de prolapsus hémorroïdaire ; il y va de sa dignité et du respect de l’autre. Quant aux dermatoses, si elles ne sont pas mortelles, elles dissuadent souvent les nouveaux partenaires. Beaucoup ressentent de la réticence, voire du dégout face à un eczéma, un lupus, un psoriasis, même si ce n’est point contagieux.

Mais le pire, c’est tout de même l’insuffisance respiratoire chronique, que l’on soit hospitalisé ou de retour à domicile. Tirer un coup avec la bouteille d’oxygène et le masque à portée de main entrave gravement toute tentative d’acrobatie et de fantaisie sexuelle. Pas de cigarette après l’amour, quand on est sous oxygène ! Cela est aussi valable pour le partenaire qui ne peut non plus en griller une du fait du risque d’explosion. Mais le pire avec l’emphysème et autre diminution de la capacité respiratoire, avec la trachéotomie ou la fracture des os du nez, c’est que l’on s’essouffle rapidement. Et si jamais vous arrivez encore à remuer en haletant, il vaut mieux s’abstenir de parler. Cela devient tout à fait ridicule de dire « je t’aime, mon petit poussin » ou « suce-moi un peu plus profond » avec la voix métallique et caverneuse du trachéotomisé ou entre deux sifflements et halètements de celui qui respire avec peine.

Le cancer, maintenant on en guérit ou on s’éternise mollement sous chimiothérapie, et pour une femme ce n’est pas du tout évident de se déshabiller quand on a subi une mammectomie, que l’on est couverte de cicatrices de laparotomie et de drains ou que l’on est obligé de porter une perruque après la chute des cheveux. Pour l’homme, l’aspect physique est aussi peu reluisant après un « bon cancer  » mais tant qu’il arrive à bander, il ne renonce pas. Concernant la prostate, tout le monde n’a pas la chance de tomber sur un urologue honnête qui ne lui proposera pas d’emblée une chirurgie rémunératrice (et sexuellement invalidante) qui le mènera à l’impuissance, mais un traitement hormonal qui lui autorisera encore quelques érections en dépit de quelques métastases. Mitterrand a tenu des années avec la sexualité qu’on lui attribue, car il a eu la chance de ne pas être opéré. Par contre, à la suite d’une tumeur du colon ou du rectum, on se retrouve quelquefois avec un anus artificiel, et dans ce cas, on a intérêt à être marié depuis des années, car on ne drague pas avec une poche de colostomie au risque de désillusions.

Pour les malades mentaux, cela se gâte encore plus, quand ils ne sont pas abrutis par les neuroleptiques et qu’ils ont encore une certaine vigueur, il n’est pas question de les laisser s’accoupler. Cela est encore plus tragique pour les femmes, car celui qui oserait tripoter ou encore pire pénétrer une malade mentale serait considéré comme un violeur, pratiquant au minimum un abus de faiblesse. Une femme, même encore jeune présentant des troubles psychiatriques est donc souvent condamnée à l’abstinence avant tout pour des raisons légales. La morale religieuse qui interdisait toute sexualité aux « fous » a été remplacée par la judiciarisation de la société et le principe de précaution. De nombreux psychiatres se sont penchés sur le problème posé par la sexualité des malades mentaux allant de la contraception, à la définition du libre-arbitre en passant par l’expression de la pulsion sexuel et du désir. Inutile de dire que ce n’est pas simple. Doit-on enfermer une érotomane sans accès à la sexualité et doit-on condamner pénalement celui qui profite de son état mental, du fait du manque de discernement de la malade, même si elle éprouve des orgasmes ? La question qui se pose alors est la suivante : le corps médical, les travailleurs sociaux et la justice ont-ils des droits sur la vie sexuelle des malades mentaux. Comment les protéger des prédateurs sans leur brimer la libido ?

Le rôle du médecin n’étant pas moral mais curatif, il n’y a donc aucune raison à ce qu’il intervienne dans la vie sexuelle de ses patients sauf pour les protéger moralement et physiquement. Malgré tout, il ne peut que conseiller la mesure et la précaution à ceux qui sont fragilisés physiquement et psychologiquement ainsi qu’à leur entourage. Ainsi, on déconseillera les acrobaties des acteurs pornos aux porteurs de drain pleural ou de fixateur externe, dans ces cas, il n’y a rien de déshonorant de baiser « à la papa ». Pour les malades mentaux, les autistes, les trisomiques, cela devient plus complexe, car un médecin ne peut être un censeur.

Enfin, il serait judicieux d’ajouter dans la liste des activités d’aide à la personne, la dernière masturbation ou fellation au lit du mourant encore capable d’une érection.

PS : Si j’avais abordé le thème dans une revue médicale, j’aurais été obligé à un ton plus neutre accompagné d’une bibliographie autant étoffée qu’ennuyeuse, c’est l’avantage d’écrire sur Agoravox, on n’est pas obligé de sortir des statistiques roboratives !



21 réactions


  • Gabriel Gabriel 29 mai 2012 09:55

    Bonjour Georges, 

    Le phénomène que vous citez peut paraître anodin, mais ne l’est pas. Un exemple parmi d’autres, aux Pays-Bas, en Allemagne et en Suisse sont proposées aux personnes en situation de handicap des accompagnateurs (-trices) sexuels (-les). Ces « aidants sexuels » prodiguant baisers, caresses ou massages aux personnes handicapées. Sans jamais être assimilées à des prostituées. Ce service est réclamé en vain par des associations de personnes handicapées en France. Mais « encore aujourd’hui, certains considèrent les personnes handicapées comme des sous-êtres, incapables d’être aimés, d’aimer, de séduire ». Encore un article courageux de votre part qui risque de se heurter aux mentalités ou aux morales religieuses.


    • Georges Yang 29 mai 2012 10:06

      On peut parler de choses sérieuses d’un ton léger

      Je suis d’accord avec vous, sous réserve qu’il ne faut pas considérer tous les malades comme des handicapés, même si la maladie est un handicap (souvent passager)

      Un réflexion est nécessaire sur la sexualité des malades chroniques, des handicapés physiques et des malades mentaux

      Mais la sexualité n’est pas un obligation non plus


  • Pierre-Marie Baty 29 mai 2012 10:07

    Bonjour M. Yang,

    Je pense comme vous que l’érotisme est un sujet important, essentiel même pour beaucoup dans leur vie, mais à vous lire j’ai parfois l’impression de lire un enfant qui s’alarmerait de la condition des adultes parce qu’ils ne peuvent pas emmener leur doudou au bureau.

    Je ne sais pas si vous voyez ce que je veux dire, mais j’espère que vous ne le prendrez pas mal. Bonne journée smiley


    • Georges Yang 29 mai 2012 10:12

      J’ai peur de vous avoir compris

      Quand on est adulte, on a plus besoin d’un doudou, quand on est malade, on a plus besoin de baiser

      C’est sinistre comme approche


    • kiouty 29 mai 2012 10:45

      Non, ce que Baty a voulu dire, c’est que quand on est malade, on a surtout besoin de guérir avant de songer à la satisfaction de ses besoins sexuels.

      Sinon, je voulais aussi mettre en avant qu’il n’y a pas que les malades qui ont un problème de frustration sexuelle, il y a aussi les moches que personne ne veut toucher, les gens trop égoïstes pour s’intéresser à l’autre autrement que pour remplir leur propre vide existentiel, les timides qui n’osent pas aller à la rencontre de l’autre et à qui la séduction fait peur. Bon, certes, il y a les malades. Mais bon.


    • Pierre-Marie Baty 29 mai 2012 11:17

      Oui, effectivement M. Yang, ce n’est pas du tout ce que je voulais dire. Votre syllogisme tiendrait si on assimilait le fait d’être adulte au fait d’être malade, ce qui évidemment n’est pas le cas.

      Je suggérais simplement que la satisfaction sexuelle n’est pas l’horizon indépassable des aspirations humaines. Je suggère qu’il existe des félicités plus grandes, qui ne sont pas forcément explicables à tout le monde, au même titre que le fait de ne plus avoir besoin d’un doudou n’est pas facilement explicable à un enfant pour qui c’est indispensable.

      Autrement dit, quand on atteint un certain stade d’évolution personnelle, on peut se passer de sexe sans que ce soit un renoncement ni une privation.

      Je suis néanmoins d’accord avec vous pour dire que pour beaucoup de personnes pour qui le coït est toujours l’horizon indépassable de la félicité humaine, il s’agit d’une souffrance qui peut être grande.


    • Gollum Gollum 29 mai 2012 11:58

      Complètement d’accord avec Baty. 


      Je rajouterai que plus on cherche du sexe, plus on est focalisé sur celui-ci, et plus paradoxalement il nous échappe, se fait obsessionnel, compulsif et maladif...

      Bref, ceux qui proclament haut et fort « jouissons sans entrave » sont bien souvent à côté de la plaque. Ceux qui ont de fortes joies érotiques sont souvent d’une grande discrétion sur ce sujet.

    • cevennevive cevennevive 29 mai 2012 18:36

      Pierre-Marie Baty,

      Vous êtes un « sage », un vrai !

      Cordialement.


  • jef88 jef88 29 mai 2012 11:09

    Avec une trachéo ?
    Pourquoi pas ????
    Avec une sonde urinaire ????
    Dur dur !!!!!
    LOL !!!


  • Loatse Loatse 29 mai 2012 12:38

    En vous lisant, georges yang, j’ai eu une vision.... .. celle d’un site de rencontre ou l’on lirait ce genre d’annonce :

    « Pso cherche eczema pour moments coquins voire plus si affinités.... » smiley

    (et pourquoi pas ?)

    Nonobstant le terme « baiser » que vous utilisez à tout va et qui réduit un moment d’échange entre eux êtres à un simple exercice de jambes en l’air (on ne dit plus "faire l’amour ?), votre article m’a paru très intéressant, ne serait ce que parce que, pour la plupart d’entre nous, nous n’avons qu’une idée confuse des conséquence de certaines pathologies sur la sexualité...

    Ca a le mérite d’être imagé et sans détours... mais je suis d’accord avec vous, la sexualité participe à l’équilibre moral et donc physique de l’individu, qu’il soit malade ou bien portant... certains peuvent vivre son absence de manière tout à fait satisfaisante par sublimation... pour d’autres il s’agira d’une souffrance insupportable non déplacable et son expression est tout à fait légitime...


  • Loatse Loatse 29 mai 2012 12:57

    oups, les fotes...


  • Pharmafox 30 mai 2012 16:03

    C’est fou ce que le politiquement correct peu nous faire dire. La prostitution, c’est avoir une relation sexuelle moyennant rémunération. Comme personne ne veut se prostituer, on invente des mots : auxiliaire de vie, acteur porno, escorte, « étudiant qui vend son corps pour boucler ses fins de mois ». Noble combat : une fois qu’on aura trouvé un terme pour chacun et chacune, on pourra dire qu’on a vraiment éradiqué la prostitution. :->


    Je m’interroge : Si on institue ces « auxiliaires », l’Etat devient-il proxénète ? Auront-ils le statut d’auto-entrepreneur ou seront-ils salariés ? Quel sera pour eux l’âge de la retraite ? La Sécu à laquelle je cotise remboursera-t’elle pour que d’autres s’envoient en l’air, à l’oeil ? Y aura-t’il un catalogue ?

    @l’auteur : et vous-même, êtes-vous prêt à donner de votre personne ?

  • djowelle djowelle 3 juin 2012 19:24

    Sachant bien que vous êtes un individu mâle ...je suis tout de même surprise que vous évoquiez aussi peu le cas des femmes dans ce contexte. 


    Sans allez jusqu’au handicap total ou partiel, ni aux pathologies bénignes ou malignes je prendrais l’exemple d’une femme dont la ménopause lui coupe la libido de manière passagère ou permanente...
    Le triste sort de la ménagère de 55 ans qui en plus d’être indisposée par les diverses modifications de son système hormonal, sera perçue comme une « vielle frustrée aigrie » (et j’en passe) parce que elle n’a plus l’envie d’ouvrir sa fleur à tout va... 
    Je pense que la proportion de femmes touchées par ce type de problème est bien plus importante que celles des handicapées ou malades, il ne s’agit presque plus là d’un problème strictement médical, mais presque d’un problème de société...

    Vieillir, subir les assauts de l’âge dans la tête et sur le corps, être frustrée de ne pas pouvoir satisfaire et se satisfaire et devoir par dessus le marché supporter d’être perçue comme le diable dans l’histoire alors que l’on est juste victime de Mère Nature ... ??


     


  • Georges Yang 4 juin 2012 10:17

    La ménopause n’est pas une maladie, mais un état physiologique inéluctable

    Dans un précédent article je parle de la sexualité des vieux où je disais que si pour les hommes vieillissant, la sexualité est avant tout une question d’argent, c’est encore plus complexe pour les femmes après 50 ans


  • noodles 12 juin 2012 05:30

    Bonjour Georges

    vous semblez être le champion des titres accrocheurs...et le plus possible iconoclastes. smiley

    Que le diable m’emporte : je ne me souviens plus du titre de ce film où , médecin sur le champ de bataille, Bernard Giraudeau découvre à la visiteuse l’un des mourants qu’il soigne. A l’article de la mort le soldat bande. Le service à lui rendre va de soi : fellation et masturbation. 

    Il y a des moments ou la libido est mise de côté, surtout du fait des AUTRES. Qui imaginerait que vous puissiez avoir du désir, des pulsions sexuelles dans l’état où vous êtes, ou bien à l’âge ou vous êytes, et en remontant dans votre vie, fait comme vous l’êtes...Vous êts un type bien, mais pas pourt ça.

    Vous seul savez que ça continue. Et fort !

    Pour mon vécu à moi j’ai découvert, et je sais maintenant, que viennent tout seuls des éléments de substitution assez satisfaisants qui compensent. Le corps et l’âme sont apaisés.

    Foutons dehors toutes les pensées culpabilisantes.

    Merci d’ouvrir ces pages pour qu’on s’exprime.

    @+ j’espère. smiley


    • Georges Yang 12 juin 2012 09:12

      Bonjour

      Il faut être iconoclaste car rien ni personne n’est respectable

      Et puis mourir en bandant, ce n’est pas ce qui peut arriver de pire à un homme

      Je n’est pas vu le film mais me souviens que dans le monde selon Garp, une infirmière en mal de grossesse s’empale sur un décérébré qui bande, ce n’est pas mal non plus

      Vous parlez des AUTRES, ils sont hélas comme un oeil social qui vous empêche de jouir et pas seulement au niveau sexuel

      Le consensus social est fait pour culpabiliser celui qui baise trop vieux, celui qui fume, celui qui ne trie pas ses poubelles, celui qui aime la corrida ou le lancer de nain. La société est moutonière et pas uniquement dans le domaine sexuel

      Finalement, dans l’affaire DSK, c’est surtout son âge qui pose problème

      J’avais écrit sur la sexualité des vieux


  • modou modou 14 juin 2012 14:29

    Un décérébré qui bande ça vaut 10 ! c’est plus économique qu’un dildo !  smiley


  • Sandro Ferretti SANDRO FERRETTI 15 septembre 2012 16:58

    ,

    Merci de votre sollicitude.

    Je ne suis pas encore « à l’article » comme disent les réanimateurs. Peut étre encore le temps de faire un ou deux articles.

    Néanmoins, bulles emphysémateuses, artère du creux popelité bouchée à 60%.

    Va falloir que je me fasse souffler dans les trompettes de la renommée...ou poser un stent.

    Cordialement.

    S.


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