jeudi 22 novembre 2012 - par C’est Nabum

Administration : Il est permis de bien se conduire

La commission médicale d'une quelconque préfecture.

Vidéo en contre-point :

Histoire vraie ...

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Le chroniqueur n'est pas prêt de se trouver démuni. Tous les jours ou presque arrivent à ses oreilles attentives des situations rocambolesques ou bien ubuesques, des contes à la Kafka ou bien des récits dignes de Courteline. Sans avoir la prétention de me mesurer à ces grandes plumes, je vous livre céans, une histoire qu'on m'a confiée. Elle n'est hélas que trop vraie !

Cette aventure se déroule dans un département dont nous tairons le nom par égard pour ceux qui sont les acteurs de cette farce administrative. Deux personnes se présentent au petit matin devant la commission médicale des permis de conduire. Cette émanation de cette austère administration se situe dans des locaux annexes.

Un homme, atteint hélas de la terrible maladie d'Alzheimer doit répondre à une convocation afin de se voir, par prudence, retirer son permis de conduire. C'est la fin d'une procédure menée par la famille pour que cesse ce risque de plus en plus réel quand ce pauvre personnage prend le volant. Il a dû passer devant un médecin conseil qui a empoché 33 euros pour ne rien décider et faire suivre le dossier vers la commission ad-hoc. Tout est bon à plumer les dindons !

Donc, voilà nos amis devant cette fameuse commission à l'heure précisée par leur convocation. Ils arrivent bien sagement dans les temps, se retrouvent devant quelques sièges pour qu'attendent les chalands et un bureau à la porte ouverte. Ni affichette, ni procédure explicite, l'usager doit savoir par lui-même les us et coutumes de ce lieu.

Ils approchent de ce bureau ouvert. Une dame y travaille, elle lève la tête et dit sèchement, « C'est pourquoi ? », elle vocifère d'un ton de mégère revêche : « C'est pas votre tour ! » Par la suite, ils découvriront que cette secrétaire atrabilaire manie, maîtrise la phrase non verbale et la forme exclamative avec un rare talent. Penauds, ils vont s'asseoir sans trop savoir quand sera leur tour.

Ils sont dans un local sans lumière du jour. Ils se retrouvent avec quelques personnes aux parcours différents. A l'entrée, deux tables d'écolier, pour recevoir des casisers à lettres posés là, pour répartir sans doute le courrier des différents services relégués loin de la préfecture mère. L'ambiance est à l'image du lieu, c'est glauque, la suite le confirmera en tous points.

La dame à la tenue stricte, hurle parfois un nom de famille : " Machin est arrivé ? " Point de monsieur ici, il faut aller à l'essentiel. Faute de réponse après plusieurs tentatives, la dame de gueuler alors « Qui est qui est arrivé ? » Les gens se lèvent pour signaler leur patronyme. Pas besoin de longues conversations.

Du bureau retenti alors : « Dupont, à vous ! » L'intéressé se lève et pénètre dans le bureau. La porte ne se referme pas derrière lui, la dame ne va tout de même pas se lever. C'est ainsi que chacun peut entendre les raisons de la présence de ce monsieur dans ce bureau de la honte. « Perte du permis pour conduite après consommation de cannabis. Vous avez vos examens médicaux ... » Les autres, dans la salle d'attente sont gênés. La confidentialité n'a pas sa place ici.

Dupont ressort. Un autre nom est hurlé à la cantonade. Celui-là est vertement sermonné. Il est venu en voiture chercher son permis. La dame s'en étonne et tous d'entendre ce qu'il a osé faire. Le public apprend et comment ne pas le faire, que ce triste sire a perdu son précieux papier rose pour conduite en état d'ébriété. Son taux de gamma GT semble ne pas être assez descendu, c'est pas gagné pour lui !

Les gens dans la salle ne savent plus où se mettre. Ils doivent discuter entre eux pour échapper au dossier du suivant. Pire encore, les gens sont ensuite appelés dans le bureau du médecin conseil. Si celui-là ferme la porte, les murs sont si fins que chacun peut, en tendant l'oreille, tout savoir de ce qui se dit, là aussi. Cette fois, c'est un questionnaire médical, la chose pourrait être plus intime.

C'est au tour de ceux qui m'ont narré l'aventure de passer devant la dame. Des questions sèches qui profitent à tous. Une nouvelle attente, le passage devant le médecin flanqué d'une collaboratrice puis après une nouvelle attente, le retour devant la dame pour le résultat de la décision du docteur. Et là, la dame a voulu se montrer aimable. Notre ami s'étant vu retirer le permis en toute logique compte tenu de l'avancement de sa terrible maladie, notre dame de vouloir le rasséréner : « Vous savez, la mémoire ça se travaille, vous pourrez réclamer une convocation ultérieure ! »

Dans la salle d'attente, quelques rires étouffés ajoutent à l'humiliation de cette perte symbolique. C'est ainsi que ça se passe dans cette préfecture de province. Les administrés n'ont pas droit au respect et au secret. Chacun profite de la détresse des autres. Il suffirait de peu de chose pour que ce moment difficile se fasse dans des conditions acceptables, mais qui en a vraiment envie ?

Permissivement vôtre.



20 réactions


  • jako jako 22 novembre 2012 10:11

    Merci Nabum, au dela de ce scénario bien réel, je n’en doute pas, il y a tout un faisceau ou toile d’araignée administrative ( douane par exemple) qui sont peuplés de petits gens un peu sadiques (quelque fois beaucoup). Et le pire c’est que ce n’est pas qu’administratif, mon amie fait des ménages chez les particuliers avec un titre service à 7euros de l’heure... vous en pouvez pas imaginer la petitesse de ces gens qui vous traitent littéralement en esclave, il y a de quoi faire un article d’ailleurs.


    • C'est Nabum C’est Nabum 22 novembre 2012 11:07

      jako


      Je crois pour être aussi de cette administration qu’on décrie si facilement que ce comportement révèle une souffrance et un mépris des supérieurs qui rejaillit évidemment sur les usagers ? Donner de bonnes conditions et des directives claires s’impose. Ces gens ne demandent qu’à grandir !

  • Dzan 22 novembre 2012 11:00

    L’Admistration dans ce qu’elle a de plus détestable, et qui donne raison aux petits Pelletiers grands pourfendeurs de tout fonctionnaire.
    Quant à ces fameuses commissions médicales du permis de conduire.
    Une de mes amies, a eu son permis retiré pour 6 mois après un contrôle d’alcoolémie positif ( 0.6 gr expirés).
    Rien à dire, c’est la loi.
    Mais, car il y a un mais.arrètée par des policiers municipaux, elle s’est vue menottée, alors qu’elle n’a opposée aucune rebellion. Des vrais Starky et Hutch, toute sirène hurlante, pour conduire la dangereuse contrevenante au commissariat distant de 2 Kms..
    Je passe sur la suite policière normale. Fouille , puis GAV, etc...
    Ensuite, convocation devant un médecin alcoologue attitré, très affable qui explique bien le pourquoi du comment.
    6 mois après, convocation devant la fameuse commission médicale, avec les analyses de sang, adéquates. Il n’y a pas que les gammas ( des gens qui ne boivent que de l’eau, en ont en quantité)
    Il y a un autre critère le CDT, dont je vous ferai grâce, mais qui est le plus significatif d’alcoolisme chronique.
    Ok, on vous taponne votre permis PROVISOIRE d’une durée d’un an.

    Entre temps, l’amie change de département. Il lui faut donc contacter la Préfecture de départ pour faire suivre le dossier, à la Préfecture d’arrivée., et là ce n’est pas gagné.Il faut employer des lettres recommandées avec AR.
    Re analyses de sang au bout d’un an, et convocation à la commission du nouveau département, avec un décalage d’un mois, par rapport à la date initiale. ( manque d’effectifs - RGPP)
    Tampon pour 1 an de plus !!!
    Cette année écoulée, ne voyant pas venir la convocation, l’amie, téléphone au service des permis de conduire, où on lui répond que le service médical est saturé. Elle reçoit 3 jours plus tard, un papier lui permettant de conduire, jusqu’à la convocation ...3 mois plus tard ( manque d’effectifs)
    Permis PROVISOIRE tamponné pour 5 ans.
    Ce qui veut dire, que en tout, pour 0.6 gr ( expiré) on vous convoquera pendant 7 ans 1/2.
    A chaque fois, l’analyse de sang, c’est 43 euros.+ les Kms pour aller à la Préfecture+ les jours de congés à demander à son patron pour s’y rendre.
    Ce post n’est pas pour plaindre cette amie, mais pour informer. Car aucun média,n’a jamais parlé de la durée de 7 ans.
    Je dois signaler que mon amie, n’a jamais eu affaire à une harpie, comme celle que vous décrivez, mais par des médecins ou compréhensifs, ou désabusés.


    • C'est Nabum C’est Nabum 22 novembre 2012 11:12

      Dzan


      Les fonctionnaires ne sont que les prisonniers de l’air du temps et des directives supérieures. Le temps est au mépris, à la détestation de l’autre. Les conditions de travail sont pénibles, les demandent absurdes.

      Dans un pays qui va bien, des policiers municpaux ne penseraient même pas à menotter votre amie pour ce délit de peu d’agressivité. Mais les temps sont à la méfiance, à la peur et voilà la dame qui bascule dans la dégradation pour une bêtise de rien.

      C’est monstrueux. Pour votre amie je vous offre ce billet ancien :                       


      Que d’histoires pour des menottes !

      La paire de la honte !



      Quelle étrange idée d’accoler un nom si gentil, si enfantin à cette abomination qui déshonore notre police nationale tout comme celui qui s’en voit gratifier et toute la société qui a recours à un objet d’un autre temps pour des gens qui ne méritent pas, le plus souvent, pareille infamie.


      L’entrave moyenâgeuse a encore la vie longue. Le mépris avec lequel on peut traiter celui qui, jusqu’à décision de justice explicite est considéré comme innocent, ne cesse de m’interpeler. Je tends les mains pour subir cette humiliation absolue, redoutant que le combat que j’ai décidé de mener, ne me conduise à cette terrible extrémité.


      La gentille petite paire de menottes constitue la première étape de cette lente négation de l’individu. Les fonctionnaires qui vous gratifient de ce magnifique accessoire de la joaillerie judiciaire ajoutent le mépris, la morgue et l’autoritarisme à la déchéance ostentatoire que la société affiche avec délectation.


      Devant voisins et photographes, caméra et badauds, celui qui porte les fers est exposé, condamné déjà devant cette opinion publique pour laquelle on fait tant de mal ces derniers temps. L’individu est nié, il est devenu suspect, potentiel coupable, bête dangereuse et ennemi public.


      Personne ne semble choqué par ces jolis bracelets que les forces de l’ordre enfilent en notre nom, pour notre protection. Une gamine de 14 ans en pyjama, un vieil homme ou une mère de famille, un ivrogne ou un récalcitrant, tous ont droit à ce fer qu’une société beaucoup trop permissive avec la racaille ne chauffe plus au rouge.


      Cette paire de menottes, nous la traînons comme un boulet et qu’importent les différentes évolutions apportées par la technologie, la privation immédiate de liberté n’a pas besoin de cette chaîne du désespoir. Les poignets enserrés par du fer ou du plastique, l’homme est rabaissé à l’état d’animal indocile.


      Pendant ce temps, étonnés de cette révulsion sincère qui me pousse à m’enflammer une nouvelle fois, des adorateurs de la contrainte, des bienheureux du coup de fouet et des sévisses amoureux se précipitent pour s’équiper de cet objet qui les ravit. Il est impossible de s’enquérir de l’histoire de ce sordide objet sur internet sans tomber sur une multitude de propositions douteuses.


      À croire qu’il y a une convergence objective entre les tenants de cette représentation de l’ordre inique et ceux qui ont recours à une sexualité qui n’emprunte pas que des chemins semés de roses et de douceur.


      Dans un cas comme dans l’autre, la suite n’est pas toujours rose. La garde à vue qui ne manque pas de prolonger cet attachement si peu affectif dépasse de très loin le cadre acceptable de la dignité humaine.


      Alors qu’on nous demande d’afficher les droits de l’homme et du citoyen dans les écoles de la république, les beaux esprits qui nous gouvernent ne songent pas à reconsidérer ces reliquats de l’ancien régime, ces ignominies qui traumatisent si durablement ceux qui en sont victimes, que je doute que la société en tire profit.


      L’arrêt public nous interpelle, sachons nous élever contre cette pratique d’un autre âge qui dans de très nombreux cas n’est absolument pas justifiée !


      Attachementindéfectiblement vôtre


    • foufouille foufouille 22 novembre 2012 12:44

      « Les fonctionnaires ne sont que les prisonniers de l’air du temps et des directives supérieures. »

      on nous a fait le coup en 40
      ils ont pas un flingue devant leur tete


    • C'est Nabum C’est Nabum 22 novembre 2012 12:47

      foufouille


      Le libre arbitre ? Pas si simple !

  • révolté révolté 22 novembre 2012 12:16

    A l"auteur,
    je ne serais pas étonné que cette mésaventure ait eu lieu à Orlèans (45),
    quant on connais le service de la rue Pasteur...  smiley


  • jymb 22 novembre 2012 13:26

    Un avatar de plus dans la longue litanie de l’hystérie autophobe. Un quidam avec un volant entre les mains n’est plus un humain mais un sale délinquant qu’il faut rabaisser et tondre par tous les moyens.
    N’oubliez pas qu’un retrait de permis, même en relation avec une série de pseudo infractions fabriquées à coup de sur limitations absurdes et de contrôles millimétriques finira avec un humiliant examen médical ..


    • C'est Nabum C’est Nabum 22 novembre 2012 13:33

      jymb


      Tout est prétexte à faire de l’argent avec la fiscallité routière.


      L’alcool au volant pose un autre problème mais la dignité ne devrait pas être bradée de la sorte !

  • alinea Alinea 22 novembre 2012 14:16

    Les menottes ! Moi qui, le 14 mai 2011 sautait au plafond, au risque de me fracasser le crâne, entendant que nous étions débarrassés de Strauss-Kahn, quelques jours plus tard, je compatissais sincèrement devant ces lamentables images !
    La routine détruit toute psychologie ou, à tout le moins, toute humanité !
    Dans une prochaine société il faudra se garder de faire (faire) le même métier une vie durant !
    Police, justice, Santé : tout finit par être déshumanisé.


    • C'est Nabum C’est Nabum 22 novembre 2012 14:24

       Alinea


      Je ne peux naturellement que souscrire. Il y a de quoi se révolter contre l’usage de cet instrument d’un autre âge, de cette colonté de briser un individu par ce signe d’infamie.

      Quant à la capacité d’aveuglement dans laquelle mène la pensée corporatiste, il faudrait d’autres manières d’envisager les carrières.

  • Ruut Ruut 22 novembre 2012 15:45

    Pourquoi les murs ne sont pas insonorisés et les portes n’ont pas de système de fermeture automatique ?


  • BOBW BOBW 22 novembre 2012 16:20

    Avec de hauts murs, des barbelés ,une grande porte en fer blindée et des miradors, cela évoquerait au moins « La bonne Santé » Non ! smiley


  • non667 22 novembre 2012 23:22

    à propos de permis de conduire !
     vous habitez marseille et vous êtes responsable d’un accident AUTO corporel à dunkerque !
    1°- pompiers et constat par la police
    2°- convocation plus tard au commissariat de Dunkerque pour interrogation et pv pour non maitrise de véhicule (400 € ) et coup et blessure involontaire (200€) avec itt !
    3°- après le commissaire téléphone au procureur de la république pour savoir si celui-ci classe l’affaire sans suite ou s’il lance une procédure PÉNALE (POUR UNE AMENDE pour le fisc ) ,les dommage matériels et corporels étant réglés entre assurances .
    4°- vu les besoins d’argent de l’état vous voyez la suite
    5°-convocation plus tard devant le substitut du juge de Dunkerque pour une composition pénale qui applique le barème (400+200 ) et ajoute 2 mois de retrait de permis et une visite chez l’ophtalmo ?
    6°- vous acceptez ou vous demandez a passer devant le juge lui même !
    7°- vous acceptez ,le dossier seul va devant le juge pour confirmation et retour plus tard chez le substitut  !
    8°-convocation à dunkerque chez le substitut pour paiement et remise en main propre du permis !
    9°- retour a Dunkerque pour récupérer le permis 2 mois après au palais de justice !

    4 voyages dunkerque marseille pour rien


    • C'est Nabum C’est Nabum 23 novembre 2012 07:49

      non667


      Au-delà du racket d’état organisé et d’une monstrueuse efficacité, le but premier de ce système est l’humiliation.

      Justice inhumaine qui favorise la rupture et la haine.
      Justice de classe qui ne fera jamais ça pour un notable
      Justice du mépris

      Merci de ce récit qui mériterait un billet

  • julius 1ER 23 novembre 2012 09:22
    Justice inhumaine qui favorise la rupture et la haine.
    Justice de classe qui ne fera jamais ça pour un notable
    Justice du mépris
    Par manque de moyens
    Par négligence aussi
    tout cela est juste malheureusement,et comme dzan l’a si bien dit , c’est dans l’air du temps, sans un sursaut citoyen les choses n’iront pas en s’améliorant, car dans un pays qui érige l’injustice en système cela ne peut pas être autrement que cela !!!


    • C'est Nabum C’est Nabum 23 novembre 2012 09:28

       julius 1ER


      L’air du temps est vicié et ce n’est pas le hasard que nous ayons eu un Président quei se conduisait si mal. 
      Le temps n’est plus au respect et à l’empathie.

      Toutes les institutions sont touchées.

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