Clémenceau : symbole du pouvoir de l’information
Inimaginable il y a un demi-siècle, ce fiasco politique est le symbole de l’avènement du contre-pouvoir le plus puissant jamais généré par la démocratie : l’information.
Combien de navires militaires démantelés ou de vieilles coques de la marine marchande ont fini leur carrière par le fond ? Le France, que Michel Sardou "souhaitait" dans une chanson voir "coulé le cul tourné vers Saint-Nazaire", pourrait faire bientôt route pour un obscur chantier de démolition au Bangladesh, une démarche qui, comme pour le Clémenceau, dénote des "accidents" qui réglaient jusqu’alors le sort de ces encombrants. Les associations écologistes veillant au grain, puissamment armées de vecteurs de communication, rappellent dorénavant à l’ordre les Etats démocratiques, et s’appuyant sur la presse et Internet, informent les citoyens de leurs combats.
Le Clémenceau a ainsi tenté un dernier voyage vers le Tiers-monde, franchissant cahin-caha les obstacles dressés sur sa route, juridiques, économiques et politiques. Ce feuilleton tragi-comique eut son cortège de situations ubuesques. Indignations d’autorités indiennes sur le sort sanitaire des ouvriers-esclaves d’Alang, protestations, puis bienveillant accord de l’Egypte lors du franchissement du canal de Suez, cris de vierges effarouchées des leaders socialistes en France, incapables de régler le sort du Clémenceau lorsqu’ils avaient le pouvoir, et pour certains "responsables mais pas coupables" d’autres scandales sanitaires. Sans oublier l’étonnant comportement du PDG de la société en charge du désamiantage du bateau, sortant du chapeau pour "cracher dans la soupe".
Indiscutablement, cette affaire relève de l’amateurisme politique, et montre encore une fois que l’entêtement n’est plus une méthode de gouvernement. Face à des déferlantes d’informations contradictoires, un bon marin rentre au port et ne cherche pas à dominer le gros temps. Le gaullisme a vécu, cédant la place à la démocratie participative, le jour où la télévision d’Etat devint la télévision de service public. L’avènement d’Internet a tourné définitivement la page de cette politique, certes plus efficace, mais ô combien autoritaire. L’ère politique qui s’annonce sera peut-être ingérable, comme elle l’est aujourd’hui, mais cette vague de liberté de pensée devrait emporter les derniers bastions totalitaires. La fronde récente contre un certain moteur de recherche soupçonné de complaisance à l’égard de la Chine le prouve avec éclat.
Quant au Clémenceau, prions qu’aucun "accident" regrettable n’en fasse une épave de plus.